Sophie, la cinquantaine est très angoissée : Voilà seize ans, on lui a découvert un kératocône aux deux yeux. Récemment, elle sent que la maladie s’aggrave. C’est une altération de la courbure de la cornée qui prend une forme conique et perturbe la vision. Etant donné que son grand-père a été aveugle à la fin de sa vie, l’ophtalmologue lui a fait peur en lui disant que sa maladie était sans doute génétique et qu’elle risquait de finir comme son grand-père. Elle porte des lentilles de contact dures afin de soulager le kératocône et depuis un certain temps, elle n’arrive plus à les mettre car elle fait conjonctivite sur conjonctivite. Il est important d’expliquer à Sophie que le conflit du grand-père et le sien n’ont aucun lien. Son grand père, riche négociant, a quitté l’Algérie en guerre pour se réfugier en France, complètement démuni. Il a peut-être préféré ne pas voir sa déchéance et ce nouveau pays qui ne lui plaisait pas. Cette explication soulage l’angoisse de Sophie, surtout que nous n’avons aucun moyen de connaitre la maladie qui a rendu son grand-père aveugle. Depuis quand Sophie a t-elle ce kératocône ? “Cela a été détecté juste après mon accouchement, il y a seize ans. Ma myopie ayant beaucoup augmenté, j’ai fait un examen et on a trouvé cela”. “Comment s’est passé l’accouchement ? “ “ Tout a fait normalement, mais l’ophtalmologue a dit que peut-être le fait de pousser trop fort pendant l’accouchement a pu déclencher cette affection. “ (sic!) Et durant la grossesse , s’est-il passé quelque chose ? “Oui , dit Sophie, comme j’étais “vieille” , on m’a pratiquement obligée à faire une amniocentèse pour s’assurer que le bébé était normal.” “Quel âge aviez-vous ? “ “Trente sept ans !” “Comment cela s’est-il passé ? “ On rentre une très grande aiguille dans l’utérus pour recueillir du liquide amniotique. On vous prévient d’avance que cela peut provoquer une fausse couche ou une infection. C’est très angoissant. Heureusement pour moi, tout s’est bien passé et le bébé était normal.” C’est à ce moment que je relis le conflit du kératocône : ” Je ne veux pas que l’autre voit à l’intérieur de moi” et aussi : “Il ne faut pas voir de l’extérieur ce qui se passe à l’intérieur“. Je fais part à Sophie de ce conflit en lui expliquant que, d’après moi, nous touchons à l’origine du déclenchement de sa maladie. Elle semble stupéfaite et pousse un grand cri :”Oui, c’est ça, cet examen , c’était terrible et en plus, c’est exactement moi ! Je ne supporte pas que l’on se mêle de mes affaires, que l’on rentre dans ma vie privée !” Elle a ressenti qu’on entrait à l’intérieur d’elle-même à l’occasion de cet examen médical, et c’est ainsi que Sophie a déclenché son kératocône sous l’effet du stress intense. Sophie est abasourdie, car nous sommes tombées pile et très rapidement sur le conflit et sur le choc. Il nous reste à faire un travail autour de son ressenti. Elle sent un grand soulagement dès la fin de la séance.
Irène Landau – (Israël)