À la maison, dans un dojo, en nature, en entreprise, à l’école et même en prison, nous sommes de plus en plus nombreux à méditer. En ces temps traversés de stress et de peur, la méditation nous ramène la paix au cœur. Alors que l’ultra-moderne hyperconnexion nous déconnecte de nous-mêmes, méditer nous recentre, aiguise notre présence et apaise le flux continu des pensées en offrant un recul salutaire, doublé d’une clarté de vue. Au-delà de cette mue qui impacte notre façon d’être au monde, les neurosciences montrent que les pratiques méditatives ont des effets bénéfiques sur le bien-être psychique et la santé. Méditer transforme le cerveau, calme la douleur, booste le système immunitaire, favorise l’équilibre émotionnel et entraîne même des guérisons inexpliquées. Immobile ou en mouvement, qu’elle soit de « pleine conscience » ou qu’elle puise à la sève millénaire des voies spirituelles, la méditation répond à notre quête de sens et nous ouvre à l’étincelle de l’Essentiel – cette part d’universel, œil du cyclone synonyme de paix inconditionnelle, qui nous relie par-delà les tourments de l’ego. « Apprendre l’art de la méditation est le cadeau le plus précieux que vous puissiez vous faire dans cette vie », dit Sogyal Rinpoché. À bon entendeur…
Par Carine Anselme
2012. Denver. C’est au cœur de cette ville du Colorado que se tient le premier symposium international consacré à l’étude des « neurosciences contemplatives ». Cet événement couronne des années de recherches de pointe et découvertes majeures sur l’impact de la méditation. Corps et esprit. Des centaines de neuroscientifiques, psychologues, cliniciens et méditants y partagent les résultats les plus récents sur les mécanismes cognitifs et neuronaux en jeu au cœur des pratiques contemplatives, leurs effets sur la santé mentale et physique, ainsi que leurs applications possibles dans le champ de l’éducation. C’est là le symbole d’un saut quantique à bien des égards ! D’une part, dans notre société cartésienne, on considère généralement toute pratique spirituelle (terreau de la méditation, faut-il rappeler, même si l’on tend à « laïciser » cette pratique) comme étant du domaine de la subjectivité et de l’expérience qualitative, donc ni observable ni mesurable. Or, les neurosciences démontrent le contraire : l’expérience méditative est étudiable… preuves à l’appui ! Sur le plan de la recherche, il y a vingt ans, on ne trouvait qu’une dizaine de publications annuelles sur les effets de la méditation, alors que de nos jours on publie chaque année 400 à 500 travaux sur ce sujet dans des revues scientifiques. La méditation a même fait son entrée à l’université : médecins, psychologues et scientifiques peuvent ainsi suivre un cursus de 139 h à l’université de Strasbourg et obtenir un diplôme de « Médecine, Méditation et Neurosciences ». D’autre part, il semble loin le temps où l’on réservait la pratique de la méditation à quelques élites en quête de savoirs nouveaux et autres arpenteurs d’ailleurs, partis se trouver sur les chemins de Katmandou… La méditation, qui trouve principalement son ancrage dans la voie bouddhique et a été introduite en Occident par plusieurs maîtres bouddhistes (Taisen Deshimaru, Daisetz Suzuki, Chögyam Trungpa…), se répand aujourd’hui largement, en se détachant de ses « habits » religieux. Mais plus que de nier la dimension spirituelle ou l’héritage bouddhiste de cette voie, il s’agit davantage, ici et maintenant, de revenir à l’essentiel en allant au cœur de la pratique sans se perdre dans les formes extérieures. Ainsi, Jon Kabat-Zinn, à qui l’on doit la diffusion planétaire de la mindfulness, cette fameuse « méditation de la pleine conscience », est-il effectivement entré « en méditation » par la tradition zen japonaise (puis coréenne, notamment), mais l’enseignement du bouddhisme étant « complexe », ce docteur en biologie moléculaire et professeur de médecine émérite à l’université du Massachusetts a fait le choix de mettre en avant une approche qui puisse (nous) toucher, que l’on soit bouddhiste ou non. « L’idée est de développer un entraînement intensif à la méditation bouddhiste… sans le bouddhisme. Il ne s’agit pas pour autant de simplifier ou de tirer le dharma (1) vers le bas, mais bien de le re-conceptualiser, de le recontextualiser, pour le rendre accessible au plus grand nombre. Ainsi, ouvrir à une dimension non-duelle de l’être et du monde, menant à la libération de la souffrance (ou insatisfaction), nommée dukkha dans le bouddhisme », souligne-t-il.
Réduire le stress
« Une demi-heure de méditation est essentielle chaque jour, sauf quand on a une vie très occupée. Dans ce cas, une heure est nécessaire », proclamait déjà Saint François de Sales au… XVIe siècle. Que dirait-il de nos jours, où nos emplois du temps surchargés nous rendent malades, au propre comme au figuré ?! On comprend, en tout cas, le succès exponentiel de cette pratique qui, débordant des frontières des voies spirituelles, répond à un besoin essentiel de notre société : celui de retrouver du sens et du calme, au sein d’une course qui s’accélère et de la multiplication des événements dramatiques, à l’image des récents attentats, qui ébranlent nos fondements. Cette révolution de la méditation, véritable phénomène de fond, est amplifiée par les récentes découvertes des neurosciences qui, grâce à l’imagerie de pointe, éclairent l’impact tangible de la méditation sur le cerveau et plus largement sur la santé. Au point que de plus en plus de médecins ne voient plus cette pratique comme un simple trip mystique, mais la considère comme un recours complémentaire dans leur médication. Car une chose est sûre : notre organisme est outillé pour s’adapter au changement, mais quand le stress devient trop intense et surtout chronique, nous ne pouvons plus faire face. Ce stress entraîne alors des réactions en chaîne au niveau physiologique, rompant l’équilibre naturel des mécanismes biologiques et brouillant les facultés cognitives (capacité à penser, décider, prendre du recul…). Le stress intense nous place, de fait, en mode « survie » (action/réaction), legs de nos ancêtres devant réagir instantanément face aux dangers de leur environnement (activation du cerveau reptilien). Or, l’augmentation palpable du niveau de stress dans notre société est doublée d’une multiplicité des sources de tension et d’agression : hyperconnectivité, pression du temps et de la performance, stress du monde (informations en boucle de catastrophes), etc. D’où le succès croissant de la mindfulness, à travers l’approche de la MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction). Ce programme de réduction du stress, qui se déroule sur huit semaines, intègre de la méditation, mais aussi du yoga ou de la relaxation, avec des résultats spectaculaires – en terme de calme intérieur, de rééquilibrage émotionnel (états dépressifs, burn-out), mais aussi de lucidité (voir chapitre sur l’équanimité). Après avoir fait une entrée retentissante au sein de l’hôpital, ce programme de pleine conscience s’étend dans les écoles, les entreprises, les maisons de retraite ou encore les prisons. « La pratique de la pleine conscience vient nous rappeler que nous sommes partie prenante dans notre santé, notre bien-être », précise Jon Kabat-Zinn.
Respirer le calme
Les différentes méthodes proposées (elles sont nombreuses, allant des grandes traditions millénaires – méditation zen, vipassana, soufie, hésychaste, etc. – à la pratique tendance de la pleine conscience) nous montrent qu’au-delà des aléas de toute existence, par-delà la sarabande folle des émotions et des perplexités humaines, il existe en chaque être une zone immuable de paix que l’on peut convoquer à tout moment… jusque dans la file de supermarché (essayer, c’est l’adopter !). Mais que l’on pratique la mindfulness, la méditation vipassana ou zazen, le vrai maître de méditation, l’authentique guru (pour rappel, ce mot sanskrit signifie « celui qui dissipe les ténèbres »), c’est… notre respiration ! Cette respiration, fil rouge de la pratique méditative, balaie les nuages sombres de nos pensées qui s’agitent en tous sens, laissant réapparaître le ciel bleu (de la conscience pure, bien sûr). Si la respiration nous sert de guide – lorsque le mental est trop agité, une technique simple consiste d’ailleurs à compter ses respirations pour une méditation inspirée -, elle est aussi au cœur des bienfaits prodigués par l’art de méditer. « La respiration est la seule fonction automatique du corps humain qui peut à tout moment être contrôlée par la volonté. Le simple fait de respirer volontairement et profondément, en insistant sur la phase d’expiration, stimule le nerf vague et, par-delà, l’activité du système nerveux parasympathique (qui permet la détente et le relâchement). Cela contrebalance l’activité du système nerveux sympathique (qui nous met en tension). Cela provoque également un rééquilibrage de l’activité des cortex préfrontaux droit et gauche du cerveau (territoires cérébraux associés à l’adaptation, la créativité, la réflexion, à même de traiter la nouveauté et la complexité) et de la balance entre les émotions désagréables (comme la peur, l’anxiété et la colère) et les émotions agréables (comme la joie et l’enthousiasme). Respirer en conscience permet donc de connaître l’état de vigilance apaisée – un état à la fois alerte et détendu – si caractéristique de la méditation. La stimulation du système nerveux parasympathique enclenche alors les mécanismes de récupération et de réparation de l’organisme », explique le psychothérapeute Thierry Janssen (2).
Transformer le cerveau
Il paraît que la personne la plus heureuse du monde serait Matthieu Ricard… C’est en tout cas ce qu’ont décrété les scientifiques ! L’image est célèbre : le neurologue Richard Davidson, de l’université du Wisconsin, branche 256 capteurs sur le crâne de ce moine bouddhiste (par ailleurs, docteur en génétique cellulaire, auteur et homme engagé). Les scanners montrent, en tout cas, que lorsqu’il médite, le cerveau du moine produit un niveau d’ondes gamma – lié à un état élevé de conscience, à l’attention, l’apprentissage et la mémoire – jamais relevé auparavant dans la littérature des neurosciences. Si des études rudimentaires existaient, depuis les années 1950, portant sur des personnes parties méditer en Inde ou, plus tard, sur des pratiquants du zen, il a fallu attendre les travaux du neuroscientifique Francisco Varela et la création de l’Institut Mind & Life pour que le champ de la méditation soit réellement étudié pour ses bienfaits (pour plus de détails, voir encadré « Power & Care »). Au fil des rencontres Mind & Life (entre scientifiques et méditants, sous l’égide du Dalaï-Lama), des données de plus en plus précises et concrètes (notamment grâce aux progrès de l’imagerie cérébrale) montrent que l’esprit influence bien la matière et le corps. Pour Richard Davidson, « ces travaux semblent démontrer que le cerveau peut être entraîné et modifié physiquement d’une manière que peu de gens auraient imaginé ». On observe en effet rapidement des différences fonctionnelles entre le cerveau des méditants experts (comptabilisant 10 000 heures de méditation) et celui des novices. Afin de s’assurer que ces différences étaient bien dues à l’entraînement à la méditation et non à des différences individuelles, les chercheurs ont mesuré des marqueurs comportementaux et neuro-électriques de l’attention chez les méditants avant et après trois mois intensifs de méditation (de douze heures par jour). Les résultats ne se font pas attendre, démontrant que l’entraînement à la méditation provoque des changements fonctionnels dans le cerveau en induisant de la neuroplasticité ; c’est-à-dire une réorganisation de l’activité neuronale qui favorise la conscience, l’attention et la compassion. En pleine méditation, les scientifiques mesurent une activité électrique jusqu’à huit fois supérieure à un cerveau non entraîné et découvrent que certaines zones qui d’habitude s’ignorent se connectent les unes aux autres ! Des études spécifiques permettent de mieux saisir les effets des différentes formes de méditation. Il s’agit, ici, de repérer quelles parties du cerveau deviennent actives quand un pratiquant s’engage dans une méditation sur l’attention focalisée, sur l’amour altruiste, sur la présence ouverte, etc. « Chaque type de méditation a une signature différente dans le cerveau. Peu à peu, à mesure que l’on s’entraîne, le cerveau change, fonctionnellement et structurellement. La personne change aussi, bien sûr… Dans l’une de ces études, donc, on a fait par exemple entendre alternativement aux méditants expérimentés et à un groupe de débutants le cri d’une femme en proie à la peur. On a alors constaté que les pratiquants aguerris écoutaient les cris de terreur sans manifester de réaction d’évitement ou de détresse. En même temps, on voyait s’activer chez eux toute une gamme d’émotions positives comme l’empathie, la bienveillance, la compassion, alors que les gens du groupe témoin, en écoutant ces mêmes cris, tentaient d’opérer une sorte d’anesthésie mentale. Ces pratiquants réagissaient de façon semblable quand on leur imposait une douleur. Ils percevaient son intensité au moins autant, sinon plus, que les sujets non entraînés, mais ils manifestaient moins d’appréhension quand l’intensité de la douleur augmentait, et retrouvaient plus vite leur calme quand la douleur s’arrêtait », explique le moine Matthieu Ricard, au cœur de son dialogue avec le philosophe Alexandre Jollien et le psychiatre Christophe André, dans leur best-seller Trois amis en quête de sagesse.
Vibrer à l’unisson
Et si méditer permettait de se mettre au diapason de la vibration de la vie en soi, synonyme d’équilibre et de (bonne) santé ? « Chacune de nos cellules vibre. L’eau dans nos cellules vibre. Au sein de notre organisme, les informations sont transmises par des vibrations. La vie est vibration. En méditation, notre cerveau émet des ondes longues. Nos cellules vibrent à l’unisson, se synchronisent. Assis en silence, nous pouvons percevoir en nous la vibration de la vie. Les voies spirituelles parlent d’alignement », partage la psychothérapeute Isabelle Filliozat, dans son récent ouvrage, Les chemins de la joie. Il est clair, en tout cas, que la méditation unit, unifie même, le corps et l’esprit, si souvent séparés par la vision matérialiste scientifique. Car, contrairement à certaines croyances, le corps est bien présent dans les pratiques méditatives (qu’elles soient immobiles ou en mouvement, à l’instar du qi gong, du yoga ou de la marche consciente lente du kin hin dans la pratique du zen). Méditer, c’est utiliser son corps comme « media » pour s’accorder à la vibration de la vie en soi, à la vibration du monde. « La croyance de certains Occidentaux en la suprématie du mental les a amenés à ne s’intéresser qu’au côté méditatif et planant des pratiques spirituelles orientales. Et, de ce fait, ils ont négligé le côté corporel et ancré de la spiritualité, où l’énergie – lien entre la pensée et la matière, entre le mental et la chair – joue un rôle considérable », relève Thierry Janssen. De l’importance de la posture en méditation. « Il est certain qu’elle a une influence sur nos états mentaux. Si on médite dans une posture trop relâchée, on a de fortes chances de somnoler. À l’inverse , avec une posture trop tendue, on favorise l’agitation mentale. Il faut trouver un juste milieu. Quand on peut difficilement s’asseoir les jambes croisées, on peut méditer sur une chaise ou un coussin surélevé, ou même couché. Il faut éviter de laisser le corps pencher à gauche ou à droite, en avant ou en arrière. Les textes disent que dans un corps bien droit, les canaux d’énergie subtile sont également droits, et que cela favorise la clarté d’esprit », conseille Matthieu Ricard. Et l’énergie, en circulant librement, favorise aussi l’harmonie, la santé, voire la guérison.
Guérir le corps et l’esprit
Recherches (sur la méditation) à l’appui, il n’est désormais plus farfelu d’envisager une influence majeure des événements mentaux sur le corps. Ainsi, la technique de réduction du stress par la pleine conscience (MBSR) est-elle maintenant utilisée dans des centaines d’hôpitaux à travers le monde. Or, en comprenant l’effet des états mentaux sur le corps, on comprend mieux l’effet placebo (auquel nous avions consacré un dossier dans Néosanté) qui favorise des guérisons inespérées. « La méditation est le plus noble des placebos », s’enthousiasme Matthieu Ricard. Plutôt que d’absorber des petites pilules dépourvues de principes actifs, méditer permet en effet de travailler directement sur notre esprit pour améliorer les effets qu’il a sur notre corps. C’est ce qu’a pu expérimenter très concrètement, physiquement, le Dr Joe Dispenza, auteur du livre Le Placebo, c’est vous. À force de méditation, concentration et visualisation, par le seul pouvoir de l’esprit, il s’est guéri de la paralysie, après avoir été renversé par un véhicule lors d’un triathlon. Il explique : « Deux fois par jour, et ce, durant deux heures, je m’efforçai de plonger à l’intérieur de moi-même, de méditer et de visualiser le résultat escompté, soit une colonne vertébrale complètement restaurée. Ironiquement, je fis alors le constat que, lorsqu’une crise ou un traumatisme se produit, nous consacrons l’essentiel de notre attention et de notre énergie à penser à ce que nous ne voulons pas au lieu de penser à ce que nous voulons. Durant les premières semaines, j’avoue avoir cédé sans retenue à ce travers. Finalement, après six semaines de combat contre moi-même et après avoir consenti à un maximum d’efforts pour être présent et en synergie avec cette conscience, je pus poursuivre mon processus de reconstruction interne… Je me souviens encore du jour où j’y suis parvenu… C’était comme frapper une balle de tennis sur la zone d’impact idéale d’une raquette. Il y eut une sorte de déclic. Et je me suis aussitôt senti complet, satisfait et entier. Pour la première fois depuis mon accident, j’étais vraiment détendu et présent à la fois dans mon corps et dans mon esprit. Il n’y avait aucune rumination mentale, aucune analyse, aucune pensée, aucune obsession, aucune tentative particulière », témoigne-t-il. Après sa guérison, il suit une formation postdoctorale en neurosciences, mène des recherches scientifiques et anime des séminaires dans le monde entier, durant lesquels il enseigne comment utiliser la méditation, ainsi que les découvertes de pointe des neurosciences et de la physique quantique pour reprogrammer le cerveau. Une nouvelle génération de chercheurs a inventé un terme pour définir sa pratique : celui de « neuroplasticité autorégulée ». Autrement dit, nous serions à même d’ordonner la formation de nouvelles voies neuronales et la destruction de voies plus anciennes par la qualité des expériences que nous vivons. « Environ un an et demi après avoir lancé notre premier atelier, mon équipe et moi-même reçûmes plusieurs courriels de nos participants, qui faisaient état des changements positifs qu’ils expérimentaient en pratiquant les exercices de méditation sur une base régulière. Nos participants faisaient mention non seulement de changements subjectifs dans leur santé physique, mais également d’améliorations dans les mesures objectives de leurs analyses et examens médicaux. Parfois même, les résultats de leurs examens étaient parfaitement normaux », poursuit Joe Dispenza. Lors de ses séminaires, où il propose entre autres des méditations, des rémissions spontanées se produisent. Il s’interroge : « Pour que quelqu’un, souffrant depuis des années d’une condition médicale telle que le lupus, se sente transformé après une méditation d’une heure, quelque chose de vraiment significatif devait s’être produit dans l’esprit et le corps de cette personne… » Pour comprendre, il met sur pied, en 2013, un événement novateur. Pour ce faire, il convie des experts (neuroscientifiques, techniciens, spécialistes de la physique quantique) et leur matériel d’avant-garde : électroencéphalographie pour mesurer l’activité électrique du cerveau (EEG), outil pour mesurer la variabilité cardiaque, scanographie du cerveau (etc.)… et même des instruments pour mesurer le champ électromagnétique ambiant de la salle, afin de constater si l’énergie ambiante se modifiait au fur et à mesure que l’atelier progressait. « Durant l’événement, qui durait quatre jours et rassemblait 200 personnes, nous avons également sélectionné de façon aléatoire des participants ayant accepté de se soumettre à des scintigraphies cérébrales, et ce, afin de mesurer en temps réel tout changement constaté dans les tracés des ondes cérébrales alors qu’ils participaient aux trois séances de méditation que j’animais chaque jour. Ce fut un moment particulièrement émouvant. Une personne atteinte de la maladie de Parkinson n’avait plus aucun tremblement. Une autre, qui souffrait d’un traumatisme cranio-cérébral, était guérie. Des participants atteints de tumeurs cérébrales ou corporelles constatèrent que ces excroissances avaient disparu. De nombreux individus souffrant de douleurs arthritiques déclarèrent ne plus ressentir de douleur pour la première fois depuis des années », partage-t-il. Comment est-ce possible ? Joe Dispenza pointe que les processus épigénétiques étaient probablement à l’œuvre… Le changement d’attitude provoqué, entre autres, par l’état de conscience spécifique à la méditation, entraînerait une modification de la chimie corporelle, modifiant l’état interne, permettant dès lors à l’individu d’activer de nouveaux gènes d’une manière entièrement inédite : « En fait, l’individu régulerait à la baisse (ou diminué) les gènes qui causaient la maladie et à la hausse (augmenté) les gènes responsables de son rétablissement. » Deux études importantes, sur les effets de la méditation sur la génétique, menées par des chercheurs de l’Institut Benson-Henry pour la promotion de la médecine corps-esprit à l’Hôpital général du Massachusetts à Boston, viennent appuyer ces constatations. Dans la première étude, menée en 2008, 20 volontaires ont été formés durant huit semaines à différentes pratiques corps-esprit (incluant divers types de méditation, du yoga…), censées induire une réaction de relaxation et un état physiologique de profond repos. Les chercheurs suivirent également 19 personnes chevronnées qui pratiquaient quotidiennement, et sur une longue période, les mêmes techniques. Au terme de l’étude, les praticiens novices expérimentèrent un changement manifeste dans 1561 gènes (874 régulés à la hausse pour favoriser la santé et 687 régulés à la baisse pour réduire le stress), ainsi qu’une réduction de la pression artérielle, du rythme cardiaque et du rythme respiratoire, tandis que les praticiens expérimentés avaient exprimé 2209 nouveaux gènes. La plupart des modifications génétiques constatées permettaient d’améliorer la réponse corporelle au stress psychologique chronique. La deuxième étude, menée en 2013, démontra que le fait de susciter une réaction de relaxation produit des changements dans l’expression génétique, et ce, après seulement une seule (!) séance de méditation, un constat valable chez les novices comme chez les praticiens expérimentés (bien que ces derniers en aient retiré plus d’avantages). Les gènes qui sont régulés à la hausse concernent tous ceux qui sont impliqués dans la fonction immunitaire, dans le métabolisme énergétique et dans la sécrétion d’insuline, alors que les gènes qui sont régulés à la baisse concernent tous ceux qui sont associés à l’inflammation et au stress. « Ces études illustrent bien le fait qu’il est possible de modifier rapidement vos propres gènes. C’est la raison pour l
aquelle la réponse placebo peut produire des transformations physiques en quelques instants. Dans les ateliers que j’anime partout dans le monde, mes collègues et moi avons été témoins de changements immédiats et significatifs survenus dans la santé de nos participants après une seule séance de méditation. Ces derniers sont parvenus à se transformer et à activer de nouveaux gènes d’une nouvelle manière, par le seul pouvoir de la pensée », note enfin Joe Dispenza. Le lama tibétain Phakyab Rinpoché a, lui aussi, vécu dans sa chair, le potentiel de guérison de l’esprit. Grand méditant, arrêté, torturé et contraint à l’exil par le pouvoir chinois, il a été sauvé de l’amputation par la méditation, comme l’atteste le titre de son livre (La Méditation m’a sauvé). Souffrant de gangrène, les os, le cartilage, les tissus de son pied droit étaient en train de se décomposer, et il souffrait en sus d’une pleurésie et d’une tuberculose osseuse, conséquences des tortures subies. Il ne se résout pourtant pas à l’amputation prévue par les médecins – « obstacle à la circulation des énergies dans le corps ». S’en référant au Dalaï-Lama, ce dernier lui atteste qu’il a en lui la sagesse qui guérit… S’ensuit une longue retraite de méditation, yoga, visualisation, travail sur les énergies subtiles et sur le souffle (pour expirer les toxines) et autres rituels spirituels (mantras, offrandes, prières). Cinq ans plus tard, il remarche. Et l’astragale, l’os de la cheville, est reconstitué. C’est la première fois dans l’histoire médicale et celles des miracles recensés par l’Église qu’une repousse osseuse a lieu.
S’ouvrir à l’équanimité
L’égalité d’humeur est loin d’être accessoire dans l’inventaire des bienfaits de la méditation. Elle campe au cœur de l’équilibre émotionnel provoqué par une pratique méditative régulière – équilibre dont on sait qu’il est essentiel dans la santé du corps, du cœur et de l’esprit. L’étymologie d’un mot révèle parfois son sens caché… Le mot « méditation » viendrait du verbe latin meditor, proche du grec medos qui signifie « la pensée », aussi apparenté à medeor, « prendre soin de… ». Et si méditer c’était donc prendre soin de nos pensées en installant dans leur espace d’expression la sérénité et le recul nécessaire pour ne pas s’y identifier ?… Contrairement à certaines idées reçues en ces temps de vogue méditative tous azimuts, méditer n’est pas repeindre la vie en rose, ni s’enfermer dans une tour d’ivoire ni même faire le vide. Entrer dans la profondeur de la présence recherchée par toute méditation, ne peut s’accomplir en rejetant les expériences douloureuses, les inconforts et autres peurs. Ce rejet nous empêcherait de percevoir l’ampleur de notre vie (toute la trame de son étoffe), son potentiel d’évolution, donc d’avancer. « Méditer, ce n’est pas vivre de beaux moments, mais entrer dans le vif de l’existence avec ses hauts et ses bas. Et en ayant une attitude ouverte aussi bien à ce qui est agréable que désagréable, nous donnons naissance à une authentique égalité d’humeur », souligne Fabrice Midal, philosophe passionné par le bouddhisme et auteur de nombreux ouvrages sur la méditation. En cherchant à simplifier le champ de notre attention par le biais de la méditation, nous apprenons à faire corps (et esprit) avec la réalité, en pleine conscience. « Nous découvrons ainsi une forme d’intelligence qui n’a rien d’intellectuel, qui tient de l’intuition ou de la vue claire d’une situation », poursuit Fabrice Midal. La méditation nous encourage donc à être présent au monde. À ce qui est là… juste à ce qui est là ; pas au virtuel des ruminations, des anticipations, grande source de souffrance. « Me rendre présent au monde suffit souvent à m’en faire découvrir les aspects merveilleux et à me rendre heureux. Cet acte de présence au monde va aussi me mettre en contact avec ma souffrance, mais de manière réaliste ; je vais être présent au problème, seulement au problème, et pas aux débordements, aux excès de souffrance que construit notre cerveau. La méditation nous aide à mieux saisir la frontière entre le réel et le virtuel », précise le psychiatre Christophe André, spécialiste des troubles anxieux et dépressifs. Notamment en complément d’une thérapie verbale, la méditation permet donc de trouver en soi un espace de stabilité et de sécurité pour (re)considérer son histoire. Une manière de rejoindre l’œil du cyclone par-delà les conditionnements et tourments de l’existence. Pour y parvenir, le philosophe Alexandre Jollien pratique un exercice qui l’aide considérablement : il s’agit de voir que la conscience qui fait l’expérience de la peur, de l’angoisse ou du chagrin n’est jamais atteinte. « Il existe en l’homme, en la femme, une part qui reste indemne. Aucun traumatisme ne peut la troubler. On pourrait alors comparer la conscience à une espèce d’énorme marmite. À l’intérieur, il y a de tout : des pois chiches, des laitues, des carottes qui nous rendent de bonne humeur et des oignons qui nous arrachent des larmes. Dans le malheur, l’ego se borne à mastiquer les oignons sans savourer le reste. Considérer la conscience comme une marmite permet de laisser passer les émotions sans se réduire à la colère, à la peine, qui ne sont que des ingrédients parmi tant d’autres », conseille-t-il dans Trois amis en quête de sagesse. « Sans méditation, on est comme aveugle dans un monde d’une grande beauté, plein de lumières et de couleurs », clamait Krishnamurti. Alors, ouvrez grand les yeux de l’âme… et méditez pour éclore à la joie. Une joie sans contraire, ni contraintes. Une marmite céleste !