Dans le sillage de Lance Armstrong, qui avait aussi mis cet atout naturel dans son jeu, de plus en plus de sportifs professionnels se sont tournés vers l’alimentation paléolithique. Tout porte à croire que leurs performances ne sont pas sans lien avec leur nouvelle façon de manger.
Durant des décennies, toute la nutrition sportive s’est construite sur l’idée que pour avoir de l’énergie, il fallait du « sucre » : pain, pâtes, riz, etc. Cette idée, qui fit les choux gras de toute l’industrie agro-alimentaire à coups de boissons et de compléments sportifs, se fonde pourtant sur une vision trop simpliste du corps, ne tenant pas compte de tous les mécanismes plus complexes au niveau des micronutriments et de l’acidité du corps. L’approche paléolithique nous invite donc à une analyse plus détaillée de ce qui se joue dans notre corps lorsque nous pratiquons une activité physique.
Nos ancêtres plus rapides que Bolt !
De plus en plus de sportifs ont d’ailleurs fait le choix d’une alimentation mettant de côté les produits céréaliers et industriels. De Novak Djokovic (photo) , qui le fit à l’occasion d’un diagnostic d’intolérance au gluten, à Andy Murray, qui a imité son ami tennisman, en passant par la fondation de Lance Armstrong (LiveStrong) qui préconise l’alimentation paléo, c’est toute une nouvelle génération de sportifs qui fait le choix de ce type d’alimentation, dans des disciplines aussi différentes que la natation, l’aviron, le ski, le foot US ou le rugby.
Rappelons que si l’ère moderne a inventé le sport, elle n’a pas inventé l’activité physique. Nos ancêtres, tout comme les membres des tribus de chasseurs-cueilleurs qui ont perduré jusqu’à l’ère moderne, avaient des aptitudes physiques qui surclassaient les nôtres, et même celles des meilleurs athlètes actuels !
Une analyse d’empreintes de pieds, datant d’il y a 20.000 ans, en Australie, montre ainsi que l’homme qui les a faites courait à une vitesse de 37 km/h… sur une surface boueuse et à pieds nus. Si cet homme avait couru sur une piste d’athlétisme, avec des chaussures munies de spikes, il aurait atteint une vitesse de 45 km/h, légèrement plus rapide qu’Usain Bolt ! On pourrait ainsi multiplier les exemples de sociétés de chasseurs-cueilleurs faisant preuve de compétences physiques supérieures aux nôtres, mais qu’est-ce qui fait que leur alimentation est propice à la performance physique ?
Les macronutriments
L’alimentation paléo n’est pas « hypoglucidique ». Elle préconise simplement d’opter pour des sources de glucides à index glycémique bas, comme les légumes et la plupart des fruits, favorisant la dégradation des graisses et non leur stockage.
Outre l’intérêt des omega-3 pour réduire l’inflammation articulaire, des études récentes ont montré que la capacité à oxyder des acides gras libres, durant des efforts longs, joue un rôle plus important que ce qui était perçu auparavant. Une étude a fait tester, à un groupe de coureurs, trois régimes : l’un dit «normal» (au sens occidental moderne), l’autre où le sucre représente 73% des calories, et le dernier où le gras représente 38%. Les résultats montrent que le régime « gras » a amélioré leur capacité respiratoire, qu’ils étaient capables de courir 32% plus longtemps, et que leur taux d’acides gras libres (produisant une grande quantité d’ATP, molécules énergétiques privilégiées des cellules) avait augmenté.
Les protéines animales d’une alimentation paléo fournissent de la glutamine et des acides aminés ramifiés (les fameux BCAA) : leucine, isoleucine, etc. Bien connus des sportifs, ces BCAA réduisent la perception de fatigue durant l’effort, en inhibant la production de sérotonine, qui transmet au cerveau la sensation de fatigue, et favorisent la récupération et la croissance musculaires après l’effort. La leucine, en particulier, intervient dans la synthèse des protéines au niveau musculaire.
Les micronutriments
Mais c’est peut-être au niveau des micronutriments que les bienfaits d’une alimentation « paléo » pour la performance se révèlent le plus. En comparaison avec celle des Australiens modernes, l’alimentation paléo est 366% plus riche en magnésium ! Cet oligo-élément augmente la puissance musculaire, réduit les risques de crampes et l’impact inflammatoire de l’exercice, et favorise le nettoyage de l’acide lactique. Des études montrent qu’une supplémentation en magnésium permet de courir à intensité maximale plus longtemps.
Il est également fondamental de regarder ce qui se joue au niveau de l’acidité. Le pH est la mesure de la quantité d’ions d’hydrogènes libres dans notre corps (H+). Beaucoup d’H+ signifie un pH bas, et donc une forte acidité. Peu d’H+ signifie un pH élevé, et donc un milieu peu acide, appelé alcalin.
Le potassium est un élément qui permet de réguler le pH. L’alimentation paléolithique en était 316% plus riche que la nôtre, grâce aux quantités de plantes que nos ancêtres mangeaient. Ces fruits et légumes alcalinisants compensaient les protéines animales plutôt acidifiantes. Les molécules de citrate libérées par le potassium dans le corps sont métabolisées en bicarbonate, qui est utilisé pour ré-équilibrer tout excès d’H+. A l’inverse des plantes, les produits laitiers, les légumineuses et les grains contiennent des niveaux importants d’acides aminés soufrés, qui génèrent un excès d’H+, rendant le corps plus acide…
Un bon pH est aussi important pour la santé que pour les performances physiques. Pour réduire les H+, le corps les attache à une autre molécule, l’ammoniac, et élimine le composé via les reins. Mais ceux-ci ont besoin de glutamine pour produire l’ammoniac.
Or, la glutamine est produite par le foie, à partir de la dégradation de muscles squelettiques. Donc, si le corps est trop acide, les muscles vont se dégrader et relâcher des acides aminés pour produire la glutamine permettant d’équilibrer le pH. On comprend donc que de nombreux sportifs prennent des suppléments en glutamine, mais cela signifie aussi que ça ne sert à rien s’ils ont une alimentation trop acide… L’alcalinisation améliore d’ailleurs les performances sportives. En effet, trop d’H+ inhibe d’une part le fonctionnement de deux protéines dans les fibres musculaires, l’actine et la myosine, qui participent à la contraction du muscle, et d’autre part, l’enzyme qui participe à l’oxydation du glucose dans les muscles (et donc à la production d’énergie). On reviendra dans un prochain article sur l’importance de l’équilibre acido-basique.
Yves Patte