Pour compléter mon propos au sujet des compulsions en général, je consacre cette page aux troubles obsessionnels compulsifs (T.O.C.). En résumé et peu importe le nom qu’on lui donne – compulsion, addiction, dépendance, assuétude, obsession ou monde refuge – ce phénomène est toujours orchestré en dehors de notre contrôle (i.e. par notre ‘cerveau’) pour nous aider à gérer notre stress. Même si certaines peuvent nuire gravement à la santé ou être très handicapantes, l’intentionnalité ‘bio-logique’ d’une compulsion est toujours positive au départ. Et à mon humble avis, il en va de même pour les T.O.C.
Définition
Le trouble obsessionnel compulsif est défini comme une dynamique anxieuse génératrice d’angoisse, caractérisée par des pensées intrusives et récurrentes liées ou non à une phobie et aussi par des gestes et/ou des actions répétés de façon ritualisée et envahissante. Ce trouble est reconnu comme irrationnel par la personne et peut mener jusqu’à sa mise en danger, voire au suicide. Le symptôme peut s’exprimer de façon variable et multiple : obsessions hygiéniques, sécuritaires ou sexuelles ; superstitions, etc. Mais la logique du symptôme est toujours la même de mon point de vue : ces gestes et ces actions rituels ont pour utilité ‘bio-logique’ de faire baisser le niveau de stress. Reste à savoir lequel.
L’histoire de Myriam
Pour tenter de comprendre cette logique, je vous propose de ‘décortiquer’ l’histoire de Myriam. C’est une charmante jeune fille de 13 ans au moment où je la reçois pour cause de troubles obsessionnels compulsifs sévères. Dans son cas, ce sont des obsessions sécuritaires et superstitieuses qui lui ont épouvantablement ‘pourri’ la vie (et celle de sa famille) pendant presque trois ans, au point de la bloquer dans son évolution et sa vie sociale. Par bonheur, nous sommes manifestement parvenus à dénouer quelques nœuds puisqu’elle évalue l’amélioration de son état à 80%.
Son calvaire débute à l’été 2007 et augmente crescendo jusqu’à notre rencontre. Cela commence par une obsession sécuritaire : Myriam se met à vérifier et revérifier la bonne fermeture de la porte du garage ; puis de façon de plus en plus obsessionnelle et ritualisée, de la porte d’entrée, des fenêtres, etc. Ensuite s’instaure un rituel autour des traces ADN qu’elle pourrait laisser dans la salle de bain (cheveux et autres). Tout cela finira par occuper l’essentiel de ses soirées, en sachant qu’elle doit reprendre l’ensemble du rituel à zéro si par exemple on ouvre une fenêtre ou si on entre dans la salle de bains après ses vérifications.
Elle est aussi confrontée à une obsession superstitieuse numérologique de plus en plus oppressante qu’elle doit ‘conjurer’ par des rituels digitaux d’une complexité inouïe, et cela des dizaines de fois par jour. Par exemple : si un chiffre quelconque se présente à elle, ce chiffre correspondant à ceci ou cela, elle doit immédiatement ‘conjurer le sort’ par un rituel digital très précis. J’avoue avoir été très ému lorsque Myriam m’a expliqué tout cela : un véritable calvaire.
L’origine du symptôme
Mais que lui est-il donc arrivé ? Il se trouve que Myriam est une victime ‘collatérale’ d’une très grosse affaire d’escroquerie immobilière (il est question de centaines de millions d’euros), ses parents figurant parmi les quelque deux mille personnes qui se sont fait avoir. L’histoire commence en Avril 2007, lorsque les parents de Myriam signent des documents qui les engagent pour une somme importante dans un système d’investissement immobilier. Mais à peine quelques secondes après avoir signé, son père sent confusément qu’ils ont commis une erreur : dès lors il s’installe dans une profonde inquiétude qui ne le quittera plus. Alors que cet homme est jusque là un père paisible, il devient insomniaque du jour au lendemain et consacre l’essentiel de ses nuits à chercher partout sur internet des informations sur la société en question, ses dirigeants, les investissements immobiliers en général, etc. Il ne trouvera rien pendant dix-huit mois, jusqu’à ce qu’il tombe finalement sur le site d’une association de victimes de cette arnaque : c’est ainsi qu’il découvre le pot aux roses.
La logique du symptôme
Myriam m’a dit avoir rapidement senti que quelque chose n’allait pas, son père n’étant plus le même. C’est cela, la profonde inquiétude de cet homme qui est la cause de ce T.O.C. Mais le point essentiel réside dans le fait que l’enfant ne sait rien de ce qui se passe vraiment, d’abord parce que l’escroquerie ne sera révélée que dix-huit mois plus tard et aussi parce qu’on ne parle pas de ces choses à une petite fille de 10 ans. On ne lui expliquera la gravité de la situation que beaucoup plus tard.
De ce fait, Myriam se met à avoir de plus en plus peur sans vraiment le savoir, et d’autant plus que rien n’est perceptible dans le quotidien de cette famille, mis à part le changement d’attitude du père. Du fait de son hypersensibilité naturelle, son niveau de stress atteindra rapidement des sommets et son cerveau interviendra à sa façon pour aider la petite. Le plus remarquable est la cohérence entre la dynamique du père et le T.O.C. sécuritaire de la fille : tous deux cherchent partout le danger.
Quant à l’obsession superstitieuse de Myriam, elle est induite par des vacances qu’elle passe à cette époque chez une cousine archifana d’Harry Potter et d’autres contes fantastiques. Ce qu’elle entendra à cette occasion l’impressionnera beaucoup, cela se surajoutant au fait qu’elle est déjà fragilisée. À sa façon et sans la moindre conscience, elle voulait en quelque sorte conjurer le mauvais sort planant au dessus de sa famille grâce à ces rituels digitaux.
La suite du symptôme
Quoi qu’il en soit, son état s’est amélioré dans les heures qui ont suivi notre rencontre : elle a même pu, ce soir là, lire un peu avant de s’endormir, ce qu’elle n’avait pu faire depuis longtemps à cause de toutes ces procédures de contrôle qui occupaient toutes ses soirées. Quant aux 20 % restants, je suppose qu’ils sont induits par des peurs antérieures à cette affaire (peur du rejet principalement) et qui s’expriment maintenant au travers de ces comportements obsessionnels.
Nota Bene
Bien sûr l’histoire de Myriam est unique, comme elles le sont toutes. Mais la logique de ce cas particulier montre précisément qu’il y en a une : reste à savoir laquelle.
Laurent Daillie
Info : www.biopsygen.com