Lorsqu’on parle d’alimentation « paléolithique », les sourcils se froncent encore, et beaucoup imaginent qu’il s’agit de manger de la viande crue, habillé en peaux de bête, au fond d’une caverne… Pourtant, l’alimentation paléolithique rejoint de nombreux impératifs de santé qui sont rentrés dans les mœurs… ou du moins dans les rayons des commerces. Il s’agit par exemple des Omega-3, et des aliments sans sucres rajoutés, sans lactose, ou sans gluten. Et c’est de ce dernier dont nous allons parler dans cet article.
Au-delà de l’intolérance
Le gluten, en tant que protéine présente dans de nombreuses céréales, est bien typiquement un nutriment que nous n’avons consommé que depuis la période néolithique, c’est-à-dire lorsque l’Homme s’est sédentarisé et a commencé à cultiver la terre, passant de chasseur-cueilleur à éleveur-agriculteur. Ce qui a modifié radicalement et rapidement notre alimentation, sans que notre ADN n’ait le temps de s’adapter. Le gluten est présent dans le blé, mais aussi dans le seigle, l’avoine ou l’orge. On en trouve également, dans le son de blé, les germes de blé et la semoule de blé. Pensez à toutes les céréales que vous mangez sur votre journée, du petit-déjeuner au repas du soir : céréales du matin, pain, pâtes, biscuits, gâteaux, etc., et vous aurez une idée de la quantité de gluten que vous consommez. Alors, peut-être vous dites-vous que vous n’êtes pas « intolérant au gluten » ? Après tout, ne mangez-vous pas du pain et des pâtes depuis tout petit ? Il semblerait qu’en matière de gluten, ce n’est pas tout noir ou tout blanc : d’un côté, les malheureux intolérants au gluten, qui ne peuvent consommer aucune forme de gluten ; et de l’autre, les bienheureux qui, dans notre société basée sur les produits de l’agriculture, peuvent consommer tout le pain et toutes les pâtes qu’ils désirent. Bien sûr, il y a les « vrais » intolérants au gluten, atteints de « maladie coeliaque », une maladie auto-immune, qui se caractérise par une inflammation des villosités recouvrant l’intestin grêle. Enflammées, les cellules des villosités sont détruites et la paroi de l’intestin grêle devient poreuse. Il en résulte d’une part un manque d’assimilation du calcium et de la vitamine D3, et d’autre part des bactéries antigènes traversent la paroi intestinale et déclenchent des réactions immunitaires ailleurs dans le corps, créant des inflammations chroniques, au niveau des articulations, mais également au niveau de n’importe quel tissu du corps : le cerveau, la peau, l’estomac, le foie, les vaisseaux sanguins, et même le noyau des cellules.
Multiréaction
Tout cela, on le sait depuis les années 50, et la découverte du rôle du gluten dans l’apparition de la maladie coeliaque, par le Dr. Willem Dicke. Une découverte importante qui a sauvé de nombreux enfants de la malnutrition. Mais les choses sont beaucoup plus complexes. Comme souvent. Le blé contient en fait différents types de protéines, dont la « gliadine » et la « glutenine ». La gliadine se présente sous différents types : alpha-, beta-, gamma-, et omega-gliadine. Le blé contient également des agglutinines (une protéine qui s’attache aux sucres) et des prodynorphines (responsables de la communication entre les cellules).
Lorsqu’on consomme du blé, des enzymes du système digestif, appelés « transglutaminases tissulaires » travaillent à briser les composantes du blé. Lors de ce processus, d’autres protéines se forment, dont la « gliadine déamidée » et la « gliadorphine » (aussi connue – si on peut dire – sous le nom de « gluteomorphine »). Voilà donc plein de nouveaux « amis » dans notre apprentissage des méfaits du gluten. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce qu’on appelle la maladie coeliaque est uniquement une réponse immunitaire à l’alpha-gliadine et à un type spécifique de transglutaminase : le type « tTG-2 ». Mais – et c’est là que les choses empirent – certaines personnes peuvent réagir à d’autres composantes du blé et de son gluten, dont les 3 autres types de gliadine (beta-, gamma-, et omega-) ou à la glutenine, aux agglutinines, à la gliadine déamidée, ou à d’autres types de transglutaminases que le tTG-2 !
La sensibilité non coeliaque
Le problème est que les tests actuels ne vérifient que la présence d’anticorps à l’alpha-gliadine et à la transglutaminase tTG-2. Si vous réagissez à tout autre composante, vos résultats seront négatifs. C’est pourquoi on commence à parler de « Non-Celiac Gluten Sensitivity » (ou NCGS), pour qualifier toute réaction au gluten qui n’est ni auto-immune, ni allergique. Une étude récente, publiée en 2012, dans The American Journal of Gastroenterology (2012), prouve, en double-aveugle contre placebo, qu’il y a bien une sensibilité au blé, non liée à la maladie coéliaque.
Ensemble, maladie coéliaque et NCGS sont liées à tout un ensemble de maladies, allant de la schizophrénie à l’épilepsie, en passant par le diabète, l’ostéoporose, la dermatite ou le psoriasis. Un champ de maladies tellement vaste qu’il est parfois difficile de faire le lien avec la consommation de gluten. Et si les tests en laboratoire ne nous aident pas pour détecter les NCGS, il vaut peut-être mieux tester soi-même avec un petit challenge qui prend de l’ampleur dans les milieux sportifs et paléo : retirer toute céréale durant 30 jours, voir comment vous vous sentez, et les réintégrer progressivement. Si réapparaissent ballonnement, fatigue, diarrhée, maux de tête, douleur abdominale, eczéma, dépression, douleurs articulaires, c’est probablement que vous êtes « sensible au gluten », sans nécessairement être « intolérant au gluten ».
Y a-t-il moyen de « sauver » une partie des céréales ? Hélas, il semble que non : ni les graines germées, ni la fermentation au levain ne permettent de faire totalement disparaître le gluten. Préférez alors le sarrasin, le maïs, le millet ou le riz. Aucun d’eux n’est « paléo », mais ils ne contiennent pas de gluten. Le Quinoa n’est pas plus paléo, et il contient une certaine forme de gluten, mais qui est nettement moins inflammatoire que ce qu’on trouve dans le blé.
Yves Patte