La presse française s’est montrée digne de sa réputation en restant majoritairement [1] muette relativement à la parution, fin mars, de deux importantes études finlandaises [2] confirmant une élévation considérable (de 13 à 17) du risque de narcolepsie chez l’enfant après vaccination contre la grippe porcine : en tapant “narcolepsie”, on n’obtient strictement aucune réponse dans les pages françaises de Google Actualités (ce qui n’est évidemment pas le cas si on se reporte, par exemple, aux pages américaines).Petit inventaire – certainement pas exhaustif – de tous ceux qui devraient avoir du mal à se regarder dans la glace ces jours prochains…
On pense d’abord et bien entendu aux responsables de l’AFSSAPS – avant et après Médiator – qui, après avoir cherché à dissimuler, puis à minimiser le fait, se sont réfugiés dans la promesse d’une “analyse approfondie” qui faisait déjà rire à l’époque, et dont le caractère grossièrement mensonger apparaît encore plus clairement aujourd’hui – par contraste : une analyse “approfondie”, c’est faire ce qu’ont fait les Finlandais, à savoir considérer que “la pharmacovigilance” dont les abrutis (inspirateurs de “la réforme”, en particulier) nous rebattent les oreilles n’est qu’une plaisanterie lorsqu’elle s’en tient, comme c’est presque systématiquement le cas chez nous, aux notifications spontanées sans prendre les moyens d’études épidémiologiques adéquates [3] permettant de quantifier le risque et de préciser autant que faire se peut les caractéristiques (génétiques, en particulier) des sujets atteints [4].
Dans cette débauche de nullité où il est impossible de faire la part entre l’incompétence et la mauvaise foi et malgré ma répugnance assumée pour les conflits de personnes, on me permettra une mention toute spéciale pour l’ancienne responsable de notre pharmacovigilance officielle qui n’a pas craint d’imputer la différence de traitement du problème narcolepsique entre les pays nordiques et le nôtre au fait que “en France, la pharmacovigilance joue un rôle très important” (L’Express, 28/08/10) : puisse-t-elle jouer un rôle moins “important”, mais plus utile…
On pense ensuite aux meilleurs-experts qui ont eu l’aplomb d’affirmer publiquement que les pays nordiques qui avaient lancé l’alerte s’étaient ensuite “rétractés” (Le Parisien.fr, 23/09/10) : si se rétracter, c’est mettre en oeuvre un plan d’investigation – et d’indemnisation [5] – décents, on regrette que les autorités françaises ne se rétractent pas plus souvent.
Pensée pour ces autres meilleurs-experts, plus ou moins au clair avec leurs liens d’intérêts, et qui n’ont pas rechigné à aller jusqu’en Chine pour démontrer, via une étude [6] fondée sur le souvenir des patients, que le risque narcolepsique était bien davantage en relation avec la grippe elle-même qu’avec la vaccination censée en protéger [7].
Dans la même ligne de pensée, on en garde une petite pour la presse à la botte qui a constamment tout fait pour nier l’évidence – en s’en tenant au mieux au discours exagérément minimaliste et cyniquement procrastinatoire des autorités françaises, sans le moindre souci d’enquête ou de contradictoire : on me dispensera de citer des titres en regard du fait que je serais bien en peine de mentionner, à l’inverse, ceux des médias qui se sont attachés à une investigation tant soit peu approfondie du problème posé par cette complication iatrogène pourtant grave.
Pensée ironique, également, pour les parangons de la nouvelle expertise durable (et pour leurs soutiens tant professionnels que politiques) qui, voici encore peu, croyaient bon de pontifier “sur un plan pédagogique” [8] à propos de la distinction entre “association” et “lien de causalité”, bref de s’abriter avec tous les couillons (Parlementaires au premier rang) derrière l’éternel argument qui permet de maintenir le statu quo tout en brandissant l’étendard d’une pharmacovigilance présentée – “pédagogie” oblige – comme la justification “scientifique” de l’inertie malgré l’accumulation des preuves [9]. Car faire de la pharmacovigilance, c’est justement prendre les moyens effectifs pour préciser à partir de quel moment une “association” devient indicateur d’un “lien de causalité” : c’est-à-dire prendre exemple sur ce qu’ont fait les Finlandais en l’espèce, à savoir mettre en place des études de bonne qualité au lieu de se complaire dans les communiqués de presse minimalistes et d’aller plastronner devant les Commissions d’enquête (ou devant les instances professionnelles de la “nouvelle expertise durable”). Redoublement de pensée ironique au souvenir de la facilité avec laquelle ces mêmes intégristes de la causalité se sont fait l’écho trop complaisant de la ridicule étude chinoise sus-citée qui faisait de la grippe elle-même la cause la plus probable des narcolepsies observées après la “pandémie” [10].
Pensée profondément méprisante, enfin, pour les Parlementaires bornés ou vicieux abonnés aux (com)missions d’enquête et qui – après une petite pause Médiator histoire de laisser aux foules le temps d’avaler la pilule – n’ont rien trouvé de mieux à tirer du précédent pourtant caricatural de la “pandémie” porcine [11] que la recommandation d’élargir les obligations vaccinales !!!
A cet égard, une petite estimation numérique permettra de mieux apprécier la dangereuse fourberie des promoteurs de la “réforme” du médicament. L’une des deux études finlandaises estime à 1/16000 le risque de narcolepsie vaccinale chez l’enfant (moins de 17 ans). En transposant au schéma d’une vaccination “obligatoire” initialement envisagé par les autorités françaises, on partait pour environ 800 narcolepsies chez les enfants bien de chez nous : sur l’espoir – incertain (compte tenu des doutes légitimes qu’on peut entretenir quant à l’efficacité dudit vaccin) – de les protéger d’une grippe qui a fait une petite trentaine de décès dans les tranches d’âge pédiatriques [12].
Et on ne parle que du risque de narcolepsie…
Merci Gérard…
Dr Marc Girard
[1] P. Benkimoun me signale que Le Monde a rendu compte de l’information : dont acte. [2] Partinen, M., O. et al. (2012). “Increased Incidence and Clinical Picture of Childhood Narcolepsy following the 2009 H1N1 Pandemic Vaccination Campaign in Finland.” PLoS ONE 7(3) : e33723. Nohynek, H., J. et al. (2012). “AS03 Adjuvanted AH1N1 Vaccine Associated with an Abrupt Increase in the Incidence of Childhood Narcolepsy in Finland.” PLoS ONE 7(3) : e33536. [3] C’est-à-dire, entre autres : pas celles de la CNAM… [4] Rappelons à titre d’exemple parmi bien d’autres qu’au contraire de ce qu’ont fait presque instantanément les Finlandais avec les narcolepsies post-vaccinales, on attend toujours, près de 20 ans après, le moindre typage HLA décent des sujets ayant présenté des complications après vaccination contre l’hépatite B. [5] Cerise sur le gâteau : les autorités finlandaises, loin de chauffer à blanc leurs hauts magistrats pour leur remontrer qu’ils déclencheraient un drame de santé publique sans précédent en faisant droit aux demandes des victimes, ont très rapidement annoncé leur intention d’indemnisation (AFP, 05/10/11). [6] Han, F., L. Lin, et al. (2011). “Narcolepsy onset is seasonal and increased following the 2009 H1N1 pandemic in china.” Annals of Neurology 70(3) : 410-417. [7] On a également souvent entendu ça avec les Guillain-Barré… [8] Qu’est-ce que ça va être bon quand “la nouvelle expertise durable” va sortir de “la pédagogie” (qui rime avec “démagogie”) et prendre le virage de la science ! [9] Au mépris, cela va de soi, du principe pourtant révolutionnaire que désormais, “le doute devrait profiter au patient” – exigence a priori qu’on eût pu croire renforcée en pareille espèce qui concerne non des “patients”, mais des sujets en parfaite santé qu’on prétendait protéger d’une maladie somme toute bénigne et chez lesquels, par conséquent, on aurait pu mettre encore plus haut la barre de la prudence – voire de la précaution… [10] BIP31.fr 2011, 18 (4), page – 43. [11] Joint au souci tristement actuel d’une inquiétante perturbation de l’épidémiologie rougeoleuse évidemment imputable à une promotion vaccinale irresponsable. [12] Et en rappelant qu’il s’agit là d’estimations par excès, les autorités sanitaires – on s’en souvient – n’ayant pas été très regardantes sur la distinction entre “association” et “causalité” quand il s’est agi, cette fois, d’imputer des décès à la grippe… Et en gardant de toute façon à l’esprit que la plupart des victimes de cette grippe souffraient de pathologies préexistantes…Dr Marc Girard