Pour démontrer si nécessaire combien nos comportements peuvent être bio-logiques (en deux mots), j’ai choisi cette fois de vous parler du mensonge, une démarche que l’on peut trouver parfaitement détestable. Et pourtant, mentir est une stratégie de survie parfaitement naturelle et fort utile dans certains cas pour échapper au danger.
Nécessité vitale
En effet, le mensonge est une invention de Mère Nature absolument remarquable qui, depuis la nuit des temps, a déjà sauvé la vie à des milliards de milliards d’individus ! Cette stratégie consistant à mystifier la réalité peut, par exemple, permettre à une souris de sauver sa peau en simulant la mort afin que le chat qui l’aura attrapée ne cherche plus à la tuer. Ou encore à une oiselle d’essayer de sauver sa nichée en simulant une blessure à l’aile afin que le prédateur s’intéresse plutôt à elle et qu’ainsi il s’éloigne du nid. Sans oublier tous ces animaux de la création adeptes du mimétisme qui, grâce à leurs couleurs ou à leur forme, peuvent se rendre invisibles pour, autant que possible, échapper à leurs prédateurs : eux aussi sont de merveilleux menteurs. Et que dire des chats qui hérissent leurs poils afin de paraître plus gros qu’ils ne sont ; ou des diodontidea (une espèce de poisson) qui se gonflent d’eau jusqu’à tripler de volume ; ou encore des moutons qui s’organisent en une masse compacte pour faire croire qu’ils sont un gros animal ? Que dire de ces animaux sinon qu’ils sont de fieffés menteurs. Pour bien des créatures vivantes, mentir est une nécessité absolument vitale car la mystification de la vérité pour passer inaperçu ou dissuader le prédateur est pour beaucoup d’animaux leur seule chance de survie. Et bien sûr, il en va de même chez l’Humain qui, lui aussi, est bien souvent obligé d’inventer de petits ou gros mensonges en solution parfaite pour s’éviter de plus ou moins graves ennuis, et parfois même la mort dans des cas extrêmes.
Peur de la sanction
Car il ne faut jamais oublier que notre cerveau considère toujours l’éventualité d’une sanction en termes de rejet ou de violence comme potentiellement mortelle, et qu’il nous manipule en permanence très habilement pour que nous l’évitions, en nous invitant par exemple au mensonge entre autres stratégies.
En règle générale, le fait de mentir sous-entend d’abord et surtout que nous avons peur, que nous nous sentons en danger d’une manière ou d’une autre. Et cela démontre aussi que nous sommes parfaitement normaux et idéalement intelligents. Car, finalement, il faut être franchement stupide pour dire la vérité lorsqu’on sait par avance que cela nous vaudra une sanction : cela frise le masochisme. Nous sommes certainement les créatures les plus menteuses de tout l’univers : il nous arrive même de nous mentir à nous-mêmes ! Nous mentons tout le temps, le plus souvent pour ne pas déplaire à l’autre et éviter sa sanction ou son désamour. Mais nous mentons aussi très fréquemment pour ne pas nous sentir coupables de faire de la peine à l’autre. Et il nous arrive même parfois de mentir pour nous mettre en valeur et donc pour séduire l’autre.
Signe de santé psychique
Quant aux personnes à qui l’on ment, elles doivent comprendre qu’au fond des choses, on les considère donc – à tort ou à raison – comme potentiellement dangereuses. Nous pensons – à tort ou à raison – qu’elles ne sont pas capables d’accueillir la vérité et qu’elles nous sanctionneront, d’une manière ou d’une autre. En tout cas, réjouissez-vous si vos enfants vous mentent : cela démontre finalement combien ils sont en bonne santé psychique. Et si vous voulez vraiment qu’ils puissent vous dire toute la vérité, et rien que la vérité, alors engagez-vous tout simplement à ne pas les sanctionner, quelle que soit la vérité. Pour ce qui est des personnes qui s’interdisent de mentir, c’est le plus souvent leur peur anticipatoire de la culpabilité – et donc de la sanction – qui les en empêche : la sanction de Dieu pour les croyants puisque le Seigneur est omniscient ; ou celle de l’autre dans le cas où leur mensonge serait mis à jour. Mais il n’est évidemment pas dans mon intention de faire l’apologie du mensonge, d’autant qu’il peut effectivement avoir de graves conséquences. Je veux juste souligner combien il est bio-logique (en deux mots) et parfois salutaire. Et pour celles ou ceux qui ont le mensonge en horreur, j’ai juste envie de leur raconter une très belle histoire : durant la Deuxième Guerre Mondiale, dans un petit village de Normandie, une femme mariée «récupère» un petit garçon juif en perdition. Et elle mentira pour le sauver : avec la complicité de son mari, elle prétendra que l’enfant est le sien et qu’il est le fruit d’une liaison extraconjugale. Cela lui vaudra bien sûr l’opprobre de sa famille et de sa communauté. L’enfant retrouvera ses parents après la fin de la guerre et cette femme sera reconnue comme «Juste parmi les Nations».`
Laurent Daillie