Tout le monde peut voir au printemps des buissons élégants se couvrir de roses miniatures.
Pour être plus semblables encore aux rosiers cultivés, leurs rameaux gracieusement courbés sont armés de redoutables aiguillons crochus. Mais c’est l’automne venu que l’arbrisseau nous est le plus utile. L’églantier se pare alors de petites boules d’un splendide rouge vif, nées des roses printanières. Elles persistent sur les rameaux alors que tombent les feuilles et y passeraient bien l’hiver si les oiseaux – ou certains humains – n’en faisaient leurs délices. Ces curieux fruits rouges sont les cynorrhodons. Ce terme d’origine grecque signifie « rosier de chien ». Son étymologie est assez incertaine : on raconte que les racines de l’églantier guériraient de la rage… Dans nos campagnes, on utilise volontiers un autre terme, moins savant et plus cru, mais qui a l’avantage d’être concret et facile à retenir : les cynorrhodons, ce sont les « gratte-culs », ainsi nommés parce qu’ils contiennent de petits noyaux durs entourés de courts poils raides formant, quand on les glisse dans le dos d’un camarade de classe un « poil-à-gratter » redoutable. Avec les gelées, les cynorrhodons se ramollissent et deviennent crémeux. On peut alors goûter leur délicieuse pulpe acidulée en les pressant délicatement entre deux doigts : un ruban de pâte orangée en jaillit comme d’un tube de sauce tomate. On le déguste tel quel. S’ils ont été ramassés avant les gelées, lorsqu’ils sont encore durs, il faut faire cuire les cynorrhodons dans un peu d’eau pour les ramollir puis les mixer et les passer à travers une passoire. La purée obtenue se mange telle quelle, légèrement sucrée au miel, ou mélangée à du yaourt. Elle sert classiquement à préparer des confitures et des sirops. Quant aux Suédois, ils se délectent depuis des siècles de soupe de cynorrhodons. D’autres recettes originales sont envisageables, par exemple des chutneys. La plus étonnante est sans doute la « sauce tomate » de cynorrhodon, dont la saveur ressemble à s’y méprendre à celle du légume-fruit bien connu : plus d’un s’y laissera prendre. Essayez-la avec des pâtes bien sûr, mais n’hésitez pas à en préparer de remarquables pizzas, que ne renieraient pas les Italiens. Les cynorrhodons sont très riches en vitamine C. Suivant les espèces, leur teneur en cette indispensable vitamine peut aller de 500 à 5000 mg par 100 g, ce qui représente de 10 à 100 fois plus que les agrumes. Il n’est pas faux de dire qu’un cynorrhodon contient autant de vitamine C qu’un citron !
François Couplan
Soupe aux cynorrhodons
Ingrédients :
400 g de cynorrhodons mous, 1 l de lait de riz, 100 g de sirop d’agave
• Passez les cynorrhodons au moulin à légumes pour éliminer les peaux, les grains et le « poil-à-gratter ». Il est préférable de les passer d’abord sur une grille à gros trous, puis de les passer de nouveau sur une grille très fine.
• Délayez avec le lait de riz et édulcorez à votre goût avec le sirop d’agave.
Cette « soupe » se déguste au choix au début ou à la fin du repas
Ethnobotaniste et auteur prolifique, François Couplan a publié 55 ouvrages différents sur les plantes sauvages comestibles, la cuisine sauvage, la nature et d’autres aspects liés aux relations entre l’homme et les végétaux. Il anime des conférences et des stages dans toute la francophonie. Infos : www.couplan.com