La semaine dernière, j’ai brièvement abordé le sujet de la grippe saisonnière en évoquant le rôle bienfaisant de la fièvre. En effet, l’élévation de la température interne est un mécanisme naturel qui permet au corps de contrôler l’infection et d’évacuer les agents infectieux. Le grand Hippocrate de Cos avait déjà perçu le rôle positif de ce qu’il appelait la « coction » et qui précédait, selon lui, l’élimination des humeurs en excès. Cette opinion favorable a traversé les âges puisque nos arrière-grands-parents avaient encore le réflexe d’encourager l’hyperthermie des malades en leur faisant boire des tisanes brûlantes et en les faisant suer sous des couvertures. Tout a changé avec le basculement de la médecine dans la religion pasteurienne diabolisant les germes et les accusant d’être responsables des maladies. Non contente de déclarer la guerre aux microbes, la médecine allopathique érigea le dogme qu’il fallait aussi lutter contre la fièvre et la faire baisser coût que coûte. Pour ce faire, l’industrie pharmaceutique naissante lui offrit une arme « magique », l’acide acétylsalicylique isolé à partir de l’écorce du saule. Alors que ce remède végétal était employé dans l’antiquité pour soulager les douleurs et les états fébriles, son principe actif baptisé aspirine eut un succès immédiat car il permettait carrément de supprimer les symptômes par ses propriétés antalgiques et fébrifuges. Aujourd’hui, cette molécule et ses nombreuses imitations sont les médicaments chimiques les plus vendus dans le monde. Pas même besoin d’ordonnance. Seuls les homéopathes et les naturopathes osent encore critiquer l’usage imprudent de cet alcaloïde aux effets secondaires non négligeables.
Mercredi dernier, je vous ai rappelé que le respect de la fièvre était un des fondements de la naturopathie authentique. Je vous ai aussi renvoyé vers une de mes infolettres précédentes intitulée « Satanée aspirine ». Dans ce numéro de Néosanté Hebdo, je signalais notamment l’existence d’études montrant que l’effroyable mortalité de l’épidémie de grippe en 1918 est imputable à la prescription effrénée d’aspirine et non au virus lui-même. À cette époque, on consommait l’acide acétylsalicylique à doses de cheval et on ignorait tout du phénomène des « tempêtes de cytokines ». Cette semaine, il me faut bien faire un mea culpa : je ne vous ai pas encore parlé d’André Lwoff ! Ce nom ne vous dit rien ? Considéré comme un des pères de biologie moléculaire, ce brillant chercheur et directeur à l’institut Pasteur a pourtant reçu le Prix Nobel de Médecine en1965, en même temps que François Jacob et Jacques Monod. Ces deux derniers sont passés à la postérité mais les travaux du premier ont été complètement oubliés ! Parce qu’ils dérangeaient trop Big Pharma ? Je serais tenté de le penser puisque le Dr André Lwoff a consacré une bonne partie de sa carrière à étudier le rôle de la fièvre dans la guérison des infections virales. Réagissant à ma lettre du 26 octobre, un aimable lecteur m’a signalé l’existence sur la toile d’un document audiovisuel exceptionnel. Il s’agit d’une émission des « Dossiers de l’écran » remontant à 1973. On y voit le médecin-biologiste expliquer par A +B le rôle salutaire de la fièvre dans les processus infectieux. Il raconte comment il a démontré ce fait scientifiquement en injectant le virus de la poliomyélite à des lapins et en évaluant leur réaction à différentes températures. Plus les animaux avaient chaud, plus ils survivaient à la polio ! De même, il a observé que les lapins contaminés succombaient en masse dès qu’on leur inoculait un médicament contre la fièvre. Certes, le chercheur français souligne le danger des virus « thermorésistants » et plaide pour la mise au point de vaccins destinés à les contrer. Mais dans le même temps, son interview est une magistrale leçon de médecine naturelle appelant à ne plus combattre la fièvre ni à chercher à enrayer la réaction inflammatoire de l’organisme. Je vous invite … chaleureusement à visionner cette vidéo d’une heure en cliquant ici.
Ce qui est assez inouï, c’est que les recherches d’André Lwoff ont été littéralement étouffées. Ses écrits sont devenus introuvables et les comptes rendus de ses expériences moisissent dans les archives de l’Institut Pasteur. Selon le même lecteur aimable, il semblerait même que les travaux de Lwoff ne figurent nulle part dans le cursus des études de médecine. Quand il interroge des médecins, ceux-ci ne connaissent rien du troisième Prix Nobel 65 ni de ses découvertes sur la fièvre ! Toujours sur indication du serviable correspondant, j’ai cependant retrouvé la trace des trouvailles perdues. Celles-ci ont été exhumées par le naturopathe André Passebecq lorsque ce dernier enseignait à la faculté de médecine de Paris XIII. Et il les a publiées dans sa revue Vie & Action, comme il le raconte dans un entretien mis en ligne ici Enfer et damnation, toute ma collection de Vie & Action a disparu dans une récente inondation de cave ! Si quelqu’un parvient à me retrouver et à me procurer les numéros en question, je lui en serai très reconnaissant ! En espérant que cela se produise, je vous fais un autre aveu contrit qui me coûte un peu : mon confrère et néanmoins concurrent Jean-Marc Dupuis a déjà parlé d’André Lwoff bien avant moi, dans une de ses infolettres datée du 25 février 2014. Intitulé « Laissez monter la fièvre », cet excellent article résume fort bien les expériences de Lwoff, vulgarise joliment le mécanisme antiviral de la fièvre et se termine par un très utile protocole de « fièvre-thérapie » consistant à provoquer une élévation de température corporelle pour accélérer la guérison. C‘est à (re)lire en cliquant ici. La fièvre est une grande amie et une grande guérisseuse gratuite dont je n’ai pas fini de chanter les louanges et à laquelle nous allons d’ailleurs consacrer un dossier dans un prochain numéro du mensuel Néosanté.
Yves Rasir