Plusieurs cas concrets rencontrés dernièrement m’incitent à revenir sur ce thème en complément de ce qu’en a dit mon estimée consœur Aviva Azan en juin dernier dans le n°13 de la présente revue. Car si je partage pleinement son analyse pour de très nombreux cas, je constate aussi qu’on utilise un seul mot – phobie – pour parler de plusieurs choses subtilement différentes.
Je distingue pour ma part trois grandes familles de phobies, en sachant qu’elles ont toutes un point commun : ce sont toutes des peurs. Quant à dire qu’une phobie est une peur irrationnelle, c’est oublier que notre cerveau est, à sa façon, au contraire très rationnel. Même si elles peuvent être très handicapantes, nos phobies ont toujours une bonne raison d’être : nous avertir d’un danger potentiel. Reste à savoir lequel.
Les peurs/phobies archaïques
Nous venons au monde avec et elles sont plutôt à classer parmi nos instincts de survie. Pour l’illustrer, prenons la plus évidente : la phobie des serpents. Le fait est que nous sommes tous ophiophobiques puisqu’il faut absolument l’être : nous sommes codés depuis la nuit des temps pour craindre ces bestioles qui peuvent être mortellement dangereuses. Pour preuve : environ 5 millions de personnes sont mordues chaque année et 250.000 en meurent.
La seule différence d’une personne à l’autre est finalement notre capacité de gestion de cette peur viscérale. Certaines paniquent à une simple évocation ou devant une photo et d’autres en font la collection dans leur appartement. Mais même ces dernières en ont peur. A noter qu’une stagiaire s’est dernièrement débarrassée de son ophiophobie en comprenant que sa peur des serpents était naturelle : elle est passée d’une phobie irrationnelle à une peur rationnelle, ce qui est très différent.
Il en va de même pour d’autres grandes peurs archaïques : la peur de la nuit, l’instant de tous les dangers ; la peur de l’eau ou de la forêt, lieux de résidence de terribles prédateurs ; la peur du vide, la chute pouvant être mortelle ; la peur des insectes, certains étant très dangereux ; la peur de l’asphyxie, laquelle est rapidement mortelle ; etc. Ce sont les principales, mais il en existe beaucoup d’autres
Comme par exemple la phobie des souris (musophobie) qui concerne tellement de personnes, et pas seulement des femmes. J’en ai fait l’intéressante expérience dernièrement quand une minuscule souris a traversé mon salon : j’ai d’abord eu peur avant de pouvoir me raisonner. Je suppose que cette peur archaïque vient du fait que ces petites bêtes peuvent s’introduire partout…
Bien sûr ces peurs peuvent être renforcées par des événements survenus dans notre vie ou avant notre naissance : parce qu’un ascendant sera mort à cause d’un serpent ; parce qu’on aura été enfermé dans le noir ; parce qu’on aura été traumatisé par les images du 11 Septembre montrant la chute de ces personnes qui ont choisi de sauter ; etc.
Les peurs/phobies sociales
Ce sont aussi des peurs primitives qui nous concernent tous en tant que mammifères sociaux ; elles ont toutes la même origine : la peur de la sanction en termes de rejet ou de violence, un thème que j’ai largement développé dans les numéros 13-14-15 de Néosanté.
Cette peur de la sanction nous affecte tous à divers degrés pour d’excellentes raisons liées au contexte de nos lointaines origines : notre cerveau archaïque considère l’éventualité d’un rejet par la mère au début de la vie ou ensuite par le groupe comme une condamnation à mort. Quant à la violence, elle peut être mortelle ou provoquer de graves blessures, ce qui revient au même.
De nombreuses phobies ont tout simplement pour origine la peur de l’autre, la peur de lui déplaire et donc la peur d’être sanctionné d’une manière ou d’une autre. Bien sûr, ces phobies sociales pourront être renforcées par des événements survenus dans notre vie. C’est le cas d’une femme qui bascule soudain dans l’agoraphobie après s’être sentie menacée par les occupants d’une voiture suite à un léger accrochage.
Par extension, cela explique les phobies superstitieuses qui sous-entendent toutes l’éventualité d’une sanction, comme par exemple l’hexakosioihexekontahexaphobie (peur du nombre 666) ou la paraskevidékatriaphobie (peur du vendredi 13).
Les peurs/phobies allergiques
Ce sont celles dont parle ma consœur dans son article, et j’utilise aussi la notion d’allergie puisque le mécanisme est le même que pour beaucoup de symptômes allergiques. Cela se produit lorsqu’une molécule, un élément ou un contexte nous ramène à une situation dramatique antérieure.
Un seul exemple pour l’illustrer : une femme sera très longtemps handicapée par la phobie des chats (ailurophobie) jusqu’à ce qu’elle réalise que la présence d’un chat la ramenait au souvenir des nombreux viols qu’elle a subis chez son grand-père durant l’enfance, lequel avait un chat. J’appelle ce mécanisme l’avertissement de l’imminence du danger : dans le cas de cette femme et à chaque fois qu’elle était en présence d’un chat, son cerveau en déduisait automatiquement, par association, que l’horreur allait se reproduire et qu’il fallait donc réagir.
Le détournement d’attention
Cela dit, plusieurs histoires m’amènent à la réflexion suivante : dans certains cas, la phobie ne serait-elle pas une sorte de détournement d’attention orchestré par notre cerveau pour que nous ne restions pas focalisés sur un stress ingérable ?
Par exemple : une dame devient du jour au lendemain géphyrophobe (soit la peur de passer sur un pont), ce que rien ne justifie, ni dans son présent ni dans son passé. Par contre, elle est à ce moment-là de sa vie confrontée à un stress majeur puisqu’elle vient de découvrir l’infidélité de son mari.
Dans ce cas, j’émets l’hypothèse que son cerveau l’a fait se focaliser sur un problème «gérable» (on peut toujours éviter de passer sur un pont) pour détourner son attention de cet autre problème tellement plus douloureux. Quant à savoir pourquoi son cerveau a choisi la phobie des ponts plutôt qu’une autre, je n’en ai pas la moindre idée.
En conclusion
La difficulté (et la beauté) du Décodage réside dans le fait qu’il y a toujours plusieurs pistes possibles pour tenter d’expliquer un manifesté. Ainsi, par exemple, l’origine d’une téléphonophobie (la peur du téléphone) peut avoir plusieurs origines : une peur très archaïque qu’un danger surgisse du combiné ; une peur sociale puisqu’on est alors en relation avec l’autre ; une peur allergique en référence à un appel annonçant un décès par exemple ; ou encore l’éventualité d’un détournement d’attention.
Laurent Daillie
article intéressant, mais pour avoir eu de nombreuses phobies, et en avoir encore, j’en ai soigné plusieurs en comprenant surtout qq chose d’important : la phobie est un conflit entre une peur et un désir aussi puissants l’un que l’autre.
Cela signifie que le désir se heurte à la peur.
Prenons un exemple : la phobie de sortie de route en voiture, une phobie d’impulsion.
La route devient symbolique et ramène à son chemin.
Au final, ce serait un désir de changer de voie, de route dans sa vie qui se heurte à une peur, un blocage, une croyance d’impossibilité.
Et toute phobie s’arrête une fois les changements effectués.
J’ai été agoraphobe avec une peur violente de m’évanouir en public. Cette phobie est définitivement partie lorsque je suis partie très loin ( il y a un diction populaire qui dit ” s’évanouir dans la nature” ) en mettant plus de 600 kms entre moi et ma famille.
Je suis claustrophobe depuis plusieurs années, simplement et uniquement en transports publics. J’ai été enfermée enfant dans des situations de violence où je n’ai pas pu m’enfuir ( abus, maltraitance.. )
Donc, chaque fois que je me retrouve ” coincée ” dans un endroit où je ne peux pas contrôler ma fuite, ça déclenche la peur. C’est un désir de liberté chez moi.
La phobie n’est juste qu’une alarme de l’inconscient qui cherche à nous guérir de quelque chose de bloqué en nous.
Cette histoire de pont par exemple : ne serait ce pas finalement liée à l’infidélité de son mari, donc une peur de l’inconnu ( le passage d’une rive à l’autre ) qui donne le vertige, une incertitude ressentie comme un vide dangereux ? Le pont n’est juste qu’un symbole et comme le corps ne se trompe jamais, le pont n’est pas un hasard.
voilà, c’est juste mon avis.:-)
le site redpsy canadien parle des phobies avec beaucoup de justesse. A lire.