Chanceux citoyens français : en la personne de Benoît Hamon, candidat-surprise au deuxième tour des primaires de la gauche, ils possèdent un potentiel futur président qui ose porter le projet d’offrir à chacun un « revenu universel d’existence ». Enfin un homme politique de premier plan qui a l’audace de proposer cette réforme consistant à octroyer une rente mensuelle à l’ensemble de la population adulte, et ce de manière inconditionnelle et individuelle. Pour le rival de Manuel Valls, la somme offerte sans contrepartie à tous les habitants de France pourrait s’élever à 750 € par mois. De quoi déjà dormir sous un toit et manger à sa faim. Et chacun(e) serait libre ensuite de compléter ce viatique par un travail rémunérateur, le marché de l’emploi étant lui-même dopé par la viabilité des petits boulots et la moindre attractivité des indemnités de chômage du fait de l’existence du revenu de base. Un rêve irréaliste ? Une utopie impayable ? Cette idée est au contraire considérée comme parfaitement réalisable par de nombreux économistes. A l’instar des congés payés et de la semaine de 40 heures au siècle dernier, il suffirait seulement de volonté politique pour la mettre en œuvre. En Belgique aussi, le thème de l’allocation universelle revient sur le devant de la scène. Bien que ses adversaires de droite la qualifient de lubie marxiste récompensant l’oisiveté et que ses détracteurs de gauche la voient comme une menace fatale pour la sécurité sociale, il se trouve des politiciens de tous bords pour en défendre le principe.
Personnellement, j’ai toujours été un chaud partisan du revenu universel. Il y a 40 ans, lorsque j’ai modestement contribué à fonder ce qui allait devenir le parti écologiste belge, je me rappelle que ce point figurait en bonne place du programme des Verts. Comme ceux-ci ont progressivement rougi et qu’ils ont relégué la revendication au second plan, j’ai voté plus tard pour une formation libérale qui en avait fait son cheval de bataille. Tout dépend évidemment de son application, mais à mes yeux le revenu d’existence transcende le clivage gauche/droite et ne présente que des avantages. Il permettrait, entre autres, de simplifier drastiquement l’État-Providence et d’en supprimer l’embonpoint bureaucratique. Il valoriserait, aussi, toute une série d’activités aujourd’hui bénévoles comme l’éducation des enfants, le travail ménager ou le jardinage. Je ne vais pas exposer ici tous les bienfaits sociaux et sociétaux qu’une telle réforme pourrait à mon avis procurer. Mais il en est un qui me tient à cœur, qui n’est jamais cité, et qui est à mon sens primordial : son impact très certainement positif pour la santé ! Bien conçu, le système pourrait par exemple favoriser l’allongement des congés de grossesse et le temps d’allaitement, ce qui bénéficierait immanquablement aux mères et aux enfants. Dans le Néosanté de février, on va notamment vous parler d’une étude qui a évalué les bénéfices de la « méthode kangourou », autrement dit le contact prolongé de peau à peau entre les mamans et les bébés. Non seulement ces derniers sont en meilleur santé, mais le résultat est encore perceptible 20 ans plus tard sous forme d’une meilleur équilibre psychologique : les jeunes gens ayant bénéficié de la méthode kangourou sont moins exposés au risque d’hyperactivité, sont moins enclins à avoir des comportements agressifs ou à commettre des incivilités, et ils ont un taux d’absentéisme scolaire réduit de moitié par rapport au groupe témoin !
Si elle peut contribuer à humaniser la naissance et la période périnatale, la rente mensuelle pourrait surtout permettre de satisfaire deux grands besoins de l’être humain : le besoin de sécurité et le besoin d’être reconnu inconditionnellement. Dans nos pays industrialisés, tous les types de revenus sont toujours conditionnés. Même le minimum vital n’est accordé que moyennant le respect de telle ou telle condition, comme la recherche d’un travail. Et aucune allocation de remplacement n’est strictement individuelle. Ce modèle de fonctionnement est à la fois très violent et excessivement stressant puisqu’il implique que vous n’avez pas le droit de survivre si, par malheur, vous passez entre les mailles de la sécu. Et si elle vous repêche, vous n’êtes jamais qu’en sursis puisqu’elle peut vous couper les vivres. Comme je l’ai relevé dans une précédente infolettre, un tel système est aberrant car la perte d’un emploi est dès lors souvent ressentie comme un événement tragique, un véritable drame. Selon certains chercheurs, le chômage subi et subit provoquerait pas moins de 20.000 décès prématurés en France, par maladie ou par suicide. La perte d’un job occasionne des blessures psycho-émotionnelles dont on ne mesure pas suffisamment la gravité. Le grand mérite de l’allocation universelle, c’est qu’elle ne se conjugue pas au conditionnel. Le simple fait d’être né et de respirer vous donnerait droit au revenu de base. Son caractère automatique représente son côté révolutionnaire sur le plan social comme sur le plan sanitaire. En donnant à tout individu les moyens de subvenir à ses besoins vitaux (nourriture et logement) sans rien devoir justifier, la société n’éliminerait pas la précarité mais combattrait le corollaire de la pauvreté absolue, à savoir la peur de manquer de l’essentiel.
La réalité et la haute toxicité de cette peur archaïque est une des grandes découvertes du Dr Ryke Geerd Hamer. En établissant les correspondances entre le corps et les différentes aires du cerveau, le médecin allemand a compris que la somatisation de la détresse psychique ne se produisait pas au hasard ni n’importe où. Il a notamment montré que le foie était un organe particulièrement sensible aux difficultés financières. Pour secourir ses patients atteints de pathologies hépatiques, il avait même le reflexe de sortir son portefeuille et de proposer une aide pécuniaire immédiate. Pourquoi ? Parce que le foie, biologiquement parlant, est une réserve de graisse. Dans la nature, le sur-fonctionnement du foie est la solution biologique des situations de disette. Par exemple, un oiseau migrateur va se fabriquer une stéatose, autrement dit un foie gras, pour parcourir de longues distances sans manger. Si la famine se prolonge, un animal pourra développer une cirrhose sans avoir bu une goutte d’alcool. Chez l’être humain, les problèmes financiers réveillent inconsciemment cette solution de survie puisqu’il faut du fric pour se procurer à manger. La peur de manquer d’argent réactive la peur primitive de mourir de faim. Cette peur du manque, réel ou virtuel, est donc l’invariant psychosomatique des troubles hépatiques. La preuve, c’est que le cancer du foie est beaucoup plus répandu dans le tiers-monde que dans les pays riches ! Chez nous, le carcinome hépatocellulaire représente 1% de tous les diagnostics cancéreux. Cette proportion grimpe à 50% en Afrique et dans certaines parties de l’Asie. Contrairement à ce qu’on croit souvent, tous les types de cancers ne sont donc pas plus fréquents au Nord : il en est un qui sévit bien davantage dans l’hémisphère Sud. Bien sûr, la médecine conventionnelle explique tout autrement cette exception étrange. Les hépatites étant également un fléau ravageant le tiers-monde et celles-ci faisant le lit de la cancérisation, il est logique que les 750.000 victimes annuelles du cancer du foie se dénombrent très majoritairement dans les pays pauvres. Le principal coupable serait donc l’agent viral profitant du manque d’hygiène pour accomplir ses méfaits pathogènes. Chez nous, l’imprégnation alcoolique serait la grande responsable des évolutions cyrrhotiques et cancéreuses.
L’explication est cependant un peu courte. Comme toujours avec la médecine classique, on fait porter le chapeau aux facteurs de risque, on confond le pompier infectieux avec un pyromane et on néglige les causes profondes. Les éléments dérangeants sont prestement dissimulés sous le tapis. Qu’est-ce qui peut expliquer, par exemple, que le cancer du foie, partout dans le monde, frappe beaucoup plus les hommes que les femmes (80% des cas sont masculins) ? Comment se fait-il que ce cancer progresse régulièrement en Occident, de 3 à 4% par an, depuis les années 70 ? D’où vient que, comparativement, un pays comme l’Inde soit sensiblement moins touché que d’autres pays asiatiques, et beaucoup moins que la plupart des pays africains ? Et en Europe, qui peut éclairer le fait que la tumeur au foie soit dix fois plus fréquente en Italie qu’aux Pays-Bas ? Avec un regard psychobiologique, on peut fournir des réponses satisfaisantes à ces différentes énigmes. La vulnérabilité du « sexe fort » n’est plus mystérieuse si l’on se rappelle que le mâle, dans la plupart des espèces animales et dans la plupart des cultures humaines, assume le rôle de pourvoyeur de nourriture. L’homme est naturellement plus enclin à éprouver en premier la peur de manquer. La progression occidentale des cancers hépatiques ? On pourrait à mon avis tracer des courbes montrant le parallélisme avec les crises économiques et l’expansion du chômage. L’Inde épargnée ? C’est un pays où règne encore la malnutrition mais où les épisodes de grande famine font partie du passé. Au pays des yogis ascètes, les privations suscitent peut-être aussi moins d’épouvante qu’ailleurs. Quant au « miracle hollandais », il peut se comprendre par la grande forme de l’économie batave et le niveau très élevé de protection sociale. J’ai un ami chômeur de longue durée à Amsterdam et il n’est près de dormir sous les ponts. Bref, les lunettes de la médecine nouvelle permettent de corriger la myopie allopathique sur les pathologies du foie. Cet organe entre en souffrance lorsque la perspective de mourir d’inanition devient concevable pour le cerveau inconscient. Évidemment, le fait que les personnes les plus précarisées soient également enclines à se réfugier dans l’alcool, les drogues et les médicaments n’arrangent rien à l’affaire.
A contrario, je suis convaincu que l’instauration du revenu d’existence serait une aide précieuse pour les individus fragilisés. J’en suis d’autant plus persuadé que la tradition hippocratique, tout comme la médecine traditionnelle chinoise, accorde au foie une importance prépondérante. De la vitalité de cet émonctoire dépend largement le bien-être global. Mais il n’y a pas que les cellules hépatiques qui pourraient bénéficier de l’octroi d’un minimum vital. Je pense notamment aux tissus osseux, dont la santé est très vulnérable au ressenti de dévalorisation. Le fait d’être payé sans devoir travailler augmenterait certainement le sentiment d’avoir de la valeur en dehors des rapports marchands. Et vu qu’il y a encore d’autres façons de ressentir positivement la sécurité financière, je pense que beaucoup d’autres maladies pourraient régresser et se raréfier grâce à la réception mensuelle d’un « salaire » inconditionnel. Plus que sociale, cette décision politique serait, je crois, une grande mesure de santé publique ! Il serait très intéressant que les Finlandais, qui vont tester la formule à petite échelle, en évaluent dans quelques années les retombées sanitaires. Je prends le pari qu’elles seront surprenantes ! Ceci dit, chers lecteurs français, ne comptez pas sur moi pour m’immiscer dans le débat et m’autoriser des conseils de vote. Je n’ai pas lu les programmes de tous les acteurs en course pour la présidentielle. Mais vous savez au moins ce que je pense de la proposition-phare de Benoit Hamon. Elle contient en germe une révolution de la santé.
Yves Rasir