La presse a largement couvert, depuis mai 2016, le lancement d’une action judiciaire contre l’État français, à l’instigation de “victimes” atteintes d’une maladie de Lyme et qui déclarent voir opposer une fin de non-recevoir à leur exigence légitime de prise en charge tant diagnostique que thérapeutique. On va commencer par analyser les fondements médico-scientifiques de la plainte, notamment ceux qui concernent la prétendue insuffisance des tests sérologiques utilisés en France, la réalité problématique d’une maladie de Lyme “chronique”, ainsi que la nécessité jamais démontrée d’une antibiothérapie prolongée. Une fois documenté qu’au contraire de ce qui a été médiatisé depuis quelques semaines, la France ne se distingue pas, sur ces questions, des autres pays de niveau sanitaire équivalent, on s’intéressera aux trois composantes du vrai “scandale”, qui ne concorde pas vraiment avec celui dénoncé par les journalistes : i/ scandale médical, ii/ scandale consumériste, iii/ scandale médiatique. (Propos recueillis par le Dr Marc Girard)
Table des matières
- Introduction
- L’accusation
- Critères intrinsèques de crédibilité
- o Réalisations antérieures
- o Liens d’intérêts
- o Cohérence
- o Vraisemblance
- Le débat scientifique
- o Bref rappel sur la maladie de Lyme
- o Les données de la littérature
- Les trois composantes d’un “scandale” effectivement franco-français
- o Scandale médical
- o Scandale consumériste
- o Scandale médiatique
- Conclusion
- Post-scriptum
Introduction
La presse fait grand cas, actuellement, d’une action judiciaire lancée contre l’État français par 70 patients censément atteints d’une maladie de Lyme (Pourquoi Docteur, 27/05/16), ainsi que d’un appel lancé par une centaine de médecins pour réclamer, de toute « urgence », de nouveaux tests diagnostiques (L’Obs, 13/07/16).
Je n’ai aucune compétence sur cette maladie : mais (exactement comme avec la pandémie H1N1 ou avec Médiator où, de la même façon, j’avais d’emblée avoué mon incompétence quant aux problèmes médicaux sous-jacents), il me semble qu’une réflexion critique rigoureuse adjointe à un minimum de culture générale peut aider à décrypter ce nouveau pseudo-scandale [1].
L’accusation
Sans conteste, c’est le Professeur Christian Perronne, chef du Service d’infectiologie à l’hôpital de Garches, qui a pris la tête de la fronde actuelle, et qui sert de caution médico-scientifique aux plaignants.
Tout en m’engageant à rectifier ce résumé si l’intéressé m’indique qu’il a été déformé, le principal de ses accusations justifiant la dénonciation du nouveau « scandale » peut être récapitulé comme suit (L’Obs, 13/07/16) [2] :
- • Faute de savoir poser correctement le diagnostic d’une maladie dont « le corps médical » ne veut pas entendre parler, on envoie des malades « en psychiatrie. C’est ahurissant ». Globalement, « les patients atteints (…) sont traités pour des pathologies qui ne sont pas les leurs », à charge pour les gens comme Perronne de « [sortir] les gens de l’asile » et de les guérir en leur prescrivant « un traitement prolongé d’antibiotiques ». « C’est un scandale sanitaire ».
- • « Toutes les publications » montrent que le test Elisa recommandé en France « n’est pas fiable à 100% ».
- • Les médecins qui veulent aller au-delà de ce test « peuvent être poursuivis par l’Assurance maladie ».
- • Cette action répressive de l’Assurance maladie s’oppose à ce qui se passe aux USA où un médecin « a même le devoir » d’avertir son patient qu’un test négatif « n’est pas la preuve qu’il n’est pas infecté ».
- • Alors que la « maladie explose », « les autorités répugnent à reconnaître l’étendue des dégâts (…) Cela a été le cas pour le VIH ».
- • En appeler à la Haute Autorité de santé serait « très long et insuffisant : il est urgent de prendre des mesures plus rapides ». Le gouvernement doit travailler « avec les associations, en élargissant le cercle habituel des experts médicaux ».
- • Au premier rang de ces mesures plus rapides : « mettre en place des tests diagnostiques fiables (…) et financer la recherche ».
Cette dénonciation sévère est relayée par les victimes, dont certaines se plaignent même d’être obligées de commander leur antibiotique en Allemagne ou sur Internet (20 Minutes, 28/05/16), tandis qu’une autre n’a pas hésité à lancer une grève de la faim (20 Minutes, 20/06/16).
Au total et pour résumer, il y a, dans notre pays, un « déni » parfaitement franco-français à l’endroit de la maladie de Lyme, lié à l’étroitesse des « experts médicaux » qui sévissent ici, relayé par « le corps médical », entretenu par la pingrerie féroce de l’Assurance maladie, les autorités sanitaires refusant de prendre la mesure d’une situation qui « explose » et qui appelle de toute urgence une collaboration avec « les associations de patients ».
Qu’en est-il objectivement ?
Critères intrinsèques de crédibilité
Rappelons que, par cette notion, j’entends tous les moyens par lesquels un citoyen lambda – le BB (blaireau de base) – peut résister au discours expertal, sans s’ingénier lui-même à jouer les faux experts [3], mais en s’en tenant à des critères de cohérence, de vraisemblance ou de simple culture générale [4]. Rappelons aussi qu’hormis, le cas échéant, le domaine étroit de nos compétences documentables, nous sommes tous des blaireaux de base, à ce titre quotidiennement confrontés à des problématiques à propos desquelles on [5] nous enjoint de nous ranger à l’avis des experts. Comme je l’ai avoué en introduction, je suis moi-même un parfait blaireau de base concernant une maladie comme celle de Lyme : mais, comme on va le voir dans la suite, ce n’est pas ce qui va m’empêcher de contredire les experts – et c’est bien de cette volonté didactique (montrer qu’on peut résister, et comment) que le présent article tire sa raison d’être.
Il faut dire, en introduction de cette section, que, dans ses récentes interventions consacrées à la maladie de Lyme, l’excellent Perronne, toujours souriant, pas arrogant pour deux sous, a parfaitement la tête de l’emploi dans son rôle de Christ recrucifié : dramatiquement isolé (« moqué, jusque dans mon propre service »), financièrement étranglé (« jamais (…) un euro de subvention »), forcé de sortir du bois pour dénoncer rien de moins qu’« un scandale sanitaire » alors qu’il est déjà bien assez occupé à réhabiliter les malheureux qu’il a dû sortir « de l’asile »…
Réalisations antérieures
À y regarder de plus près, cependant, Christian Perronne n’est pas si isolé qu’il s’applique à le faire accroire. Depuis apparemment une paille du temps, il est, excusez du peu, président de la commission spécialisée maladies transmissibles du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), dont dépend… le Comité Technique des vaccinations (CTV) [6]. À ce titre, notre « lanceur d’alerte » dramatiquement esseulé a forcément une responsabilité de premier ordre dans la politique vaccinale française dont les visiteurs de ce site connaissent la rigueur tant scientifique que déontologique [7].
Il occupait déjà ce poste lors de la fameuse pandémie H1N1 et s’est donc trouvé auditionné par la commission Autain en date du 29/07/10. Il suffit de lire cette audition d’anthologie pour constater que l’audace critique de notre impétueux « lanceur d’alerte » a des limites. Outre un déni complet des dynamiques sordides qui ont conduit à cette fausse alerte pandémique, on y trouve quelques considérations générales du type suivant (c’est moi qui souligne) :
« Il faut rester très prudent face aux polémiques et à la théorie du complot de l’industrie. (…) Les industriels sont des gens sérieux qui font des vaccins de très bonne qualité [8]. Ce sont des partenaires indispensables mais qui n’ont pas une vocation philanthropique. Gérer une crise comme la pandémie n’est pas dans leur fonctionnement habituel ; ils demandent donc une aide financière [9] aux États ».
Les visiteurs habituels de ce site me dispenseront de commenter [10]… On se contentera de relever comme plaisant que quelqu’un qui n’hésite pas à dénoncer aussi vertement que médiatiquement la collusion de « déni » dont la maladie de Lyme ferait l’objet (d’où « scandale »), soit aussi prompt à dénoncer « la théorie du complot » dès qu’il s’agit de ceux qui pourraient lui apporter la contradiction relativement à d’autres « scandales » – comme le H1N1 – où lui-même s’est posé en caution de la mystification…
Ainsi vêtu de probité candide et d’intransigeance scientifique, le Professeur Perronne a également rédigé, en juin 2010, l’éditorial introductif d’un numéro spécial de Actualité et dossier en santé publique (n° 71) consacré aux vaccinations où, hormis les vieilles rengaines de la propagande dont on attend toujours la moindre démonstration objective (« L’action de santé publique la plus efficace et la plus rentable pour sauver des millions de vie »), il n’hésite pas à écrire noir sur blanc :
L’excellente tolérance du vaccin grippal pandémique [11] a permis de couper court à des tentatives de désinformation ».
La bande son a dû casser, car on reste en manque d’un commentaire ultérieur sur le retrait de Pandemrix. En tout cas, c’est sûr que si on lui demande de rembourser sur les fonds de son Service les sommes que la collectivité a dû consacrer à indemniser – en douce – les narcolepsies post-vaccinales, il va les attendre longtemps les « subventions » dont il se déclare privé…
En passant et juste parce qu’il ne faut jamais perdre une occasion de rigoler, remarquons que dans ce numéro spécial, l’article – fondamental – consacré à la pharmacovigilance des vaccins est cosigné par Carmen Kreft-Jaïs : à qui l’aurait oublié, rappelons que l’intéressée a longtemps – hélas – dirigé le département de pharmacovigilance de l’Agence du médicament, et qu’elle a finalement été l’une des deux virées dans le sillage de l’affaire Médiator… Rien que du scientifiquement bétonné, quoi, dans cette revue introduite sous l’autorité du Professeur Perronne pour contribuer à « une communication de qualité »…
Encore plus fort : le site du HCSP nous apprend que notre lanceur d’alerte abandonné de tous sauf de Dieu [12] est, depuis 2009, vice-président « d’un groupe de travail sur la politique vaccinale dans la zone Europe pour l’organisation mondiale de la santé (OMS) ». À ce titre :
- • on peut se demander pourquoi un type si prompt à dénoncer le « corps médical » dans son ensemble (« jusque dans [son] propre service ») dès qu’il s’agit de la maladie de Lyme perd son acuité de dénonciation dès qu’il s’agit d’apercevoir l’incompétence pourtant caricaturale de ses collègues de l’OMS quand on en vient aux vaccins ;
- • il n’est pas illégitime de s’interroger sur le rôle qu’il a personnellement joué dans la fausse alerte pandémique de 2009, où l’écrasante culpabilité de l’OMS a été documentée au-delà de tout doute sérieux [13].
Liens d’intérêts
Dans son audition sénatoriale du 29/07/10, Christian Perronne se présente comme un pourfendeur des liens d’intérêts, en évoquant sans les préciser ceux qu’il a eus sur les antibiotiques « mais qui n’avaient rien à voir avec la grippe ».
- • Regrettablement peu incisif sur ce coup, François Autain omet de lui rappeler qu’en pareille matière, l’obligation déclarative vaut pour une délégation d’évaluation à autrui et qu’il n’appartient pas à l’intéressé de discriminer entre ce qui lui paraît pertinent et ce qui pourrait l’être effectivement aux yeux des autres [14].
- • Même en admettant que ses liens avec les fabricants d’antibiotiques n’aient rien à voir avec la question grippale de naguère, en est-il de même dès lors que l’intéressé prend position publique sur la maladie de Lyme où, cette fois, la question antibiotique devient déterminante. Un récent (2015) rapport du… HCSP (que Perronne ne peut ignorer, et pour lequel il a été dûment auditionné) indique en passant que « l’industrie pharmaceutique sponsorise des études sur le traitement antibiotique de la maladie [de Lyme] ». Dès lors, quid de l’article L. 4113-13 du Code de la santé publique qui fait obligation à Perronne de mentionner ses liens lorsqu’il s’exprime « dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits » ? Un peu léger pour quelqu’un qui s’est présenté devant la commission sénatoriale comme un pourfendeur intransigeant des conflits d’intérêts.
Par la dynamique intriquée qu’elle évoque, cette problématique des conflits d’intérêts si étrangement ignorée par Perronne renvoie aussi à sa recommandation d’impliquer les « associations de patients ». Outre que, notoirement, de telles associations sont l’instrument rêvé de toutes les manipulations – qu’elles soient celles de l’industrie pharmaceutique [15] ou, plus indirectement, celles d’autorités sanitaires à la solde Big Pharma –, les associations qui se consacrent plus précisément à la maladie de Lyme ont une réputation déplorable, que ce soit dans la littérature internationale [16] ou dans le rapport susmentionné du HCSP (p. 12) dont on souligne à nouveau que Perronne ne peut l’ignorer…
Cohérence
Outre ma remarque précédente concernant la géométrie variable du « complot » selon qu’il concerne les vaccinations ou la maladie de Lyme, on relèvera, dans l’article de L’Obs, le mépris affiché par Christian Perronne pour l’inertie des autorités « en cas d’épidémie infectieuse ». Cette position, elle aussi, apparaît en porte-à-faux avec celle, exactement inverse, adoptée par le même devant la Commission sénatoriale, lorsqu’il esquive sa responsabilité et celle de ses collègues dans la catastrophe économique liée à l’achat massif de 94 millions de doses vaccinales qui, en majorité, ont fini à la poubelle (avec les frais inhérents à l’achat d’une poubelle assez grande pour absorber le déchet…) : « on ne s’est donc pas désolidarisé des décisions politiques ».
Le lecteur reste sur sa faim relativement au processus décisionnel qui permet à des « experts » comme Perronne de s’abriter derrière une fidélité sans faille aux politiques dans certaines situations, tout en les dégommant, dans d’autres situations, comme insignifiants à force de lâcheté…
Question similaire relativement au corps médical. Dans l’actuelle polémique, on comprend que le corps médical dans son ensemble est dans un déni borné concernant la maladie de Lyme chronique (dont il ne veut « absolument pas entendre parler »), alors que dans l’éditorial de 2010 consacré à « la vaccination », la communication « de qualité » présentant la balance bénéfice-risque des vaccins devait s’appuyer « sur les médecins libéraux » – c’est-à-dire, si l’on comprend bien, sur ces même crétins qui raisonnent comme des chaudrons dès qu’il s’agit du Lyme… C’est là une position exactement antagoniste avec celle de mes « critères intrinsèques de crédibilité », où on tient comme allant de soi qu’il faut à tout le moins se méfier des gens qui ont donné toutes les preuves de leur incompétence ou de leur mauvaise foi, fût-ce à un autre sujet [17].
Même question, enfin [18], concernant les associations. Il y a quelque chose de désopilant à voir Perronne venir témoigner (Le Parisien, 23/09/14) en faveur d’activistes tenus pour des héros par les antivaccinalistes (Votre Santé, avril 2012 : ibid). Même quinte de rire quand on entend le même prôner la nécessaire collaboration des autorités sanitaires avec les « associations » quelques années seulement après avoir, devant le Sénat, sévèrement dénoncé les « délires » de ces mêmes associations alors présentées comme « incontrôlables »…
Vraisemblance
Il n’est pas besoin d’être un spécialiste de pharmaco-économie pour prendre avec un minimum de scepticisme l’opposition entre la pingrerie présumée de l’Assurance maladie française et la libéralité de la médecine américaine : rappelons que, de notoriété publique, il est très difficile de se faire soigner aux USA quand on n’est pas suffisamment riche et qu’historiquement, de toute façon, c’est bien de ce pays que, sous la poussée des assureurs, sont venues les exigences d’évaluation financière des procédures médicales – totalement étrangères à la tradition française, et dont nous sommes encore très loin quoi qu’on en dise.
Certes, l’Assurance maladie a légèrement durci ses contrôles au cours des récentes années, mais il ne faut rien exagérer : contrairement à ce qu’insinue Perronne, notre pays reste très à la traîne des nations développées en matière de rationalisation des soins. Pour ne prendre que cet exemple pertinent pour l’espèce, il suffit de se balader un peu en Europe pour constater qu’il n’y a aucun autre pays que la France où il soit plus facile de se faire prescrire de la doxycycline (médicament dont personne ne conteste l’intérêt dans cette indication) en cas de suspicion d’érythème migrans (la plus fréquente des manifestations de la maladie) après une piqûre de tique [19].
Quant aux malheureux médecins « poursuivis par l’Assurance maladie », je demande à connaître leur nombre ainsi que la motivation exacte de leurs sanctions. Outre que j’ai connu des professionnels de santé qui ne craignent pas d’imputer à leurs pratiques censément rebelles d’avoir pris un PV pour excès de vitesse, il faut bien voir que par les difficultés diagnostiques et thérapeutiques qu’elle soulève parfois, la maladie de Lyme est un eldorado pour tout un tas de praticiens douteux qui n’hésitent pas à facturer fort cher des traitements dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont pas fait la preuve de leur efficacité [20]. Certes, les journalistes (Le Parisien, 23/09/14) n’auront aucun mal à trouver des excités estimant qu’en Allemagne ou ailleurs, il s’est trouvé des gens – généralement grassement rémunérés – pour poser le diagnostic qui aurait été ignoré en France [21] : mais jusqu’à preuve du contraire qu’il suffit d’aller chercher dans les manuels spécialisés, ce n’est pas de cette façon que l’on valide un test diagnostique [22].
Cela nous amène d’ailleurs au parallèle démagogique et malheureux établi par Perronne entre la prise en charge censément défectueuse de la maladie de Lyme d’une part, celle du VIH d’autre part : car s’il est un domaine où l’activisme gay a fait des ravages sur la rationalité pharmaceutique [23], c’est bien celui-ci et, même si c’est politiquement très incorrect, il y a plus éminents que moi pour le dénoncer [24]. On note à ce sujet que tout en se parant du prestige de la Science, Perronne se garde bien de fournir la moindre référence justifiant ses allégations : nous reviendrons sur ce problème dans une section suivante.
Autre propos catégorique (« c’est ridicule ») dont la justification scientifique serait bienvenue : Perronne s’indigne que le nombre de cas déclarés en France serait trop faible par comparaison avec les chiffres d’autres pays tels que la Slovénie, l’Autriche, etc. Cependant :
- • si le système déclaratif qui prévaut en France est à ce point déficient, il aurait peut-être fallu s’en aviser dans cette autre part des missions dont Perronne est en charge, à savoir les vaccinations : par exemple en ce qui concerne la sous-notification monstrueuse qui pèse sur le signalement des effets indésirables (pour ne point parler des relevés « épidémiologiques » de la grippe, dont l’incurie – patente, sauf pour les membres du HSCP – autorise toutes les propagandes opportunistes) ;
- • n’importe quelle référence sur la maladie de Lyme insiste sur l’importance des facteurs écologiques qui influent sur la densité des agents bactériens en cause : surface des forêts, climats et, plus encore, vecteurs animaux de la maladie tels que le daim ou la souris à pattes blanches (Peromyscus leucopus), en tenant compte également de leurs prédateurs. Il n’y a aucune raison convaincante pour que ces divers facteurs soient superposables d’un pays à l’autre…
Enfin, je ne pense pas dépasser la limite de la culture du BB avec les remarques suivantes.
- • C’est gentil de se poser en thérapeute sauveur (« j’ai sorti des gens de l’asile »), mais tout le monde sait que la recherche clinique a besoin d’autre chose que l’expérience personnelle : on attend les données objectives à force de reproductibilité qui permettraient à notre Christ antipsychiatre de convaincre la communauté médico-scientifique quant à la validité de ses pratiques thérapeutiques. En français, ça s’appelle l’evidence-based medicine : je n’en suis pas un fanatique, mais par comparaison, la rhétorique de Perronne nous ramène très loin en arrière (« croyez-en mon expérience », comme disait mon Maître en thérapeutique que j’ai toujours pris pour un crétin borné)…
- • Précisément, s’il y a enjeu polémique – c’est-à-dire matière à débat – on s’étonne que quelqu’un qui se présente comme un scientifique intransigeant choisisse les médias comme interlocuteur principal – quand toutes les recommandations en matière d’éthique scientifique enjoignent de régler le débat entre pairs avant d’aller chercher l’appui des journalistes. On verra même plus bas que le débat entre pairs n’est pas loin d’être réglé, mais pas vraiment dans le sens indiqué par le maquisard de Garches, forcé de se protéger des trahisons « jusque dans [son] propre service ».
- • On s’étonne, enfin, d’entendre affirmer comme une révélation qu’une sérologie « peut-être négative » chez un malade et que « toutes les publications » attestent que le test Elisa n’est pas fiable à 100%. Aucun test diagnostique n’est positif chez tous les malades, et personne n’oserait affirmer qu’un test est « fiable à 100% ». Même les étudiants savent ça et si, à l’Université de Versailles St Quentin où Perronne enseigne, il en existe encore qui l’ignorent, on ne saurait trop lui recommander de revoir ce qu’il leur a dit, au lieu de convoquer des journalistes qui n’en peuvent mais, pour déplorer les insuffisances de la formation médicale.
Le débat scientifique
On pourrait s’arrêter là pour un article destiné au public profane et inspiré par l’idée démocratique de fournir aux citoyens des moyens pour résister à la dictature des « experts » (ou, plus précisément, aux dictateurs qui s’abritent derrière les « experts » dès lors que ça les arrange).
Telles qu’elles ont d’ores et déjà récapitulées ci-dessus, en effet, les occultations, les incohérences et les invraisemblances de son discours suffisent à décrédibiliser l’ancien président du CTV dans son rôle de héros isolé au seul service des malades et de la Science [25]. Mais il me semble que, par-delà la seule personnalité de Perronne, l’espèce permet d’entrer encore plus profondément dans l’analyse de la propagande médicalisante : et c’est pourquoi, bien que la maladie de Lyme ne fasse pas partie des domaines où j’aurais le moindre motif de revendiquer une compétence significative, j’ai tenu à consacrer une certaine attention critique au débat auquel elle donne lieu actuellement dans les médias français.
Bref rappel sur la maladie de Lyme
Rappelons brièvement que due à une bactérie inoculée par morsure de tiques (généralement lors de promenades dans la nature), la maladie de Lyme se caractérise par une phase primaire de lésions cutanées (érythème migrans) : il faut toutefois noter qu’une telle entrée dans la maladie ne solde pas toutes les morsures de tiques, dont beaucoup n’ont aucune conséquence pathologique. Dans certains cas, une phase secondaire peut s’installer après quelques semaines ou mois, marquée par une maladie articulaire, ou encore par des désordres cardiaques ou neurologiques. En principe, toutes ces manifestations sont réputées pouvoir être contrôlées par un traitement antibiotique bien mené. Dans une petite minorité de cas, une phase « tertiaire » semble pouvoir s’installer, marquée par des manifestations cliniques difficiles à caractériser, à type de fatigue chronique, de douleurs ou de désordres cognitifs.
Le débat alimenté par Perronne concerne principalement cette troisième phase (maladie de « Lyme chronique », ou « post-Lyme »), à savoir les difficultés de diagnostic et celles du traitement chez des malades chroniques.
Les données de la littérature
Lancée le 15/07/2016 à l’occasion de la présente rédaction, une recherche documentaire portant sur les articles parus en 2016 avec le mot « Lyme » dans le titre ramène 125 références dans la seule base de données Pubmed : c’est dire qu’il ne s’agit pas, dans la littérature internationale, d’un sujet confidentiel et, encore moins « tabou ».
Mais, au contraire de ce qu’ont accrédité les médias français depuis deux mois (« toutes les publications montrent l’inverse »), les problèmes de diagnostic d’une part, de thérapeutique d’autre part sont loin d’être réglés partout ailleurs que dans notre pays. Dans une tribune volontairement solennelle parue dans le peu provincial Lancet Infectious Diseases en 2011 (11[9] : 713-719) et signée par pas moins de 13 spécialistes américains éminents, sont récapitulés dans un Panel 1 les concepts relatifs à la maladie de Lyme que les auteurs considèrent comme « infondés, non démontrés ou faux », où l’on trouve notamment les suivants :
- • la maladie n’aurait pas de limite géographique ;
- • la plupart des patients n’auraient que des symptômes subjectifs qui peuvent s’avérer incurables s’ils ne sont pas pris en charge très précocement ;
- • les tests sérologiques actuels seraient sans valeur ;
- • les traitements antibiotiques habituels seraient insuffisants, notamment en ce qui concerne leur durée.
On retrouve une critique non moins sévère de l’idée que les tests et le traitement seraient inadéquats dans un autre article publié par une revue encore plus éminente (N Engl J Med, 2007 ; 357 : 1422-1430). Le lecteur qui a tout suivi ne peut que constater que ces idées, explicitement présentées par les auteurs comme « antiscientifiques » et « éthiquement problématiques » [26], ressemblent comme deux gouttes d’eau aux idées médiatisées ces dernières semaines à l’instigation de Christian Perronne. C’est une chose, par exemple, de recommander « d’améliorer les tests » : mais dans quelle pathologie infectieuse existe-t-il des tests parfaits et, à quoi bon, de toute façon, si le traitement chronique n’apporte aucun bénéfice tangible ?
À ce stade, le blaireau de base responsable des présentes écritures n’a évidemment nulle autorité pour clore le débat [27]. Mais il n’est nul besoin d’avoir la moindre compétence d’espèce pour constater que :
- • au contraire de ce que soutient Perronne (sans la moindre preuve, évidemment), le scepticisme sur la multiplication des tests sérologiques et sur la nécessité d’un traitement antibiotique prolongé [28] n’est pas l’indicateur d’une incompétence typiquement franco-française : il est celui des plus hautes autorités américaines en matière de Lyme ;
- • à la différence de Perronne, les auteurs qui viennent d’être cités, loin de s’abriter derrière des histoires de chasse tirées de leur expérience personnelle, réfèrent précisément les études qui leur permettent de nier le moindre bénéfice documenté d’un traitement antibiotique prolongé, de considérer que la valeur prédictive des tests utilisés n’est pas pire avec la maladie de Lyme qu’avec nombre d’autres pathologies infectieuses, et qu’on a bien plus souvent vu des gens soignés des mois durant alors qu’ils n’étaient pas atteints par la maladie que des malades méconnus sortis de l’asile par un médecin sans peur et sans reproche ;
- • apparemment ignorée par Perronne, la problématique des effets indésirables, fréquents et parfois graves, consécutifs aux antibiothérapies prolongées est dûment évoquée par les auteurs américains.
Très présente dans la littérature internationale [29], une autre problématique semble totalement ignorée par Perronne, à savoir les moyens non médicaux de se protéger contre la contamination : vêtements adéquats, répulsifs, procédures d’inspection visuelle après séjour dans une zone à risque…
Enfin (nous reviendrons sur cette question), on relève que tout en réclamant plus de « financement », Perronne s’abstient de la moindre évaluation chiffrée concernant le poids sanitaire de la maladie et le coût respectif des diverses options préventives ou thérapeutiques : rétrospectivement, on comprend mieux pourquoi, dans les recommandations vaccinales qu’il concocte, le CTV n’est, lui non plus, jamais sérieusement concerné par ces questions pourtant majeures…
À l’analyse même sommaire de la littérature considérable consacrée au sujet, je tombe sur une référence de nature à faire progresser le débat, tant scientifique que public. Il s’agit d’un auteur qui se présente lui aussi comme spécialiste de pathologie infectieuse, et qui n’hésite pas à affirmer :
- • « Les recommandations de santé publique doivent reposer sur les preuves solides, et pas sur l’opinion d’experts ».
- • En matière de tests sérologiques [pour la maladie de Lyme], « il n’existe pas de référence fiable ».
- • « Des syndromes sans une cause claire ou des preuves objectives ne devraient plus être intitulés maladie de Lyme chronique ».
- • « Limiter le débat à la maladie de Lyme est extrêmement pauvre, parce que cette maladie n’est pas susceptible de correspondre à une explication universelle chez nos patients ».
S’il fallait prendre au sérieux de telles allégations, il s’ensuivrait forcément que s’éteindrait la polémique récemment lancée en France par des activistes prêts à tout (l’action judiciaire, la grève de la faim, la mobilisation des médias…), pour obtenir coûte que coûte l’accès aux tests interdits qui permettraient de poser le diagnostic de Lyme à l’origine de leurs souffrances, mais dont il s’avère finalement qu’ils « n’existent pas »… S’il faut s’en remettre aux « preuves solides » plus qu’aux opinions d’experts, cela rimerait à quoi de faire tout un foin médiatique avec pour seule caution celle d’un hospitalier qui fonde l’essentiel de ses anathèmes sur des histoires de chasse (« j’ai sorti des gens de l’asile »). Enfin, si la démarche consistant à évoquer un diagnostic de Lyme s’avère « extrêmement pauvre » chez des gens qui ont des symptômes chroniques après une piqûre de tiques, ça doit vouloir dire que dans les gens qui portent plainte contre l’État français, il doit y en avoir un bon nombre qui se fourvoient…
Question : existe-t-il la moindre raison de prendre au sérieux des allégations aussi irrecevables par « les associations » ?
Je crois que oui, puisqu’elles ont été signées par… un certain Christian Perronne, responsable du Département des maladies infectieuses du Groupe hospitalier des Hôpitaux Universitaires de Paris Île-de-France Ouest [30]…
Les trois composantes d’un « scandale » effectivement franco-français
Il y a donc bien scandale, mais ce n’est pas exactement celui qu’a dénoncé la presse. J’en vois trois composantes : i/ scandale médical ; ii/ scandale consumériste ; iii/ scandale médiatique.
Scandale médical
Quand j’ai fait mes études de médecine, mon premier stage hospitalier s’est déroulé dans un Service de radiothérapie dont il faut bien dire qu’il fonctionnait surtout comme un mouroir [31]. Il y avait là un chef de clinique con et prétentieux qui, de façon fort démagogique, encourageait les étudiants à prescrire tous les examens complémentaires qui leur venaient à l’esprit (nous étions en quatrième année…), chez ces malheureux malades dont beaucoup attendaient juste de claquer, entre le développement de leur cancer et les complications des traitements qu’ils recevaient. J’avais beau être bien jeune à l’époque et totalement inexpérimenté, je me rappelle mon effarement devant la créativité sans limite de mes condisciples, tout excités de pouvoir ainsi recommander à peu près tout ce qui leur passait par la tête, sans la moindre notion ni du risque iatrogène, ni de l’intérêt effectif des examens en question dans la prise en charge du malade, ni – évidemment – du coût pour la collectivité : l’assurance maladie est peut-être devenue pingre, mais il faut reconnaître qu’elle a des circonstances atténuantes. Quant au « d’abord ne pas nuire », ce n’était clairement pas le sujet…
Force est de reconnaître que telle fut bien la façon dont nous avons été formés : la moindre consultation, a fortiori le moindre séjour hospitalier attestent qu’elle reste terriblement opérante chez la plupart des praticiens. Force est de recouper, du même coup, que les positions publiques de Perronne fournissent une illustration parmi d’autres de cet état d’esprit si caractéristique de la médecine française :
- • le récent rapport du HCSP atteste qu’il n’y a pas d’interdit de principe sur la mise en œuvre de plusieurs tests diagnostiques, mais que l’idée de base est plutôt d’une démarche séquentielle dont la rationalité médicale et économique va de soi, par contraste avec le fantasme de faire « tous » les tests en même temps [32], incluant ceux qui n’ont donné aucune preuve convaincante de leur fiabilité ;
- • alors que la question émerge immanquablement chez les auteurs qui s’intéressent à la prise en charge des patients chroniques, on chercherait en vain, chez Perronne, l’expression du moindre souci quant aux conséquences dommageables de traitements antibiotiques prescrits sur le long terme sans indication convaincante ;
- • quant à la hiérarchisation des diverses options (incluant, évidemment, les mesures non pharmacologiques de prévention) en fonction de leur rapport coût/bénéfice, ce n’est clairement pas le sujet qui soucie le plus Perronne.
Au total et pour récapituler, voici ce qui ressort du discours médical exploité par la presse pour alimenter le nouveau « scandale » autour de la maladie de Lyme : dans la liste ci-après, je ne retiens que ce qui m’apparaît typique d’une mentalité médicale que je ne cesse de dénoncer (et qui n’est pas limitée à la France dans toutes ses expressions).
- • Une indifférence marquée à l’endroit de la iatrogénie (c’est-à-dire des effets néfastes des prises en charge médicale, qu’il s’agisse de procédures thérapeutiques ou diagnostiques). En l’espèce, cette indifférence – qui est une forme de mépris anti-hippocratique à l’endroit des patients – choque d’autant plus qu’elle est connexe d’un argumentaire extrêmement démagogique et regrettablement reçu comme bienveillant par des gens sans le moindre esprit critique [33] (« J’ai sorti des gens de l’asile ou de leur brancard »).
- • Une vision obstinément organique de désordres fonctionnels qui appelleraient un minimum de réflexion professionnelle, et même anthropologique, sur la somatisation.
- • Un mode démonstratif privilégiant l’expérience personnelle et l’anecdotique spectaculaire sur une recherche clinique tant soit peu rigoureuse : c’est bien gentil de clamer que l’on a sorti les gens de l’asile « avec un traitement prolongé d’antibiotiques », mais on fait quoi des études qui, dans leur majorité, attestent l’inutilité d’un tel traitement prolongé [34] ? Et on fait quoi, méthodologiquement, pour discriminer entre un effet authentiquement antibactérien et un simple effet placebo, pour ne point parler de l’effet notoirement anti-inflammatoire propre à certains antibiotiques [35] ?
- • Une compréhension apparemment fort déficiente des paramètres objectifs (spécificité, sensibilité) qui permettent de choisir à bon escient un test diagnostique et d’en interpréter correctement le résultat. À partir du moment où l’on a besoin de s’abriter derrière « toutes les publications » pour justifier que tel ou tel test ne serait pas « fiable à 100% », on induit forcément le doute quant à la rationalité de la pensée qui peut conduire à proférer de telles incongruités : aucun test diagnostique n’est fiable à 100%, et je ne connais pas une seule problématique médicale qui fasse l’objet d’un accord dans « toutes les publications » [36].
- • Une confiance de principe dans la corrélation, pourtant contredite par la plupart des études disponibles, entre les fonds consacrés à la médecine et le niveau de santé des populations concernées.
- • Une indifférence absolue aux questions d’allocation de ressources : au détriment de quels autres budgets devraient être prélevés les fonds supposés « financer la recherche » sur la maladie de Lyme ? À hauteur de combien ? Avec quelle promesse de résultats relativement à d’autres interventions possiblement moins coûteuses ?
- • Un parti-pris de médicalisation consistant à privilégier la multiplication des examens complémentaires et des médicaments sur d’autres procédures non spécialisées et peu coûteuses telles que la façon de s’habiller, les répulsifs et l’inspection visuelle après un séjour en zone à risque.
- • Une éthique problématique de communication, consistant à transporter le débat auprès de journalistes incompétents, tout en l’esquivant en face des pairs : il y a quand même quelque chose d’étonnant de voir Perronne prendre les médias à témoin de thèses qui n’ont pas été retenues par le HCSP dont il est l’un des membres les plus éminents…
Il ne s’agit évidemment pas de surexploiter au détriment d’un confrère d’éventuels dérapages verbaux qui seraient survenus dans l’émotion d’une polémique ponctuelle qui lui tiendrait à cœur : car abstraction faite de la maladie de Lyme en particulier, il est évident que la plupart des travers intellectuels qui viennent d’être listés sont largement répandus dans le milieu médical et que, en particulier, ils se retrouvent à l’identique dans les problématiques de vaccination (où Perronne, on l’a vu, a exercé des responsabilités de premier plan)…
On parle donc bien ici d’un mode de pensée médical, et on soutient, preuves en main, qu’il est déficient. Pour ne prendre que ces exemples faciles à illustrer, il est patent que la plupart des médecins tiennent pour une évidence que la médecine aurait très significativement contribué à l’allongement de l’espérance de vie, de même qu’ils n’ont aucun doute quant au fait que le niveau de santé des populations serait en corrélation étroite avec le montant des dépenses de santé : les lecteurs de mes écrits ont toutes les références pour savoir que ces « évidences » sont parfaitement fallacieuses.
Scandale consumériste
Alors donc que toutes ces dernières semaines, la controverse sur la loi travail a illustré jusqu’à la nausée la difficulté des contemporains – et des médias – à comprendre et à accepter la légitimité d’une mobilisation syndicale somme toute modeste sur un projet assez monstrueux qui s’inscrit dans la logique d’une effrayante régression sociale, c’est un sujet de consternation de constater à quel point ces mêmes contemporains peuvent se mobiliser autour de causes ineptes, en l’absence de la plus élémentaire réflexion politique concernant, notamment, les mécanismes d’aliénation qui font la fortune du néocapitalisme.
Même en admettant que « les maladies vectorielles à tiques » (dont celle de Lyme ne serait qu’un exemple) posent d’insurmontables problèmes de diagnostic ou de thérapeutique, ce pourrait être l’occasion de réfléchir tant soit peu philosophiquement à la précarité de la vie et au tragique de l’existence [37].
Reste, cependant, l’impératif du « droit à la santé ». À chaque fois que, courtisé par des promoteurs de médecines douces/ alternatives/ holistiques/ homéopathiques (dont – à l’instar de l’OMS – « la santé » est le fonds de commerce), je me suis amusé à leur demander « au fait, c’est quoi, la santé ? », j’ai déclenché une réaction d’intolérance proche du choc anaphylactique… Ce qui ressort, après bien d’autres, de cette affaire Lyme, c’est que si personne n’est capable de proposer la moindre définition opérationnelle de la santé, il y a forcément un coupable si on ne l’a plus… D’où « plainte » (Pourquoi Docteur, 27/05/16) – dont, une fois encore, on attend avec intérêt le fondement juridique.
La nullité de la réflexion sous-jacente à tout ce consumérisme nombriliste s’illustre de l’observation suivante : quand il est facilement documentable [38] qu’en bonne partie, l’activisme pro-Lyme émane de promoteurs de toutes ces médecines « alternatives » qui n’entretiennent que mépris pour l’Académie et qui se présentent notamment comme farouchement opposés aux vaccins, il est amusant de les voir accueillir comme un héros quelqu’un dont l’action principale en matière de santé publique aura été de contribuer à une propagande vaccinale notoirement scandaleuse. Une fois encore, il faudrait donc comprendre que les ennemis de mes ennemis sont mes amis : on peut rêver plus profond – et un tout petit peu plus désintéressé – comme réflexion politique…
N’en déplaise à Perronne qui, tel le Christ avec sa croix, se voit obligé, pour les « sortir de l’asile », de brancarder tout seul les opprimés d’un système qui ne lui a pas si mal réussi, il se pourrait que l’épidémie – en constante extension – de troubles fonctionnels tels que ceux rapportés par les candidats au diagnostic de « Lyme chronique » relève plus d’une réflexion psychologique que d’une multiplication – aux frais de la collectivité – de tests sérologiques non validés et de prescriptions antibiotiques à tout le moins hasardeuses.
Il s’avère en effet que, dans la « culture du narcissisme » [39] poussée sur le terreau du consumérisme et de la matriarcalisation, la souffrance d’exister se résume aujourd’hui à des troubles digestifs en rapport avec l’impératif catégorique du pipi-caca [40], pour ne point parler des douleurs diffuses et de l’asthénie qui soldent désormais le conflit entre l’épreuve de réalité et le principe de plaisir : dans la « société sans pères », le gâteau fourré dans la bouche de façon réflexe, la tétine à demeure, la ration supplémentaire de boisson bien sucrée ou la branlette maternelle recommandée par les pédiatres pour décalotter la zézette du gamin viennent aujourd’hui en lieu et place de l’issue symbolique. Le « sentiment tragique de la vie » devient part intégrante d’un fonctionnement de type digestif, réglé par l’absorption et l’évacuation : d’où drame – pardon : d’où « scandale » –, évidemment, si l’on ne parvient pas à le contrôler en rotant ou en pétant.
Il est évident que tous ces gens qui n’ont d’autre titre à intervenir dans le débat public que leur goût pour le Sauternes et le foie gras, tous ceux qui vivent en permanence dans un état d’urgence médicale absolue à force d’autopalpation obsessionnelle [41], tous ces parents qui débarquent aux urgences dès que le gamin a 37°1 de température, toutes ces familles où, après des années d’exclusion du père, on continue de vouloir imposer la loi des matriarches dans la prise en charge de « l’autisme », de « l’hyperactivité », du « syndrome de Gilles de la Tourette » [42], il est évident que tous ces gens fournissent un formidable volant de mercenaires pour promouvoir le primat de la somatisation, l’autorité des « experts » [43], avec pour résultat cette « fuite éperdue devant la mort » qui apparaît bien comme « l’ultime vérité de la société occidentale contemporaine » [44].
Pour s’en tenir au Lyme, qui, parmi les activistes, s’avise de réfléchir tant soit peu aux tenants et aboutissants politiques des déterminants écologiques ou environnementaux susceptibles d’expliquer « l’explosion » de la maladie ? Qui promeut les outils d’autogestion (habillement, répulsifs, auto-inspection…) qui permettraient de minimiser tout seul et à peu de frais le risque personnel de contamination [45] ? Qui porte un minimum de regard critique sur ce chancre de la modernité que l’on appelle « tourisme » et qui rend compte des expositions les plus invraisemblables à des risques infectieux sinon parfaitement évitables [46] ?
La « culture du narcissisme » se caractérise donc par un contraste saisissant entre le souci obsessionnel d’un moi-je réduit à sa plus simple dimension orale [47] et l’incapacité d’envisager que le confort de ce moi-je puisse passer par un minimum d’engagement personnel, fût-il strictement égocentrique : si mon petit nombril de va pas bien, c’est forcément la faute de quelqu’un. La profession d’avocat a devant elle des jours d’autant plus radieux que les « plaintes » n’auront plus rien à voir avec la Loi – et encore moins avec le Juste…
Scandale médiatique
Ça tourne au pléonasme sur le présent site, mais une fois encore, on ne peut que constater la jobardise incroyable des journalistes qui ont assuré la promotion médiatique de cette invraisemblable histoire. Dans mon précédent article consacré à Meningitec, on aurait pu faire exactement le même constat : comment être assez nul pour traiter comme nouvelle significative une démarche aussi anodine qu’un référé expertise, qui vise simplement à solliciter d’un juge qui n’y connaît généralement rien (« juge des référés ») une mesure d’expertise, indépendamment de la moindre garantie quant à ce que dira effectivement ladite expertise [48].
En la présente espèce de la maladie de Lyme, il n’était pas bien difficile d’entretenir quelques doutes sur la crédibilité des plaintes : ça rime à quoi de faire une grève de la faim quand on est – vraiment – malade ? Qui croit sérieusement qu’on délivre des antibiotiques plus facilement en Allemagne que dans notre pays ? Qui ose médiatiser l’approvisionnement sur Internet comme alternative fiable aux pharmacies qu’on décrit déjà comme trop nombreuses chez nous ? Comment des journalistes censément « spécialisés », parfois eux-mêmes médecins, peuvent-ils n’être pas frappés par le flou et l’invraisemblable variété sémiologique des symptômes dont se plaignent ceux qui se présentent comme victimes ?
Quant à esquisser, même a minima, une revue de la littérature médicale pour vérifier s’il était exact que notre pays se distinguait par son refus obtus de ce qui était supposé aller de soi partout ailleurs, ce n’était pas trop difficile : le Lancet et le NEJM ne sont quand même pas des revues exotiques et, chose assez rare, les articles que j’ai cités sont même disponibles sur internet en accès libre. Cette incurie documentaire des journalistes pose quand même un intéressant problème de méthode, car de deux choses l’une : ou bien ils disposent déjà d’une compétence réelle sur le sujet dont ils traitent – ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce – ou bien ils découvrent et, dans ce cas de figure, où vont-ils se renseigner avant de prétendre « informer » le public ?
Dans tous les pays, sans doute, il existe une presse indigne ; mais ce qui distingue la France des autres de niveau culturel équivalent, c’est l’absence de toute option de rechange : c’est sur cette unanimité dans la nullité – rendue également palpable par les comptes rendus consternants des récents mouvements sociaux – que je voudrais me concentrer pour achever cet article.
Il y a déjà longtemps, bien avant cette concentration de presse qui a effacé toute ligne de partage entre « la droite » et « la gauche », un de mes collègues britanniques, parfaitement bilingue, m’avait fait cette remarque intéressante qu’à la différence de ce qui se passait dans son pays, la presse française se distinguait par le peu de place qu’elle réservait au courrier des lecteurs, à savoir ces pages qui permettent à des intervenants, souvent de grande compétence, de réagir pour rectifier, critiquer, élargir l’information publiée. C’était parfaitement exact et, d’ailleurs, pourtant survivant d’une époque où l’on ne confondait pas « droite » et « gauche » [49], Le Monde diplomatique m’a récemment donné des exemples assez éclairants de la censure bornée qui peut s’exercer sur la critique des lecteurs.
En fait, un minimum de connaissance du milieu atteste que même l’exercice occasionnel de la critique est réservé à une petite clique de privilégiés. On en revient aux racines du « mal français », à savoir cet héritage de l’absolutisme qui réserve aux seuls courtisans le droit de participer à la chose publique avec, à la clé, les bénéfices personnels qu’on peut en tirer. Il suffit de relire L’Éducation sentimentale pour constater que, en France et depuis longtemps, l’accès à un organe de presse est recherché comme une source de pouvoir parmi d’autres, et le récent ouvrage d’Ingrid Riocreux [50] atteste que les choses ne se sont pas arrangées, loin de là [51].
Fondamentalement et chacun à sa manière, les journalistes français sont au service d’un pouvoir dont ils attendent des avantages en retour, ne serait-ce qu’en termes de notoriété [52] : la participation à quelque média que ce soit n’est pas le lieu du désintéressement, et la qualité de l’information s’en ressent forcément. À titre de comparaison illustrative, qu’il me soit permis de citer les récents articles consacrés, dans la presse suisse [53], à cette affaire Mediator pourtant tellement franco-française pour constater qu’on chercherait en vain le moindre équivalent dans les centaines de ceux qui sont parus chez nous sur le même sujet… Or, et l’intéressée (qui, à ma connaissance, n’est pas professionnelle de santé) me pardonnera cette formulation provocante, on ne peut pas dire qu’elle ait dépassé un sommet sur ce dernier sujet, dans la mesure où on pourrait dire à peu près la même chose d’autres de ses contributions antérieures, par exemples celles consacrées au dépistage mammographique [54], dont on chercherait également en vain le moindre équivalent dans la presse française : il s’agit bien d’un état d’esprit relatif à l’information quand elle est considérée comme but, et non comme moyen… La démonstration s’élargirait sans peine à l’examen de la presse anglo-saxonne, la seule à laquelle j’ai accès compte tenu de mes incompétences linguistiques.
À l’évidence et pour résumer, une conception des médias comme source de pouvoir et de prestige n’est pas compatible avec une exigence de qualité dans la collecte, l’analyse et la transmission de l’information : la presse française en est la triste illustration [55].
Conclusion
Sans bien savoir ce qui m’y attirait, je suis entré à reculons dans la rédaction de cet article qui me paraissait tellement loin de mes compétences documentables et, par conséquent, tellement antagoniste avec l’éthique de mes contributions publiques.
On voit que, finalement, je me suis vu ramené à trois thèmes auxquels je pense avoir d’ores et déjà raisonnablement contribué – notamment sur ce site : 1/ la médicalisation et sa malfaisance ; 2/ le consumérisme comme facteur de médicalisation – et donc d’aliénation ; 3/ la presse et sa nullité, surtout dès qu’il s’agit de médicalisation…
Oralité et consumérisme
Comme on pouvait s’y attendre en pareille occurrence (cela s’est déjà passé à propos d’autres mystifications émotivement chargées, comme celle du Baclofène ou celle du « syndrome des jambes sans repos »), un correspondant a cru bon monter à l’assaut contre moi.
Sans surprise, une fois de plus, il ne fait que confirmer – jusqu’à l’excès – l’analyse qui n’a pas eu l’heur de lui plaire : comme en d’autres situations similaires, je crois que la reproduction textuelle de ses e-mails sera éloquente à cet égard. Elle permettra aussi de mieux saisirla dynamique de quérulence hypocondriaque qui sous-tend la médicalisation contemporaine, dont j’avais déjà commencé l’interprétation (à propos des anti-vaccinalistes). Enfin, elle validera, une fois encore, la position qui m’a conduit, dès l’origine, à désactiver la fonction forum de mon site.
Premier message de mon contradicteur :
Bonjour Monsieur Girard, J’ai parcouru votre analyse concernant la problématique de la maladie de Lyme. Vous avez dressé là un dossier à charge du Professeur Perronne et des médecins qui ne suivent pas les directives officielles. Avez-vous déjà rencontré des malades chroniques de Lyme ? Vous êtes-vous intéressé …
- aux dimensions politiques de cette maladie ?
- aux conflits d’intérêts avérés des experts et chercheurs américains soutenant la thèse de l’IDSA ?
- aux motivations du groupe “Ad Hoc International Lyme Disease Group” qui apparaît dans l’une de vos références ?
- aux conditions de l’arbitrage convenu avec Richard Blumenthal et Howard Brody ?
- à l’analyse de l’Institut de Médecine américain concernant la transparence qui entoure le développement des guidelines IDSA de 2006 ?
- à la validité des statistiques sur le nombre de cas ? A la révision des statistiques américaines par les CDC en 2013 ? Si oui, je serais curieux de connaître votre analyse psychanalytique d’individus qui mettent sur pied une “offensive socio-politique” car ils se sentent en “sous-effectif”. Je reprends là les termes d’un certain Durland Fish en s’adressant aux co-auteurs desdites guidelines, en date du 10/07/2007 à 9 h 23 (heure locale). Votre analyse témoigne d’une profonde méconnaissance de certains aspects de la problématique. Etant malade chronique, diagnostiqué Lyme tardivement, j’avais du mal à croire à une omerta concernant cette maladie infectieuse. C’est en me documentant sur le sujet que j’ai dû me rendre à l’évidence. Toujours est-il que des a priori positifs ont volé en éclat ! Ayant une formation en analyse critique, on ne peut donc me reprocher d’avoir fait preuve du bien connu “biais de confirmation”. Bàv
Ma première réponse :
Pardon d’être aussi “méconnaissant” – et d’avoir ignoré à quel point vous n’étiez pas dans les “directives officielles” du néocapitalisme : la notoriété médiatique actuelle de vos thèses mesure assez votre “rebellitude”.
Les miennes ont nettement moins d’impact : à force d’être “méconnaissant”… Les Évangiles ironisaient déjà sur les “Sages et les savants” dont vous faites si manifestement partie.
Bien à vous. MG
Son second message :
Navré, mais malgré mes compétences, je ne comprends pas votre texte… En même temps, si pour vous la médecine est une question de religion et de rebellitude, il ne faut plus s’étonner de rien. Par vos écrits et votre attitude, vous donnez une bien mauvaise image de votre profession …
Ma seconde réponse :
Conseil d’ami, totalement anachronique : évitez de parler si vous-même pressentez n’avoir pas compris.
Son troisième message :
Pour autant que je sache, vous ne faites pas partie de mon cercle d’amis … Je comprends surtout que vous mettez de côté les éléments qui n’appuient pas votre thèse, dont un travail d’investigation reposant sur la divulgation de documents internes à 2 agences fédérales américaines complices des agissements de l’IDSA.
Pour avoir traité à de nombreuses reprises des conflits d’intérêts et de corruption dans vos articles, je suis étonné que vous n’ayez pas davantage approfondi cette question, pourtant fondamentale !
Vous dites que les associations de Lyme ont mauvaise réputation au niveau international, en vous référant à l’étude publiée dans le NEJM, en 2007. Vos références sont orientées, les auteurs de cet article ont des intérêts commerciaux en rapport avec Lyme et/ou intellectuels en lien avec la thèse défendue par l’IDSA. Après la constitution du groupe Ad Hoc, certains de leurs membres ont vu leur subvention de recherche augmenter de manière substantielle !
Alors, vous n’avez pas de leçon à me donner en matière d’objectivité et de compréhension. Mais nous sommes au moins d’accord sur un point : vous faites partie de la catégorie des “méconnaissants” malgré votre long CV…
Ce troisième message contenait, en pièces jointes, la copie des déclarations d’intérêts de certains experts américains (obtenues après 5 ans de démarches…), ainsi qu’un extrait de correspondances entre les auteurs de l’article du NEMJ que j’ai cité : estimer que ces pièces anodines, voire redondantes (il y avait déjà des déclarations d’intérêts dans les articles que j’ai cités) apportent quoi que ce soit au débat relève plus de la foi (pour rester gentil) que de « l’analyse critique ».
Pseudo-expertise
J’étais parti – c’est au cœur de ma réflexion politique – en regrettant que nombre d’activistes ne sachent pas critiquer les experts officiels autrement qu’en jouant aux « faux experts ». En l’espèce, je tombe sur un contradicteur très sûr de lui, venu d’on ne sait où et vantant sa « formation en analyse critique » [56] ainsi que ses « compétences », mais sans jamais préciser de quoi il s’agit…
Sans entrer, ensuite, dans la réfutation détaillée d’une argumentation confuse qui frappe par son vague (aucune référence bibliographique précise), par sa quérulence [57], par ses approximations [58], il faut surtout constater que mon contradicteur passe complètement à côté du problème posé : s’il est exact qu’il y a tant d’experts américains assez corrompus pour dire n’importe quoi sur la maladie de Lyme, que penser de l’argument pourtant central qu’il n’y aurait qu’en France que le corps médical se fourvoierait à ce sujet ? Car, ce que n’importe quel lecteur de bonne foi a compris de la médiatisation que je critique, c’est qu’il n’y aurait que dans notre pays qu’on serait aussi borné au sujet du Lyme : sinon, à quoi bon porter plainte « contre l’État français » (Pourquoi Docteur, 27/05/16) ? Imagine-t-on un tribunal français faire droit à une plainte concernant une question technico-scientifique qui ferait quasiment consensus à l’échelle internationale ?
Accessoirement et d’un point de vue de simple vraisemblance (un de mes « critères de crédibilité intrinsèque »), je vois mal l’intérêt, pour ces experts américains censément à la solde des fabricants, de plaider contre la chronicité de la maladie qui, à l’évidence, permettrait une maximisation des ventes [59].
Querelles de personnes
Quand on ne sait pas se battre sur les idées, on s’en prend aux personnes. L’argument que j’aurais constitué un dossier « à charge » contre des personnes précises ne tient pas. Tout habitué de mon site sait que je fuis comme la peste les querelles de personnes mais que, pour des raisons dont je me suis déjà justifié, il est apparu progressivement qu’à force de les fuir, mes analyses péchaient de plus en plus par obscurité : il fallait vraiment être très au fait de polémiques précises pour entendre mes allusions et à force de me faire sermonner par les plus fidèles de mes lecteurs, j’ai fini par évoluer sur cette déontologie que je m’étais initialement fixée.
C’est donc contraint et forcé par une exigence démocratique d’intelligibilité que j’ai été amené à prononcer quelques noms propres, mais toujours avec d’évidentes pincettes. En l’espèce, de plus : i/ dans la mesure où, exactement comme avec Mediator, la crédibilité des activistes repose sur un leader d’opinion, il est très difficile de dénoncer cet activisme sans jamais citer le leader en question [60] ; ii/ concernant la personne de Perronne, n’importe quel lecteur de bonne foi aura remarqué que j’ai multiplié les voies de sorties, en suggérant par exemple que ses propos aient pu avoir été mal transcrits, ou qu’il fallait peut-être tenir compte du contexte où ils avaient été prononcés, etc. La meilleure preuve de mon indifférence aux questions de personnes, c’est que, en dépit de mon investissement peu contestable sur la question des vaccins, je n’avais jamais noté son nom malgré l’ampleur des responsabilités qu’il a assumées en ce domaine. J’ai travaillé sur le fond du dossier, pas sur les personnes [61]…
La contribution de mon contradicteur repose sur une éthique du débat exactement inverse : aucune référence, aucun argument de fond, aucune logique, mais un dégoût affiché pour ma « profonde méconnaissance », ma « bien mauvaise image », mon « long CV » – pour mézigue, quoi. À noter, également, mon « attitude » supposée aggraver l’inadéquation de mes « écrits » : mais quelle « attitude » autre que mes « écrits » pourrait ressortir de mon site ? Incapable de donner un minimum de consistance à ses accusations, mon contradicteur s’imagine alourdir le bilan de mes tares en dédoublant les mots qui qualifient les mêmes défaillances : d’habitude, on voit ça dans les républiques bananières, quand le dictateur en place s’acharne sur un opposant en multipliant les qualifications pénales concernant les mêmes faits…
Oralité
Voici quelques semaines, dans une affaire judiciaire concernant un accident après chirurgie mammaire, une avocate (donc une femme), dans mes âges (donc pas une gamine), m’a demandé de répondre à l’adversaire qui niait l’existence d’un préjudice sexuel chez la demanderesse. Le motif de cette délégation était, en soi, tout un programme : « vous ferez ça mieux que moi »… À la lecture du résultat dont elle ignorait qu’il avait été rédigé par un homme, la demanderesse a écrit à son avocate : « Je vous remercie pour ces observations faites au tribunal qui sont le reflet exact de ce que je vis ».
Des histoires comme ça, j’en aurais des dizaines à raconter, avec par exemple cette lectrice s’étonnant que je puisse « représenter l’expérience maternelle exactement comme si vous l’aviez vécue dans votre propre chair ».
Pareille aptitude à se figurer certaines expériences féminines n’est pas l’indice d’une tendance transgenre : des hommes aussi m’ont écrit pour me remercier d’avoir si bien décrit leur indignation devant la maltraitance obstétricale de leur Bien-Aimée. Et je suis également souvent sollicité de prêter ma voix à des demandeurs quand il s’agit, à leur place, de mettre des mots sur l’indicible. Avec, parfois, des réactions bouleversantes, comme celle de ce vieux soldat trop pudique qui n’avait rien osé dire de sa souffrance sexuelle le jour de l’expertise et qui, après avoir lu le dire que j’avais ensuite rédigé pour lui à destination de l’experte judiciaire, m’a adressé un e-mail qui ne comportait qu’un seul mot : « Merci »…
Ce dont on parle ici, c’est d’une disposition morale et intellectuelle qui, avec celle du désintéressement, correspond à l’un des maîtres mots de mon éthique : la compassion, c’est-à-dire la capacité de sentir, de souffrir avec (cum patere).
Et voilà soudain qu’un spécialiste auto-proclamé de « l’analyse critique » s’en prend à moi, à ma « profonde méconnaissance », à la vanité de mon « long CV », tout en vaticinant avec une lucidité irréelle sur le quotidien de mon activité professionnelle : je n’ai manifestement pas « rencontré » de Lyme chronique – c’est-à-dire si l’on s’en remet aux aveux de Perronne lui-même, pas rencontré de gens présentant « des syndromes sans une cause claire », pour lesquels on ne dispose pas « de référence fiable » : sûr que des gens qui envahissent l’espace de leurs plaintes somatiques continuelles quoique jamais objectivables, c’est d’une telle rareté par les temps qui courent que, forcément, je n’en ai jamais vu !… Bref et pour résumer, le gars-là n’a RIEN compris ni au débat , ni aux modalités de ma démonstration, il n’a évidemment pas lu (quitte à les réfuter de façon « critique ») les nombreuses références d’un texte qui comprend 54 notes de bas de page, il n’a RIEN perçu de l’inspiration éminemment « politique » de ma contribution [62], mais pour le reste, IL SAIT TOUT, même l’intime de ma vie : « Avez-vous déjà rencontré… ».
Le stade oral qui caractérise si bien les hypocondriaques de notre époque, c’est, disais-je, « l’incapacité de simplement concevoir l’existence – je ne parle pas de la dignité – d’un Autre ». À l’évidence, nous y sommes, car malgré le formalisme trompeur d’une correspondance épistolaire, à aucun moment ce gars-là n’est entré dans une dynamique d’échange avec autrui : il sait tout, n’entend rien, et tire à vue dès qu’il a l’impression qu’on n’est pas d’accord avec lui. La fausse question de savoir si j’ai déjà rencontré des malades chroniques de Lyme n’appelle en fait aucune réponse, exactement comme, dans des situations similaires, ces gens qui m’interpellent sévèrement pour me demander si j’ai déjà éprouvé l’intolérable de leur souffrance présumée : demande-t-on à un médecin d’avoir personnellement contracté toutes les maladies qu’il prétend soigner ?… On est là dans le fantasme victimaire typique : si vous n’êtes pas tout comme moi, vous n’avez d’autre droit que de vous taire.
L’objectif n’est donc pas pour mon interlocuteur d’investiguer vraiment sur mon expérience ou sur mes compétences : elle est juste de garder un monopole de la parole, en l’absence de la moindre aptitude personnelle à échanger avec un Autre – et quitte à détruire cet Autre dans tout ce qui le constitue : sa compétence, son expérience, son éthique… À aucun moment n’est posée la question du temps considérable que je peux consacrer à des problématiques où, jusqu’à preuve du contraire, je n’ai aucun intérêt personnel (au contraire…). Les gens comme ça sont comme les gamins de 18 mois hurlant pour couvrir la voix de l’adulte qui essaie de leur expliquer qu’on ne peut pas accéder à tous leurs désirs.
Voilà exactement « Narcisse contemporain » : un moi minuscule à force d’étriquement, mais qui envahit tout l’espace relationnel. On est bien là dans le meurtre symbolique
<p=”signature”>Par le Dr Marc Girard
NOTE
[1] N’en déplaise aux omniscients du Net qui n’ont jamais rien fait de tangible ou aux parlementaires douteux qui, faute de savoir lire ou compter, m’ont faussement accusé d’avoir prophétisé à tort des dizaines de milliers de victimes avec le vaccin anti-H1N1…[2] Ces accusations de Ch. Perronne ont également été détaillées dans une assez longue interview qu’il a donnée le 12/05/16, sur Pourquoi Docteur.
[3] Ce que ne comprennent décidément pas les antivaccinalistes.
[4] Ce n’est pas un hasard si les réformes de l’enseignement, au cours des dernières décennies, ont systématiquement visé à ruiner les conditions d’une culture générale minimum. Comme illustré jusqu’à la nausée par les 4 millions de couillons qui, en janvier 2015, ont défilé derrière une brochette de minables ou de dictateurs au nom de la « Liberté », le néocapitalisme a besoin, avant tout, de gens qui ne comprennent rien à rien faute de repères utiles, et dont les facultés d’émotion sont mobilisables en lieu et place de leur réflexion. L’attentat de Nice survenant le lendemain même du jour où j’ai écrit ces lignes, on peut prophétiser sans risque qu’avec la même capacité de réflexion critique, les citoyens affolés vont se rallier à une prolongation de l’état d’urgence – dont on a pourtant pu apprécier tout le bien-fondé depuis qu’il a été décrété par un président de la République qui consacre, en seuls frais de coiffeur (et aux frais de la collectivité), plus du double de ce qu’il avait fixé, lors de sa campagne présidentielle, comme le seuil d’une « richesse » justifiant toutes les brutalités fiscales…
[5] Les agents du « on » étant généralement les médias, qu’ils soient de droite, de gauche – ou du milieu…
[6] Qu’il a même présidé, avant de laisser la place à Daniel Floret – autre « expert » dont la crédibilité intellectuelle et déontologique est unanimement reconnue…
[7] D’un point de vue iconologique pas forcément inintéressant, on note que la photo – de parfait apparatchik – publiée en frontispice de sa notice biographique sur le site du HCSP tranche avec celles plus récentes, diffusées par la presse à l’occasion de la présente polémique, du brave huron un peu ahuri, exclusivement mû par sa dévotion au juste : dans le contraste entre les deux poses, le regretté Boorstin y eût sans doute reconnu le triomphe de l’image…
[8] Comme la plupart de ses confrères, l’ancien président du CTV ne semble pas avoir les idées très claires sur le développement pharmaceutique. C’est ainsi qu’au cours de son audition, il vitupère les « délires antivaccinaux » qui auraient conduit certains à soutenir que le vaccin anti-H1N1 « n’avait pas été étudié » : probablement parce qu’il l’ignore, il oublie d’inclure dans ces « antivaccinaux (…) incontrôlables » les experts de l’Agence européenne qui, dans leur notice de présentation dudit vaccin, reconnaissaient formellement qu’il n’avait pas fait l’objet d’un développement adéquat…
[9] Snif !
[10] À ma connaissance, le dernier en date à avoir plaidé la précarité économique des fabricants de vaccins était Didier Raoult, dans son fameux rapport de 2003 sur le bioterrorisme, dont ceux-ci ont fait si grand cas dans les affaires judiciaires où ils ont été attraits sans jamais succomber.
[11] Parlant de la grippe porcine, Perronne soutient, lors de son audition sénatoriale, que « même si la mortalité globale était assez faible, un taux d’attaque de 20% à 40% pouvait représenter beaucoup de décès parmi les jeunes ». Hormis qu’on ne voit pas pourquoi « parmi les jeunes » plus que parmi les autres, il est parfaitement exact qu’un pourcentage assez faible peut se traduire, à l’échelle des populations, par un nombre de conséquent de victimes (en effectifs absolus). Mais comme l’ensemble de ses collègues du CTV, Perronne oublie que cet impeccable raisonnement s’applique identiquement aux risques des vaccins et que même un vaccin avec une « excellente tolérance » – hi ! hi ! – peut se solder par un nombre de victimes d’autant plus élevé que l’exposition recommandée est, cette fois, de 100% (dans le cas d’une vaccination « universelle »), et pas de 20 à 40%…
[12] C’est une citation d’un conte de Grimm…
[13] Cohen D, Carter P. WHO and the pandemic flu “conspiracies”. BMJ. 2010 ;340 : c2912.
[14] D’où, une fois encore, un certain scepticisme quant à l’authenticité de compréhension des parlementaires relativement à des scandales où ils aiment à se poser en chevalier blanc.
[15] Perehudoff SK, Alves TL. The patient & consumer voice and pharmaceutical industry sponsorship. Health Action International (HAI) Europe, Paper series reference 01-2011.
[16] Feder HM, Jr., Johnson BJ, O’Connell S, Shapiro ED, Steere AC, Wormser GP, et al. A critical appraisal of “chronic Lyme disease”. N Engl J Med. 2007 Oct 4 ;357(14):1422-30.
[17] Certes, l’erreur est humaine, mais il y a des limites – notamment celle du rectificatif ou de l’erratum, pour ne point parler des questions de méthode : quand on ne sait pas raisonner sur un sujet donné, on est forcément suspect de ne pas le savoir non plus à n’importe quel autre sujet…
[18] Comme le savent tous les commissaires aux comptes, l’examen cohérence, décidément, est un formidable révélateur…
[19] Certes il y a eu, voici quelque temps, une scandaleuse pénurie de cet antibiotique : mais elle n’était pas limitée à la France et tenait à des raisons technico-réglementaires tout autres, dans un contexte où il devient de plus en plus difficile de soutenir que « les industriels sont des gens sérieux »…
[20] Soit dit en passant et n’en déplaise à tous ces praticiens prétendument « résistants » qui s’engraissent au détriment d’une assurance maladie ruineuse à force d’irresponsabilité, il n’y a rien de choquant, en soi, à ce que les organismes en charge du remboursement des soins de santé prétendent exercer un minimum de contrôle sur la nature et la justification de ces soins. Que les modalités de ce contrôle soient parfois défaillantes, voire exaspérantes, c’est bien possible : mais l’alternative (qui a longtemps prévalu dans notre pays) consistant à rembourser tout et n’importe quoi n’est pas la bonne, et je n’ai pas l’impression que les autres pays développés soient, à cet égard, plus généreux que notre Assurance maladie, au contraire…
[21] On retrouve exactement la même situation avec ces labos étrangers, généralement très chers, qui vous posent en un rien de temps un diagnostic d’intoxication aux métaux « lourds » : chacun a le droit de dépenser son argent comme il veut.
[22] Comme par hasard, les officines qui vendent des tests non validés commercialisent également des médicaments qui ne le sont pas davantage. Il faut un minimum de cohérence : on ne peut pas, simultanément, dénoncer les insuffisances de développement de Pandemrix ou de Gardasil, tout en applaudissant des deux mains devant des médicaments-miracles dont le développement a été encore plus nul (Votre Santé, n° 150, avril 2012 : p. 14)
[23] On peut tenir cet activisme gay comme très directement responsable de la procédure du fast track, à laquelle nous devons finalement des petites merveilles comme Gardasil – et celles qui viennent après, en nombre croissant…
[24] Auwaerter PG, Bakken JS, Dattwyler RJ, Dumler JS, Halperin JJ, McSweegan E, et al. Antiscience and ethical concerns associated with advocacy of Lyme disease. Lancet Infect Dis. 2011 Sep ;11(9):713-9.
[25] Ayant un peu roulé ma bosse dans le monde des médias, je n’exclus pas que le discours de Perronne ait pu être déformé par des journalistes qui n’en auraient pas saisi les nuances. Cependant : i/ on n’a pas la notion que l’intéressé ait fait beaucoup d’efforts pour faire rectifier les déclarations qui lui auraient été prêtées à tort ; ii/ ses propos directement enregistrés tels qu’ils ressortent de son interview sur Pourquoi Docteur ne font apparaître aucune discordance avec ceux qui lui sont prêtés après transcription dans la presse écrite ; iii/ personne ne l’oblige à aller chercher la caisse de résonance des journalistes s’il pense qu’on ne peut pas leur faire confiance.
[26] Les auteurs ne craignant pas de décrire comme des bandes de quasi-voyous les associations de patients qui, au soutien de ces idées, ne reculent devant aucune intimidation, allant parfois jusqu’aux menaces de mort. De façon plus politiquement correcte quoique convergente, le rapport du HCSP (2015) se contente de déplorer le manque de « professionnalisation » des associations que Perronne tient pourtant à imposer comme interlocuteurs obligés. Compte tenu de la déférence mielleuse habituellement témoignée par les autorités sanitaires aux associations même les plus catastrophiques, on n’ose imaginer ce qu’ont pu dire ou faire les activistes pro-Lyme pour mériter un dédain aussi peu dissimulé…
[27] Nombre de contemporains ayant des difficultés désormais majeures avec les grandes catégories de la logique (notamment celles de la négation et celle de l’exclusion), précisons quand même que la thèse du présent article n’est pas de nier qu’il puisse exister des manifestations chroniques d’une maladie de Lyme. Elle est simplement de soutenir que la démonstration des activistes actuellement médiatisés est intenable (notamment l’idée qu’en dehors de la France, il existerait un quasi consensus pour reconnaître l’existence et, plus encore, la prévalence de cette chronicité). Mais personne n’empêche quiconque de travailler sérieusement sur le sujet…
[28] Cette inutilité du traitement antibiotique prolongé est également soulignée par une autre revue de référence (The Medical Letter, 2016 ; 58 : 57-9) dont la crédibilité en matière de thérapeutique est indubitablement très au-dessus de L’Obs.
[29] Aenishaenslin C, Michel P, Ravel A, Gern L, Milord F, Waaub JP, et al. Factors associated with preventive behaviors regarding Lyme disease in Canada and Switzerland : a comparative study. BMC Public Health. 2015 ;15:185.
[30] Perronne Ch. Lyme disease antiscience. Lancet Infect. Dis 2012, 361-2.
[31] Anecdote édifiante : c’est là que j’ai vu le Patron entrer dans une chambre avec toute sa cour de chefs, d’internes, d’infirmières et d’externes, pour commencer à disserter sur « le cas » qu’il n’avait pas eu l’idée de saluer, jusqu’à ce que la surveillante lui fasse remarquer que « le cas » en question venait juste de mourir…
[32] Quand je m’occupais d’hypertension artérielle, les recommandations thérapeutiques étaient également séquentielles : on essayait divers médicaments à tour de rôle jusqu’à ce qu’on en trouve un qui marche et, si on n’y arrivait pas, on commençait à tester diverses associations pharmacologiques également à tour de rôle. Ça prenait évidemment un certain temps – ce qui n’était pas très grave pour une situation clinique qui relève rarement de l’urgence – et requérait un minimum de méthode. Puis j’ai rencontré un grand patron parisien qui exprimait hautement son mépris pour cette stratégie pourtant marquée au coin de la prudence, et qui recommandait de partir d’emblée sur des associations thérapeutiques : le traitement de l’hypertension étant en principe à vie, cela signifiait que l’on s’accommodait de faire ingurgiter à vie des médicaments qui avaient une bonne probabilité d’être inefficaces dans chaque cas particulier. Si j’en crois les ordonnances effarantes qui me tombent actuellement sous les yeux, j’ai l’impression que cette stratégie expéditive – et strictement irrationnelle – a largement prévalu sur l’ancienne prudence… Evidence-based medicine, vous disiez ?
[33] Un de mes tout premiers articles internationaux (que j’ai eu toutes les peines à publier car personne ne semblait comprendre ce dont je parlais : J Med Ethics 1988 ;14:25-30) était en fait un questionnement parti du constat suivant : pourquoi les médecins le plus chéris par leurs patients ont-ils tant de mal à établir des relations entre égaux, par exemple avec un conjoint ou avec leurs confrères ?
[34] Auwaerter PG. Point : antibiotic therapy is not the answer for patients with persisting symptoms attributable to lyme disease. Clin Infect Dis. 2007 Jul 15 ;45(2):143-8.
[35] Je n’ignore pas que, surtout dans un discours destiné aux profanes, une bonne anecdote vaut parfois mieux qu’une longue démonstration : mais à la condition que les preuves soient disponibles, et facilement mobilisables.
[36] Soit dit en passant, cette incapacité manifeste à gérer le dissensus sur un thème donné compte pour beaucoup dans le déni borné du CHSP, du CTP et de quelques autres à l’endroit des preuves pourtant accablantes dont on dispose concernant la toxicité neurologique des vaccins contre l’hépatite B.
[37] Lorsque, pour rentrer chez moi, je passe sur le pont de Saint-Cloud, je vois un énorme panneau, dont je ne suis pas parvenu à reconnaître l’origine, qui proclame : « Le cancer, ça ne devrait pas rimer avec enfance ». Ça veut dire quoi, cette profession de foi inepte ? Que si un enfant développe un cancer, c’est la faute à quelqu’un ? Et si c’est vrai (au moins parfois), quel est le programme de lutte contre les fauteurs de cancers ? Il est patent que telle n’est pas la pensée des commanditaires du panneau, et qu’il s’agit simplement d’exhorter les gens à donner de l’argent, tant on veut les entretenir dans l’illusion (qu’on vient de dénoncer) qu’il suffirait de dépenser plus pour progresser dans « la santé » voire, n’ayons peur de rien, dans l’immortalité… N’a-t-on pas vu récemment un grand fabricant d’huile s’attacher à convaincre les gens qu’en achetant deux bouteilles au lieu d’une, ils allaient offrir une contribution significative à la lutte contre la faim dans le monde !
[38] Par exemple, dans les deux articles du Lancet Infect Dis et du NEJM que j’ai cités plus haut.
[39] Ch. Lasch, Champs essais, 2006.
[40] En témoignent les chiffres de vente vertigineux de livres récents consacrés au fonctionnement intestinal, et qui ravalent les plus grands maîtres de la Littérature mondiale au rang d’amateurs anodins.
[41] Au cours d’un essai clinique international, j’ai vu un patient déclarer au titre des effets indésirables liés au traitement expérimental le fait que depuis son inclusion, il allait à la selle tous les matins à 6h15, au lieu de l’heure habituelle qui était 6h30 : l’observation a été dûment enregistrée sous le libellé « diarrhée »… La pharmacovigilance, vous dis-je…
[42] Qui remarque que, dans les innombrables reportages consacrés à ces désordres, neuf sur dix, au minimum, sont fournis par les mères ?
[43] C’est-à-dire de tout ce qui permet de réduire à néant celle du père. Sachant, quand même, qu’il ne suffit pas de posséder ce genre de truc fondamentalement mou et pas toujours prévisible qu’on appelle pompeusement « phallus » pour opérer efficacement comme tiers séparateur…
[44] C. Castoriadis, La montée de l’insignifiance, Le Seuil, 1996, p. 77.
[45] Depuis la mise en ligne du présent article (c’est-à-dire en moins d’une demi-journée), j’ai reçu plusieurs témoignages de gens du cru, adeptes des promenades en zone contaminée, et qui m’ont confirmé l’efficacité éprouvée de ces mesures préventives qui ne doivent pas grand-chose à la médecine…
[46] J’ai l’expérience de ces familles où l’on ne craint pas de solliciter de faux certificats pour épargner aux enfants les trois vaccinations obligatoires, quitte ensuite à les exposer à de monstrueux cocktails à l’occasion du premier voyage lointain offert par le comité d’entreprise…
[47] La référence est ici la progression freudienne en trois stades (oral/ anal/ génital), l’oralité correspondant à l’incapacité de simplement concevoir l’existence – je ne parle pas de la dignité – d’un Autre…
[48] Dans une affaire antérieure où j’avais moi-même appris par la presse ma désignation comme expert judiciaire à la suite d’un tel référé, la « victime » présumée avait réussi, depuis des mois, à médiatiser toutes ses prolongations d’arrêt de travail comme une reconnaissance médico-légale de son préjudice. Lorsqu’elle a reçu mon rapport (qui démontait soigneusement toutes ses allégations), elle s’est précipitée au commissariat de police en vue de « déposer plainte » contre moi…
[49] Michéa JC. Les mystères de la gauche, Climats, 2013.
[50] Riocreux I. La langue des médias. L’Artilleur ; 2016.
[51] À l’époque où j’avais une petite présence médiatique, je ne compte pas le nombre de gens qui m’ont approché pour que j’intrigue en vue de faciliter leur propre médiatisation : c’était évidemment hors de ma portée – moi qui, de ma retraite monacale, n’ai jamais accédé que comme à un devoir aux demandes des journalistes –, mais cela illustre ce que je suis en train de développer, à savoir qu’en France, l’accès aux médias est considéré comme un privilège qu’il faut s’attacher à conquérir pour soi.
[52] « Tout journaliste qui se distinguerait par une lecture anticonformiste du réel serait certain, s’il n’a pas encore intégré un grand média, de s’en voir à jamais interdire l’accès et s’il y exerce déjà, d’en être évincé pour ’dérapage’. Le monde des médias est avant tout celui de l’entre-soi idéologique » (I. Riocreux, ibid., p. 49.
[53] Dans le journal Sept Info (28/06, 05/07, 12/07) et sous la signature de Catherine Riva.
[54] Sept Info, déc. 2014.
[55] Pour être complet, il faudrait également parler des « petites mains » de la pige dont l’objectif principal est simplement de gagner de quoi bouffer : mais outre qu’ils ne sont pas armés pour résister aux pressions idéologiques explicites ou implicites, le milieu professionnel où ils évoluent, par sa nullité de fond, n’exerce aucune pression sélective sur la qualité, notamment en termes de rémunération.
[56] De mon temps, une telle « formation » était la base de l’enseignement scolaire, via notamment l’exercice de la dissertation.
[57] Dont témoigne une éloquente contradiction entre des citations incompréhensibles hors contexte et la fallacieuse précision de la date et de l’heure (le 10/07/2007 à 9h23 : ça change quoi au débat de fond si c’est à 9h24 ?) : n’en déplaise à l’ironie gratuite de mon contradicteur sur mon « CV », j’ai gardé de mon authentique formation en mathématiques une certaine circonspection à l’endroit de ceux qui confondent la précision des chiffres et celle de la démonstration. Autre indice de quérulence : l’implacable lucidité de mon contradicteur quant aux « motivations » de ses adversaires… J’avoue que, pour ma part, je n’ai aucune idée quant aux « motivations » de Perronne pour s’engager dans un débat aussi douteux que celui dont il est le héros médiatique.
[58] Je n’ai pas « dit » que les associations avaient mauvaise réputation au niveau international : je me suis contenté, sans prendre parti, de citer des sources qui le soutenaient, lesquelles ne se limitent pas à un article du NEJM, mais incluent le HCSP dont le maître à penser actuel de mon contradicteur est l’un des membres les plus éminents. Dans une contribution qui se veut accessible aux profanes, une bibliographie ne vaut pas par son volume, mais par sa pertinence. En l’espèce : i/ dans un débat centré sur la prétendue obtusion française opposée à une supposée unanimité étrangère, la citation américaine permettait – à elle seule – de réfuter que la thèse des activistes français fût admise partout ailleurs qu’en France, tandis que la citation française démontrait que les positions qui prévalent dans notre pays étaient bien plus nuancées que celles dénoncées par ces mêmes activistes ; ii/ la technique du référencement croisé, probablement ignorée par mon contradicteur pourtant « formé en analyse critique », permettait à tout lecteur intéressé de remonter progressivement aux sources du débat – pour se faire sa propre idée.
[59] Le troisième e-mail de mon contradicteur consiste surtout en des déclarations d’intérêts des auteurs que je cite, supposées démontrer leur servilité à l’égard des industriels. Outre, donc, qu’on peine à saisir la dynamique de cette servilité, je rappelle que mon article dénonçait, entre autres, la dissimulation de certains conflits d’intérêts chez les activistes français ou leurs supporters : on voit mal en quoi souligner que leurs adversaires ont – eux – satisfait à cette exigence contribue à réfuter mon point de vue.
[60] Que le lecteur intéressé par cette question s’amuse à dénombrer mes contributions sur « l’affaire » Mediator avant que je ne me décide à citer nommément Irène Frachon. Après vérification et malgré des dizaines d’allusions, je ne vois aucune mention nominale explicite avant le 21/06/14 pour des contributions qui ont commencé en… décembre 2010 : on a fait plus caractérisé dans la querelle de personnes, surtout sur Internet…
[61] Il arrive que quand une personne est, à elle seule, présentée comme caution d’une thèse (en raison de sa notoriété réelle ou présumée), il soit nécessaire de la viser nommément : mais c’est un mode polémique que j’évite autant qu’il est possible – ne serait-ce que parce que ça me révulse de contribuer à sa notoriété en la citant, même pour la critiquer.
[62] Cela ne l’a pas du tout interpelé que dans une contribution éminemment médicale, le mot « politique » apparaisse pas moins de 9 fois…
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” mais on fait quoi des études qui, dans leur majorité, attestent l’inutilité d’un tel traitement prolongé [34] “:
Comme dans tout votre gloubi-boulga pseudo-scientifique, c’est à peu prêt la seul référence d’une étude scientifique, je me suis permis d’aller la chercher : elle date de 2007 ce qui n’enlève rien à sa pertinence mais mérite une revue critique. Etrangement, vous ne citez pas cette même revue critique en Français peut-être parce qu’elle est issue de la personne que vous critiquez http://tinyurl.com/peronne
Peut-être y trouverez vous des explication scientifique qui expliquent les limites de vos connaissances pour approcher de la modestie nécessaire quand on sort de son domaine (vous n’y connaissez rien dites vous).