Une vision chamanique de la question
Avant de m’engager dans une tentative de réponse à cette question, je voudrais préciser que derrière le mot « mal-être » que je vais employer fréquemment, j’inclus tout ce dont l’homme peut souffrir : maladies physiques, bénignes ou graves, manques affectifs ou matériels, souffrances psychologiques, inhibitions, émotions négatives chroniques, manque de confiance en soi, souffrances dues à des échecs dans le domaine relationnel, professionnel ou amoureux, stress chronique etc..etc…. Le mal-être consiste donc, dans notre contexte : à « être mal » dans tous les sens du terme.
UN DESIR EPERDU D’AIDER LES AUTRES
La mode est aux thérapies douces, énergétiques, psychologiques ou/et spirituelles, le plus souvent venant d’orient ou d’Amérique ou en tant qu’extractions fragmentaires de l’énergétique chinoise., de l’hypnose ericksonienne, de l’hindouisme ou du bouddhisme ou encore du chamanisme.
Le nombre de ces thérapeutes a dû être multiplié par 20 en l’espace de 10ans.
La durée des formations est à la mesure supersonique du rythme de vie occidental . En l’espace de quelques stages de quelques jours, parfois moins encore vous devenez expert dans une thérapie aussi brève potentiellement que votre formation et votre expérience , vous recevez un diplôme et, bien sûr, vous vous sentez prêt à soigner tout ce qui bouge autour de vous. Bien sûr, il est vivement conseillé, pour faire plus sérieux, de vous acheter un pendule, une antenne de Lecher ou un tambour.
Ca y est, vous voilà thérapeute, guérisseur, gourou et magicien, vous allez pouvoir aider cette humanité si mal dans sa peau !
C’est étonnant de voir à quel point chacun veut aider et soigner les autres mais ce qui est curieux c’est que presque personne ne songe à se soigner lui-même… !
LE MAL-ETRE : UNE INJUSTICE ET UNE INVENTION DU DIABLE
Laissons de côté pour l’instant l’effarante irresponsabilité de tels comportements et considérons plutôt le fond du sujet : le désir , la prétention et la croyance de guérir autrui, un problème qui est d’ailleurs commun aux thérapeutes de la médecine officielle et aux thérapeutes des médecines douces, l’ego des uns rivalisant joyeusement avec celui des autres !
Un désir et une prétention qui m’amènent à poser une question apparemment décousue : « faut-il soigner le mal-être des autres ? »
Face à toutes les maladies physiques, toutes les souffrances psychologiques, tous les états chroniques d’insatisfaction profonde de l’homme, quelle conception du potentiel humain et de ses limites, quelle philosophie du mal-être, cette volonté de guérir l’autre implique-t-elle ?
Essentiellement deux choses :
1 -la souffrance, quelle qu’elle soit, est mauvaise, elle ne devrait pas exister, elle est injuste et inutile
1. 2-L’individu touché par le mal-être est démuni – il doit être aidé, assisté pour guérir et ne peut rien faire par lui-même . Pour être soulagé voire guéri, il doit s’en remettre à un spécialiste, médecin ou guérisseur, magnétiseur ou chamane, selon l’époque et la culture dans laquelle se situe le cas considéré. Pour être clair, il n’est donc pas responsable de ce qui lui arrive.
Nous allons voir que ces deux implications se rejoignent finalement, nous détournant dramatiquement d’un potentiel humain qu’un autre raisonnement concernant le mal-être pourrait permettre de développer si nous avions le courage de changer nos paradigmes culturels.
BIEN-ETRE / MAL-ETRE , UN SYSTEME ENERGETIQUE COMME UN AUTRE
Pour voir le mal-être autrement, il faut faire un petit retour en arrière, un saut de conscience permettant de comprendre à quel contexte existentiel il appartient.
Ce contexte est celui de l’énergie, un concept très à la mode lui aussi, que toute personne un peu branchée, a fortiori si elle évolue dans le milieu des médecines douces, emploie cent fois par jour, sans, le plus souvent, comprendre vraiment ce qu’il représente .
L’énergie est un phénomène bipolaire, et ceci à tous les niveaux de l’univers.
Pour qu’il y ait énergie, donc mouvement ou transformation de quoique que ce soit , il faut que deux forces ou entités de polarités opposées se rencontrent et, s’opposant et se complétant à la fois, engendrent un état, une force ou une entité nouvelle.
Tout dans l’univers, sans exception, fonctionne ainsi, que ce soit pour la matière, dans ses multiples manifestations et transformations ou pour l’esprit, dans ses vécus, émotions, sentiments et représentations qu’il se fabrique pour réagir et survivre dans ce monde . L’énergie n’est donc pas un flux de quelque chose d’ indépendant des objets ou situations qu’elle affecte, mais quelque chose d’insaisissable qui se perpétue et change sans arrêt de support, donnant l’impression qu’elle appartient à ces supports alors qu’elle n’est que le résultat de la rencontre perpétuelle de milliards de dualités d’opposés- complémentaires qui, elles, appartiennent naturellement au monde manifesté et matériel ou au monde intérieur de l’esprit.
. En fait, tout, absolument tout, est énergie, car comme le démontrent les chercheurs avec des instruments de plus en plus sophistiqués, plus on va dans l’infiniment petit moins on rencontre quelque chose de solide, de stable, de définissable en soi : l’univers semble être un immense vide d’apparence pleine perpétuellement animé de milliards de milliards de mouvements …de rien ! Que de l’agitation qui, en changeant d’échelle ,prennent l’apparence de choses concrètes mais toujours on décèle à toutes les échelles un système de polarité !
Ainsi en est-il, dans le monde abstrait de l’esprit , du bonheur et du malheur, du plaisir et de la souffrance, de la santé et de la maladie, de la faiblesse et de la force, du bien et du mal, du bien-être et du mal-être,etc..
Chacun des pôles de n’importe quel couple énergétique est indispensable à l’autre sans lequel il n’existerait pas .
Instinctivement, tout être vivant sain cherche le bien-être, la satiété, la sécurité la satisfaction de ses besoins. Pour les obtenir, parce qu’il ne les a pas, il va agir : travailler, chasser, cultiver, ré-agir aux agressions et à toutes les menaces sur sa sécurité. Puis il se reposera, passant du pôle actif au pôle passif.
Mais quoiqu’il fasse, une polarité, à un moment ou à un autre, va succéder à sa polarité opposée, quoiqu’il fasse, à un moment donné, le mal-être succédera au bien-être, alors il agira pour rétablir le pôle opposé, le bien-être. Il faudra, pour cela, qu’il comble un manque, qu’il corrige un acte précédemment erroné , qu’il change une façon d’agir insuffisante ou l’inverse . C’est ce que l’on appelle rétablir « l’équilibre positif » ( toujours instable par nature).
Cette alternance est l’expression, à son niveau , de l’énergie, ou ; « dualité dynamique ».
Aucun être au monde ne peut échapper à ce mécanisme, si puissant, si intelligent, si riche soit-il – c’est la grande justice cosmique et elle est entièrement naturelle.
Considérons les deux polarités de la situation-type décrite ci-dessus : c’est parce que son bien-être a disparu momentanément, qu’en réagissant instinctivement au mal-être ressenti, le sujet concerné a recréé son bien-être, le plus souvent, en rectifiant des façons de raisonner , de ressentir et d’agir qui étaient la cause de ce mal-être. Non seulement, on peut dire que finalement, le mal-être est le moteur du bien-être mais aussi celui du progrès personnel !
UNE AUTRE VISION DU MAL-ETRE : LE MOTEUR DU BIEN-ETRE
De plus, sans remise en question d’un état de bien-être prolongé, celui-ci s’affadit, se banalise, perd son intensité et il n’est pas excessif de penser que l’homme fait probablement inconsciemment des erreurs pour en réactiver l’intensité par la dynamique du mouvement de bascule mal-être/bien-être !
Les chamanes toltèques ont aussi une explication encore plus étonnante concernant ce mouvement de bascule et la raison du mal-être .
Ils disent, ( je cite textuellement Carlos Castaneda) :
« en réalité, malgré les apparences, tous les êtres vivants luttent pour mourir… c’est la conscience qui arrête la mort.. »
Cette étrange et paradoxale affirmation devient logique dans le cadre métaphysique des chamanes, puisqu’à leurs yeux le sens de l’existence humaine est d’élever le niveau de conscience de l’homme jusqu’à ce que celui-ci s’éveille à son identité totale avec la force créatrice de l’univers : le vouloir-être ( Intento en espagnol).
Ce sens profond du destin de l’homme explique parfaitement le stress existentiel qui l’habite et qui résulte de l’intuition que chacun a d’une alternative tragique et grandiose à la fois : d’un coté sa lourde responsabilité de « promoteur de conscience » qui peut aller jusque l’immortalité et de l’autre la terreur d’une mort incompréhensible et d’un inéluctable néant en cas d’ignorance ou de rejet du contrat occulte !
L’équilibre positif est le moyen grâce auquel tous les êtres vivants qui existent prolongent leur existence et que l’on constate de façon particulièrement sophistiquée chez l’être humain dont les besoins sont plus variés et raffinés que chez les animaux et les plantes.
Non seulement la bipolarité existera toujours puisqu’elle est le mécanisme même de l’énergie donc du couple mal-être /bien-être , mais aucun des deux pôles n’est plus important ni n’a plus de valeur que l’autre, car c’est à partir de la situation de mal-être que le mouvement vers le bien-être se réalise, entraînant même le progrès du sujet concerné.
Résumant cette philosophie, le maître indien de Carlos Castaneda lui dit à plusieurs reprises :
« la différence entre l’homme ordinaire et le guerrier de l’esprit c’est que le premier prend ses problèmes comme des calamités alors que le second les considère comme des opportunités »
L’ALCHIMIE POSITIVE DU MAL-ETRE
L’alchimie positive du mal-être commence par une acceptation totale de celui-ci, qu’il s’agisse d’une maladie, d’un problème psycho-émotionnel, d’un accident, d’une perte, d’un manque de travail ou d’argent, d’un sentiment oppressant de solitude, d’un stress chronique, etc….
Cette acceptation ne doit pas être seulement cérébrale mais profondément sincère, enracinée dans le cœur. Il est essentiel d’accepter totalement la douleur, la maladie grave, la faiblesse, le manque, quel qu’il soit. Il faut regarder le mal-être en face jusqu’à s’en responsabiliser, faisant partie de nous-même, ce mal-être EST nous-même, c’est donc s’accepter soi-même dans sa totalité. Les racines de ce mal-être sont en nous, quelque part dans une zone sans doute très profonde de notre totalité.
Ensuite, on se dit que cet être total comporte une part de conscience profonde qu’à cause de notre absorption dans la vie quotidienne, nous ne connaissons pas, et que les chamanes appellent la connaissance silencieuse .
L’acceptation totale et sereine du mal-être va nous permettre une communication avec sa source, ce que son rejet nous interdirait !
En effet, comment imaginer, dans la vie quotidienne, de communiquer efficacement avec quelqu’un que l’on rejette ? Ce n’est pas possible !
Cette intention d’aller chercher dans notre connaissance silencieuse la source du mal-être va automatiquement entraîner le pouvoir d’entrer en contact avec elle : vous remontez à contre-courant le flux d’énergie négative qui a créé le mal-être dans votre corps et votre esprit, quelque soit la forme qu’il a pris.
L’intuition est ce qui nous reste, comme hommes modernes, de la connaissance silencieuse et même si celle-ci est restée inutilisée pendant des millénaires pendant que le dialogue intérieur prenait abusivement possession de notre mental , son noyau reste intact au fond de nous.
Ce travail doit être répété régulièrement et bientôt la ou les sources du mal-être vont vous être clairement révélées et l’alternative comportementale à mettre en place va vous être dévoilée. Il ne restera plus qu’à la mettre en place pour effacer plus ou moins rapidement le mal-être et retrouver le bien-être .
TOUTE GUERISON VERITABLE EST HOLISTIQUE ET DECLENCHEE DU DEDANS
Tout cela veut dire que l’homme a tout ce qu’il faut en lui pour s’autoguérir. C’est un retour aux sources de son être : la conscience créative de l’univers , le « vouloir-être », qu’il lui faudra cependant réactiver par un travail régulier tout comme on ré-entraîne un muscle atrophié par de longs mois d’immobilité après un accident corporel.
Tout cela n’est pas qu’un jeu de l’esprit, une affirmation mystique sans fondement, je l’ai moi-même expérimenté à plusieurs reprises .
Quelques remarques sur cette procédure :
1-Sous son apparence utopiste et quelque peu « chamanico-mystique » , l’alchimie du mal-être est en fait on ne peut plus réaliste car seul chaque individu peut se guérir véritablement . L’effet placebo, largement reconnu par la médecine officielle, est un exemple de la puissance de l’esprit sur le corps, n’en déplaise à beaucoup de médecins obstinément agrippés à leur médecine mécaniciste et pharmacologique, de plus en plus remise en question .Or, ce que l’esprit peut faire , par la seule confiance en une intervention extérieure, pourquoi ne pourrait-il pas le faire par la confiance en soi-même ?
Cette puissance de l’esprit sur le corps se manifeste d’ailleurs aussi de façon négative : tout médecin honnête et quelque peu observateur de ses patients convient volontiers que s’il décèle chez son patient une complaisance dans la maladie ( ce qui est le cas de 90 % de ces personnes) aucune thérapie ne peut le guérir, dans le sens définitif du mot mais au mieux, elle peut le soulager, souvent d’ailleurs avec des effets secondaires pires que le mal initial, en particulier en médecine pharmacothérapeutique
La volonté sincère de guérir est , de la part du patient, non seulement le premier facteur favorable à toute possibilité de guérison, en médecine officielle comme en médecine douce mais au-delà, la condition indispensable à à celle-ci..
De plus,on sait maintenant que toute maladie corporelle est psychosomatique, c’est-à-dire qu’elle implique une problématique initiale de nature mentale et émotionnelle, la même qui renforcera ensuite circulairement la maladie corporelle dans un cercle de causalité dont l’issue n’est que rarement positive, sauf … sauf si, précisément le patient tombe sur un médecin ou un guérisseur auto-guérisseur qui, si le patient veut vraiment guérir, l’orientera vers une guérison holistique donc une autoguérison. C’est cette procédure que nous venons de décrire de façon globale
2-on sait que dans le cas du déclenchement d’une maladie par exemple, la peur ressentie par le malade joue un rôle essentiel dans son aggravation .Cette peur est non seulement entretenue par la philosophie médicaliste en place mais elle est aussi et avant tout reliée à une philosophie négativiste du mal-être, considéré universellement comme injuste, agressif,et dangereux, une vision du mal-être qui participe puissamment à l’effondrement immunitaire du malade.
Le simple fait de changer son regard sur la maladie et de la considérer comme un message et comme une phase de la vie tout à fait naturelle et possiblement suivie par son opposée : la phase positive de la santé , à l’égal de tout processus énergétique immanquablement alternatif, à lui seul ,ce changement de regard est un élément puissant d’autoguérison .
3-Devenir responsable de sa guérison après avoir accepté d’être responsable de son mal-être , fait considérablement grandir le sujet qui s’y engage. C’est en soi une véritable méthode complète de développement personnel que rien ne peut remplacer.
La confiance en soi qu’induit cette décision soutenue par la vision positive du mal-être, est exactement ce qui va produire « l’effet placebo direct » , c’est-à-dire le pouvoir auto-guérisseur.
En fait, seul, du dedans, chaque individu peut faire ce travail fondé sur le réveil du pouvoir intérieur avec lequel aucune intervention extérieure ne peut rivaliser .L’alchimie du mal-être est l’illustration active somato- psychothérapeutique la plus concrète de la relation corps/esprit que l’être humain démontre par ailleurs, sans le vouloir , dans l’effet placebo et dans la dimension systématiquement psychosomatique de toute atteinte corporelle.
COMPRENDRE L’ENERGIE POUR GUERIR
On ne doit donc pas soigner le mal-être, on doit inviter celui qui en souffre à l’écouter profondément, avec sérénité et confiance, jusqu’à l’acceptation de son inséparabilité du bien-être , car il n’est que l’un des deux pôles de leur couple, l’une des multiples manifestations de l’énergie. Notre destin d’êtres humains spirituels est d’apprendre à manipuler ce couple pour enclencher en nous la force du changement et de créativité et élever ainsi notre niveau de conscience . On ne peut se guérir qu’en acceptant totalement le mal-être qui a toujours sa raison d’être.
Nous devons quitter le mode socialitaire assistanal, produit de l’égrégore mental humain., que manipulent des pouvoirs prédateurs d’attention.
La plainte, l’autocompassion et la recherche de pouvoir déguisés derrière le masque de la pitié du guérisseur, que sa méthode soit « hard » et académique ou « soft » et alternative,le sentiment d’injustice face au mal-être nous ferment à notre véritable nature qui est de développer individuellement et collectivement notre pouvoir intérieur, de nous réveiller à la connaissance silencieuse en faisant connaître l’alchimie positive du mal-être. .
En réalité, tout thérapeute de médecine douce digne de ce nom, devrait comprendre cela et sortir de l’illusion mythomaniaque de soigner les autres et s’engager plutôt dans l’autoguérison, la sienne d’abord puis après expérimentation approfondie , dans celle des autres . Ce sera seulement ainsi que les médecines alternatives feront faire un véritable bond évolutif à l’homme
Pour conclure je voudrais citer cette phrase d’un grand sage contemporain :
« l’humanité ne deviendra adulte que lorsque chacun décidera de se changer lui-même, devenant ainsi individuellement l’auteur de la seule possibilité de paix possible sur cette planète »
Se définissant comme « éclaireur toltèque », Paul Degryse anime des stages et des formations en chamanisme toltèque. Il est l’auteur de six ouvrages sur le chamanisme, dont « Chamane, le chemin des immortels » et « Le chamanisme toltèque et le pouvoir de l’âme » (Editions Dervy)