Chère lectrice, cher lecteur,
La presse internationale répercute actuellement les résultats d’une nouvelle étude américaine sur les médicaments anti-cholestérol (statines), parue le 25 novembre 2014 dans la revue médicale de référence JAMA Internal Medicine [1].
Cette étude, selon les médias (j’en ai comptés au moins 17 qui reprennent cette information), conclut que la quasi-totalité des personnes de 66 à 75 ans devraient prendre des statines pour réduire leur risque cardiaque.
Voici des exemples pris au hasard :
« (Agence France Presse) – La quasi-totalité des personnes âgées de 66 à 75 ans devraient prendre des anti-cholestérols pour réduire leur risque d’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral, selon une nouvelle étude publiée lundi aux Etats-Unis. » – le 25/11/2014
« (RTL-INFO) – Selon une nouvelle étude scientifique américaine, 97% des 66-75 ans devraient prendre un traitement anti-cholestérol composé de statines pour prévenir le risque de problèmes cardiovasculaires. » – le 26/11/2014
« TF1 – Cholestérol : presque tous les seniors devaient prendre des traitements de prévention » – le 25/11/2014
Nous allons montrer qu’il s’agit d’une présentation trompeuse des conclusions de l’étude.
Une présentation trompeuse des conclusions de l’étude
L’étude en question a été dirigée par un chercheur en cardiologie de l’Institut du Cœur de Minnéapolis, le cardiologue Michael Miedema.
Elle porte sur les nouvelles recommandations (« guidelines ») sur l’usage de statines émises par l’Association Américaine pour le Cœur (American Heart Association) en 2013 [2].
Ces recommandations sont controversées car beaucoup de médecins et chercheurs les jugent excessives, conduisant à mettre sous médicament des personnes qui ne l’étaient pas auparavant.
En effet, l’Association Américaine pour le Cœur a fortement abaissé le niveau de risque cardiaque à partir duquel elle recommande la prise de médicaments contre le cholestérol.
Elle recommande désormais de donner des médicaments anti-cholestérol à toutes les personnes ayant un risque d’infarctus ou d’attaque cérébrale (AVC) supérieur à 7,5 % dans les 10 ans à venir, ainsi qu’aux personnes diabétiques, aux fumeurs et aux personnes ayant un taux élevé de cholestérol.
Cela conduit mécaniquement à recommander ces médicaments à un nombre beaucoup plus important de personnes âgées.
Ce nombre est même tellement important que Michael Miedema et son équipe se sont demandés combien d’Américains étaient désormais concernés.
Ils notent dans leur étude :
« (…) la limite de 7,5 % de risque cardiovasculaire à partir de laquelle la recommandation de traitement a été définie est agressive, créant une recommandation presque universelle de traitement pour les individus âgés de 65 à 75 ans ». [3] (c’est nous qui soulignons)
L’étude a donc consisté à calculer le risque de décès par maladie cardiaque au cours des 10 ans à venir chez 6 000 citoyens blancs et noirs américains entre 66 ans et 90 ans.
Et la conclusion de l’étude est éloquente :
Si l’on suit les recommandations de l’Association Américaine pour le Cœur, plus de 97 % des personnes entre 66 et 75 ans tombent dans les catégories dites « à risque » et donc à recommandation de traitement.
Ce nombre est tellement élevé qu’il en devient absurde, surtout lorsqu’on connaît les effets indésirables des statines, qui sont loin d’être négligeables [4].
C’est d’ailleurs exactement ce que soulignent les auteurs de l’étude, notant que
« Les effets de ces nouvelles recommandations aux personnes âgées sont importantes car elles ont un risque élevé de maladie cardiovasculaire mais elles pourraient aussi souffrir des effets indésirables de l’usage de statines » [5] (c’est nous qui soulignons).
Selon nous, après lecture attentive de l’étude, il est clair que le Dr Michael Miedema et son équipe sont d’avis que les recommandations de traitement de l’Association Américaine pour le Cœur sont excessives.
Ils n’ont pas du tout cherché à montrer que toutes les personnes âgées devaient prendre des statines !
D’autant plus qu’ils savent pertinemment que le mode de calcul de ce risque (7,5%) est non seulement très contestable (à la limite du ridicule pour un scientifique sensé) mais aussi très contesté, voire rejeté, par bon nombre d’experts, y compris américains [6].
Les médias interprètent l’étude à l’envers
Ironie du sort, les médias du monde entier se sont emparés de l’affaire pour proclamer qu’il était prouvé que quasiment 100 % des personnes âgées devaient prendre des statines (médicaments contre le cholestérol) !
C’est pourtant un contre-sens complet !
Le Dr Miedema avait pris soin de préciser à la presse qu’il n’y avait « aucune conclusion à tirer sur l’efficacité des statines sur les personnes âgées », suite à son étude [7].
Rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que cette opération de communication est téléguidée par le lobby pharmaceutique.
Toutefois, il est absolument clair que la manière dont l’information est traduite par les médias ne correspond pas aux conclusions logiques de l’étude ; et encore moins à l’interprétation que peuvent en faire des médecins praticiens responsables de leurs patients.
Participez à notre effort de ré-information
Cette affaire montre à quel point l’information médicale est aujourd’hui manipulée à grande échelle.
Quand il s’agit d’encourager la consommation non-réfléchie d’un médicament, avec à la clé une plus-value importante pour l’industrie pharmaceutique, beaucoup de médias oublient toute prudence. Les statines génèrent actuellement 25 milliards de dollars de chiffre d’affaires chaque année [8].
Il ne faut donc pas croire les gros titres qui affirment ou suggèrent que tous les seniors profiteraient des médicaments contre le cholestérol.
C’est le message contraire qu’ont voulu faire passer ces chercheurs : lorsqu’on lit leur étude dans son intégralité, on comprend que leur avis est que les nouvelles recommandations de traitement par médicaments anti-cholestérol de l’Association Américaine pour le Cœur sont exagérées, car si on les suivait, cela conduirait à mettre quasiment toute la population sous statines.
Merci de faire circuler ce message le plus largement possible.
Transférez-le à toutes les personnes de votre entourage susceptibles d’être inquiètes des pseudo-résultats de cette étude, tels que communiqués par les médias.
à votre santé,
Dr Michel de Lorgeril, cardiologue et auteur de « Cholestérol, Mensonges et Propagande » (Thierry Souccar Editions),
avec
Jean-Marc Dupuis, rédacteur de La Lettre Santé Nature Innovation.
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