Comme vous sans doute, j’ai été secoué par le décès inopiné de Guy Corneau. Je me souviens l’avoir interviewé pour la première fois il y a presque 30 ans, lors de la sortie de son livre « Père manquant, fils manqué ». Cet ouvrage reste à mon sens le plus audacieux et le plus judicieux de tous ceux que le psychanalyste québécois a publiés. Par la suite, j’ai eu l’occasion de le rencontrer à plusieurs reprises et d’apprécier son extrême gentillesse, sa grande disponibilité, la pertinence de sa pensée et les multiples facettes de son talent. Son principal apport au monde de la santé et du développement personnel restera probablement d’avoir mis à la portée de ses lecteurs et auditeurs les concepts de la psychologie jungienne. Tout comme Carl Gustav Jung, Guy Corneau était animé par la vibrante conviction que nos maladies sont des efforts de la nature pour nous guérir. Lorsqu’il a développé son cancer, j’ai su rapidement que le psy canadien avait décidé de mettre toutes les chances de son côté en explorant des approches alternatives, dont notamment la biologie totale du Dr Claude Sabbah. Il a suivi des formations données par le médecin marseillais et il a travaillé avec lui le décodage de ses conflits. Je n’ai donc pas été très étonné qu’il s’en sorte et qu’il raconte ce parcours de guérison dans son avant-dernier best-seller « Revivre ! », sorti en 2010.
Je ne sais plus dans quelle mesure ce bouquin a influencé ma décision de créer la revue Néosanté, mais je me souviens avoir absolument voulu que son auteur soit la première personnalité rencontrée par notre experte en interviews, la journaliste Carine Anselme. Et je me souviens avoir éprouvé une grande joie en apprenant que Guy acceptait d’inaugurer avec nous le premier numéro du mensuel. Comme il symbolise un peu la naissance de Néosanté, c’est toujours sa photo en couverture qui sert d’image à nos propositions d’abonnement. C’est dire si nous avons perdu le 5 janvier quelqu’un que nous estimions beaucoup et dont nous nous sentions proches. Aujourd’hui, je n’ai pas trop envie d’exprimer ma tristesse ni de rédiger des éloges funèbres. Depuis jeudi, il en fleurit assez dans la presse et sur la toile. J’ai simplement envie, en guise d’hommage, de reproduire ci-dessous l’interview qu’il nous avait accordée pour le Néosanté n° 1. Ils auront bientôt six ans, mais ces propos recueillis par Carine Anselme restent à mes yeux très précieux tant ils sont riches en sagesse, en lumière et en espoir. Merci pour tout, Guy Corneau, en te souhaitant une belle ascension vers les étoiles.
Yves Rasir
PS : si vous préférez (re)lire cet interview dans sa mise en page originale, je vous rappelle que la version PDF du Néosanté n° 1 de mai 2011 est accessible gratuitement sur notre site. Cliquez ici pour le télécharger.
En avril 2007, le célèbre psychanalyste québécois Guy Corneau apprend qu’il est atteint d’un lymphome cancéreux de grade 4…le plus avancé. Un an plus tard, il s’entend dire par la même oncologue : « Je ne sais pas ce que vous avez fait, mais ça a marché. » Dans son livre Revivre !, il témoigne de sa traversée et plaide pour une approche intégrative de la maladie. Un livre éminemment humain, porteur d’un message d’espoir, d’une invitation à la réflexion sur le sens de la maladie et d’une incitation à prendre sa vie en main…sans attendre d’être malade. « Ce n’est pas la médecine qui va décider de l’issue de cette maladie, c’est moi », s’était-il promis. Pari réussi.
Guy Corneau s’est levé tôt ce matin pour méditer avant notre rencontre. Il a pris des engagements intérieurs pour ne pas replonger dans la spirale qui l’a mené au pied du mur, au seuil de la mort. « Ce matin, j’ai beaucoup de silence en moi », reconnaît-il. Alors qu’il vient d’entamer une nouvelle tournée internationale de conférences, on sent l’homme pris entre deux feux. Entre l’envie de communiquer son expérience et celle de conserver un rythme lui permettant de garder ce contact avec son être profond et ses besoins. Aussi, veille-t-il à alterner moments de ressourcement et de travail. Après notre long entretien, les yeux brillants, il souhaitera aller (bien) manger chez son ami restaurateur, Jamil, à L’Intemporelle. Nous y parlerons du goût de soi, du goût de l’autre. Du goût de la vie retrouvé.
Néosanté : Dans « Revivre », vous dénoncez le trop-plein d’activités qui a contribué à vous éloigner de vous-même et de vos besoins profonds. Alors que vous avez repris vos voyages et conférences, comment arrivez-vous à rester proche de votre essentiel ?
Guy Corneau : C’est un effort quotidien ! Après le temps d’arrêt imposé par la maladie et la convalescence, la reprise demande une grande vigilance. Nous vivons des vies stressantes : garder notre état d’âme bien vivant exige de la discipline. Un cocktail de mesures, d’exercices et de prudence pour ne pas foncer dans le même mur et garder un détachement intérieur qui permet de relativiser la réalité quotidienne. Je pratique entre autres du Tai Chi Chuan, de la méditation ou encore du Qi Gong. Cela me procure une joie, un plaisir indépendants de ce que je fais, de ce que je produis professionnellement. Je suis ainsi ramené à un essentiel qui préserve mes élans créateurs. Il m’arrive aussi d’amener ma guitare sur scène en conférence (Rire). S’amuser, c’est encore ce qu’il y a de mieux pour rendre la vie pétillante, comme des bulles de champagne ! Un cœur heureux éloigne les médecins…
« Revivre » est un véritable plaidoyer pour une approche intégrative, globale, de la maladie…
J’ai une longue histoire avec la maladie, notamment une colite ulcéreuse qui m’a ravagé durant des années. Pendant ces années de souffrance, j’avais acquis des outils. Et là, il a fallu que je les utilise. Même s’il n’existe pas de recette universelle, j’avais envie au travers de cet ouvrage de légitimer une approche globale. Bien humblement, j’y témoigne de ce qui m’a ramené à la santé sans chercher toutefois à déterminer lequel des nombreux outils que j’ai utilisés a été le plus utile et déterminant. C’est l’éventail de ces approches qui m’a aidé, leur synergie qui m’a tiré d’affaire. Soit l’association de la médecine allopathique, celle des médicaments et traitements hospitaliers (chimiothérapie, radiothérapie…) ; de la médecine naturelle des herbes et des plantes (phytothérapie, alimentation, jus verts, suppléments naturels…) ; de la médecine énergétique, qui agit directement sur la vitalité de l’être (visualisation, acupuncture, homéopathie, holoénergétique, méditation…) ; et de la psychothérapie, qui harmonise les émotions. Après à chacun de composer sa formule : le plus intéressant est ce que ces moyens mettent en branle à l’intérieur de l’être.
Vous soulignez le rôle des approches énergétiques pour dialoguer avec nos états intérieurs et les changer…
Absolument, et dans cette catégorie, à la visualisation d’images positives, au dialogue avec les cellules ou encore aux exercices de cohérence cardiaque (entre autres), j’ajouterais aussi les promenades dans la nature, la contemplation, la poésie… tout ce qui agit sur la vitalité et permet d’entrer dans une transformation intérieure (voir sur www.guycorneau.com, exercices pratiques de dialogue avec les cellules, ndlr). Là où la chimiothérapie détruit, en abattant le système immunitaire, la médecine énergétique reconstruit : elle nous permet de créer le nouveau style de vie dont nous avons besoin pour retrouver la santé. De plus en plus de recherches montrent que les états qui entraînent une expansion joyeuse de l’être contribuent fortement à la santé.
Cette approche intégrative est-elle une voie d’avenir ?
La célèbre clinique Mayo, aux États-Unis, à la pointe de la médecine moderne, a publié en 2007 un livre complet dédié à la médecine alternative où il est fait la promotion d’une médecine intégrative, avec évaluations et recherches à l’appui*. On y retrouve la plupart des approches que j’ai expérimentées et dont je parle dans « Revivre ! ». Un palmarès des dix meilleures approches alternatives y est même établi. L’imagerie mentale dirigée vient en deuxième place, juste après l’acupuncture. La méditation vient en cinquième dans une liste qui comprend aussi l’hypnose, le massage, la musicothérapie, la spiritualité (la prière), le tai chi chuan, le yoga…
Votre livre pose un regard positif sur la maladie, « séisme salutaire » offrant une opportunité d’évoluer…
En fait, ce livre en soi n’est pas essentiel, mais il me permet de communiquer avec les personnes concernées de près ou de loin par la maladie. Il ne s’agit pas de raconter ma vie, mais de partager mon expérience. Et d’inciter les gens à ne pas se comporter en victimes, quelle que soit la gravité du diagnostic. Même si les traitements sont indispensables, il ne faut pas les subir passivement. C’est à nous de nous « reprogrammer » pour la santé. Par cet ouvrage, je voulais engager une réflexion, non seulement de survie, mais aussi de vie, en disant que le cancer est une opportunité de se retrouver, de se transformer, de se développer.
Vous mettez en lumière le sens psychologique de la maladie, qui représente l’effort de la nature pour nous guérir, selon l’expression de Jung, ou la solution parfaite de survie déclenchée par le cerveau, selon la biologie totale… Diriez-vous que la maladie a toujours un sens ?
Je le crois. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, on meurt moins vite d’un cancer que d’un stress qui s’est transformé en détresse, ou d’une sensation intenable à laquelle on ne trouve pas de solution viable. Toute maladie donne à voir notre déséquilibre intérieur et trahit une rupture avec soi-même : on néglige ses besoins, on épuise ses réserves, on se dit qu’on verra plus tard…mais la maladie vous attend au tournant. Dans le cas du cancer, bien sûr, il s’agit d’une rupture plus fondamentale, qui remonte généralement à l’enfance. Mon impression est que les « grandes » maladies aident à démanteler les structures les plus profondes et sont initiatrices de grandes transformations. Pour ma part, j’ai eu une enfance difficile, sur laquelle je ne souhaite pas m’étendre. Pour survivre, j’ai été obligé de rompre avec mon essentiel, avec une partie importante de mon moi profond. J’ai dû rentrer dans le moule, renoncer à ma spontanéité et laisser certains des mes talents en friche. J’ai ainsi développé ce que l’on appelle un « soi de survie », qui m’a éloigné de mon authenticité, de ce que je voulais et de qui j’étais vraiment. Selon moi, beaucoup de cancers prennent racine ainsi. Il faut comprendre que les parties reniées, écrasées, humiliées de soi mènent une existence de sans-abri à l’intérieur de l’être. Tôt ou tard, elles agissent comme des zones d’inflammation qui bloquent le fonctionnement habituel.
La maladie serait donc l’expression de ce déni ou de ce refoulement ?
Oui, les parties reniées de l’être forcent une déstructuration pour une restructuration de la personne. En d’autres mots, elles engagent un bouleversement suffisant de l’organisation psychique pour permettre une réorganisation, si l’on est à même d’entendre le message des profondeurs. Pensez par exemple à un abcès qui se développe sous une couronne dentaire et qui forcera le démantèlement de la superstructure imposée à la dent pour pouvoir être soigné. Une maladie agit comme un abcès qui un jour ou l’autre va obliger une remise en question de l’équilibre global de la personne. Plus vous êtes à même de favoriser cette remise en question, plus vous favoriserez les mécanismes de retour à l’équilibre. La maladie vient en quelque sorte vous aider à retrouver votre essentiel, à guérir les blessures les plus profondes. La compréhension du sens de la maladie débloque la vie, donc la vitalité.
C’est une libération de l’être ?
Comme dans un cataclysme collectif qui attire la compassion et favorise la naissance d’une nouvelle fraternité humaine, le séisme personnel de la maladie rend possible une nouvelle unification des forces de l’individu et une réorganisation de sa vie, faisant éclater le soi de survie. La personne a alors l’impression de se libérer d’un poids énorme. En somme, la maladie offre la possibilité d’une simplification salutaire de la vie d’un individu au niveau psychique. Il cesse de se saboter lui-même et devient plus apte à se reconnaître et à s’aimer parce qu’il a retrouvé le lien direct avec ce qu’il ressent véritablement. Il est en contact avec son soi authentique. Il cesse de survivre pour vivre pleinement.
Pourtant, malgré cette ouverture au sens de la maladie, vous résistez à l’interprétation que vous fait Claude Sabbah, en décodage biologique…
J’ai la résistance facile ! Peut-être que les psychanalystes sont des animaux un peu rébarbatifs (Rire) ?! Quoi qu’il en soit, cette approche intéressante – j’ai d’ailleurs suivi plusieurs séminaires de Claude Sabbah – permet de réfléchir dans une direction donnée. Les propositions de la biologie totale prennent place à côté des démarches proposées par la médecine psychosomatique, la psychanalyse, l’ostéopathie ou encore la médecine traditionnelle chinoise. Toutes se basent sur une psychologie qui met un organe en relation avec un émotion et un conflit émotionnel la plupart du temps inconscient. Quand j’annonce à Claude Sabbah que le cancer qui m’affecte est un lymphome dont le foyer principal est l’estomac, il m’explique que cet organe est l’un des premiers organes de préhension du monde pour le nouveau-né, qui a tendance à toute mettre à sa bouche. L’estomac nous met ainsi sur la piste de nourritures affectives qui, dès le premier âge, ont été difficiles à assimiler par l’enfant. En général, il s’agit d’humiliations et de dévalorisations. Jusque là, je le suis bien, mais comme la tumeur affecte la partie supérieure de l’estomac, le pylore, Claude Sabbah m’invite à regarder du côté du père. Et là, je suis étonné. Bien que j’aie écrit Père manquant, fils manqué, je n’ai jamais pensé que notre relation se situait dans une dynamique de dévalorisation. En fait, je ne rejette pas ce qu’il me dit. Je trouve simplement que ça ne colle pas tout à fait à mon expérience et qu’il me faut du temps pour y penser.
Vous n’aimez pas être enfermé dans une interprétation ?
En fait, je trouve cette approche intelligente et je pense que le décodage biologique offre un outil de diagnostic intéressant, mais je crois que personne ne détient une interprétation définitive : il s’agit d’hypothèses, de pistes de réflexions, pas de dogmes. J’ai besoin d’un certain flou artistique, car il me permet de penser par moi-même. L’essentiel réside dans le fait que ces hypothèses soient porteuses de sens pour la personne qui les reçoit de la part d’un intervenant. Toutes les démissions sont douteuses, même s’il s’agit de s’en remettre à Dieu. D’une manière générale, il ne suffit pas de croire ce que l’intervenant dit (qu’il vienne des médecines alternatives ou de la médecine conventionnelle, d’ailleurs), ni d’accepter les choses passivement pour que le problème disparaisse. Il faut s’en mêler : c’est soi qui est malade. Plus que trouver vite, le plus important est de chercher : de se mettre en chemin vers soi-même.
Entre autres ressources, vous pointez le rôle de la nature dans votre processus de réunification intérieure, de guérison…
La maladie vient souligner un divorce intérieur : l’écart entre le personnage que l’on est devenu et l’être vrai qui cherche à s’exprimer. Or, par essence, la nature permet de retrouver l’unité. Regardez les arbres : ils sont vrais, abandonnés en union avec la vie universelle. Si nous pouvons nous détacher de notre être essentiel grâce à notre esprit, le même esprit qui nous détache peut nous ramener à l’union. Quand je passe deux heures dans la nature, durant la première demi-heure je continue à gamberger, puis je regarde la nature et elle me dégage du souci de moi-même. Elle permet de se reconnecter à une sorte d’amour inconditionnel de soi. On y est en contact avec la plénitude, avec l’air, la lumière, le biotope : avec l’abondance naturelle de la vie qui nous ramène à l’essentiel. Un essentiel qui n’a rien à voir avec le travail, l’argent ou la réussite. Je ne crois pas que l’on puisse revenir à l’équilibre sans goûter à la paix intérieure, une paix que la tranquillité de la nature peut réveiller en nous.
Le slogan qui assure la promo de « Revivre ! » dit : « N’attendez pas d’être malade pour lire ce livre ! » Il est donc aussi porteur d’un message préventif ?
Absolument ! Il n’est jamais trop tôt pour renouer avec son authenticité profonde et s’engager dans une manière de vivre respectueuse de la vie. Que l’on soit malade ou en bonne santé, il est essentiel d’apprendre à lever le pied, à se retrouver. Le corps se régénère dans la détente. Un stress qui dure nous ferme et nous met en mode « combat », ne permettant pas aux cellules de se régénérer et d’éliminer les toxines. Nous avons besoin de plages régulières de ressourcement, tant pour notre santé que pour notre équilibre intérieur.
Le problème, c’est que tout cela ne nous est pas enseigné ni par nos parents ni à l’école…
C’est vrai. La joie est notre nature profonde. Une joie absolument indépendante du fait d’être malade ou en bonne santé (bien qu’elle favorise la santé). Mais nos activités diurnes voilent cet état-là. Regardez les enfants, chez qui cela n’est pas encore masqué : c’est la joie qui triomphe ! Pour préserver le dialogue spontané de l’enfant avec ses profondeurs et son ressenti, il est important de ne pas définir le monde pour lui. Plutôt que de lui dire : « Tu as vu comme c’est beau », demandez-lui : « Comment trouves-tu ça ? », « Qu’est-ce que tu ressens ? », etc. Ces questionnements le ramènent à son ressenti, donc à son être profond. Le problème, c’est la coupure avec ce qu’il ressent vraiment ; coupure induite par l’éducation, la société… Or, ce problème nous suit dans notre vie d’adulte. Arriver à établir cet autre dialogue avec un enfant permet aussi aux parents d’oser se poser la question : « Qu’est-ce que je ressens vraiment : face au monde, face à une personne, à un paysage, un événement ? » La vie n’est pas toute-faite, il faut pouvoir accepter la part de clarté, d’ombre, d’insécurité, de remises en question, etc. C’est ce qui permet de rester en contact avec l’étincelle de vie. Avec soi.
Dans « Revivre », vous soulignez l’importance de prendre le temps de guérir, mais tout le monde n’a pas l’opportunité ni les moyens de se mettre en retrait et de pratiquer toutes les approches dont vous parlez ?
Oui, c’est évidemment un luxe, j’en suis conscient. Mais tout le monde peut aménager son quotidien pour se donner plus de temps à soi-même. Il est essentiel de trouver par tous les moyens une sorte de détente. Quelle que soit sa situation familiale ou professionnelle, il faut oser demander de l’aide. Essayer de s’en sortir de façon isolée est un chemin d’autodestruction. Si l’on prend le temps de se reposer, de voir des amis, de partager des moments avec les enfants, de manger avec des êtres qui nous sont chers, cela participe au goût de vivre et à l’envie de continuer. De toute façon, vous n’avez pas le choix : ou bien vous vous couchez pour mourir, ou bien vous faites de la maladie une opportunité de changement. De transformation profonde.
On a l’impression que cette transformation intérieure est encore plus essentielle à vos yeux que la guérison…
Déjà, le mot « guérison » n’est pas juste parce qu’il sonne définitif. Personne ne guérit une fois pour toutes, puisque nous sommes tous programmés pour mourir. La santé est un mouvement, une quête perpétuelle de retour à l’équilibre. Les facteurs de dégénérescence sont là ; on peut juste les ralentir grâce à l’amitié, l’amour, la réjouissance, la créativité, la conscience de soi et du moment présent, etc. En ce sens, la maladie nous rend plus vigilants. Plus réceptifs à notre propre vie et à la vie en général. Chaque jour, je décide de mes émotions, de ma joie, de qui je fréquente, de ce que je fais ou de ce que je mange pour maintenir l’équilibre intérieur.
Et il n’y a pas que la guérison physique…
C’est vrai, quand on parle de « guérison », on n’entrevoit généralement que la guérison physique, mais il y a aussi la guérison psychique, spirituelle. Même s’il n’y a pas guérison physique, il peut y avoir travail sur soi, transformation profonde. Une guérison de l’être intérieur qui permet de faire sereinement le passage vers l’autre rive. La mort n’est pas la fin de la vie. C’est cette perspective-là que l’on perd trop souvent de vue. Quand il m’est arrivé d’être au plus mal, j’ai traversé des états de béatitude qui me laissaient entrevoir que j’avais trouvé la vie dans sa plénitude. Je n’avais plus de revendications ; peu importe si je continuais d’un côté ou de l’autre. Si j’étais mort, je serais mort le sourire aux lèvres. Parce que je serais mort avec l’idée que quelque chose d’un retour à un équilibre psychique profond s’est quand même passé. C’est le message de mon livre : la maladie aide à être pleinement vivant. Mais cela ne veut pas dire que l’on n’en mourra pas. Bien sûr que je vais mourir. Peut-être même du cancer. Mais je mourrai heureux de ma trajectoire.
propos recueillis par Carine Anselme