Dimanche, j’étais au « sommet citoyen » organisé par l’association Bon Sens Belgique et j’ai assisté à la conférence du Dr Geert Vanden Bossche. Comme je l’ai écrit lors de ses suppliques publiques à l’OMS et à l’occasion de son interview dans Néosanté (N° 119 de février 2022), ce vétérinaire-vaccinologue flamand m’est assez sympathique depuis qu’il crache dans la soupe de ses anciens employeurs pharmaceutiques, qu’il dénonce haut et fort le danger de vacciner en pleine épidémie et qu’il préconise une politique sanitaire alternative axée sur le renforcement de l’immunité naturelle. Dans son allocution, l’ancien collaborateur de la Fondation Bill Gates et du GAVI (Alliance Mondiale du vaccin) a encore redit que la vaccination anticovid était une folie d’un point de vue scientifique et que le phénomène de fuite immunitaire était inéluctable, laissant les vaccinés de plus en plus désarmés devant chaque nouveau variant viral. D’après lui, c’est cet hiver que l’on va vraiment constater que les injectés sont les moins protégés et qu’ils sont plus nombreux à développer des formes sévères de la maladie. Statistiques et graphiques à l’appui, il prévoit dans leurs rangs une prochaine flambée des infections, des hospitalisations et des issues fatales. « Nous allons certainement vers le chaos » a répété plusieurs fois l’expert prêchant aujourd’hui dans le désert médiatique, honteusement censuré sur les réseaux sociaux et contraint de créer son propre canal d’information – le site Voice For Science and Solidarity – pour faire entendre sa voix dissidente.
Des amis de l’Homme ?
Tout en saluant ses courageuses sorties du bois, je ne suis cependant pas un chaud partisan de Geert Vanden Bossche. D’abord parce qu’il demeure un pasteurien pur jus persuadé du caractère pathogène des virus et du rôle causal des agents infectieux en général. Ensuite parce qu’il reste attaché à la médecine des vaccins et qu’il suggère pour sa part la mise au point de produits visant à doper les cellules NK (Natural Killers), ce qui ne me semble pas moins hasardeux que la technologie génique. Et enfin parce qu’il promeut à présent pour les vaccinés le recours préventif à l’hydroxychloroquine et à l’ivermectine. Dimanche, il s’est encore enthousiasmé pour l’effet antiviral de ces molécules « sûres et efficaces » qu’il suggère donc de prendre à titre prophylactique. À mes yeux, je le répète encore une fois, le recours massif à ces traitements chimiques précoces n’est pas du tout une bonne idée. La chloroquine est un médicament dangereux qui n’a pas pesé peu dans la surmortalité observée durant les deux premières « vagues » tandis que l’ivermectine est un poison extrêmement toxique pour les insectes et la faune aquatique. Que se passerait-il si des millions de gens consommaient ce puissant vermifuge et saturaient les stations d’épuration de leurs urines contaminées ? On peut rationnellement redouter un désastre environnemental de grande ampleur, avec une chute phénoménale de la biodiversité. D’abord ne pas nuire, à la planète comme à ses habitants ! Mais ce qui m’inquiète le plus dans l’« ivermectinemania », c’est qu’on trouve normal de soigner une grippe en avalant un biocide destructeur de parasites, une substance véritablement « Terminator » pour ce type de germes. Je trouve ça inquiétant parce que la science découvre de plus en plus que cette catégorie de micro-organismes pourrait – elle aussi – être l’alliée de l’être humain et de son terrain au lieu d’en être l’ennemie. Par exemple, cette étude danoise parue en septembre dans Nature Communications nous révèle que les Vikings étaient quasiment tous porteurs du parasite Trichocephalus trichirus, une espèce de nématodes. Non seulement ces vers intestinaux ne les empêchaient pas d’être en bonne santé mais il semblerait que la vigueur légendaire de ce peuple scandinave découlait précisément de leur infestation parasitaire. Comme d’autres travaux l’ont mis en évidence, il s’avère en effet que les trichocéphales ont la bonne habitude de favoriser la diversité du microbiote intestinal et de stimuler ainsi une robuste immunité de leur hôte. Dans cette autre étude récente réalisée à l’Université de Cambridge, on apprend que les moines locaux du Moyen-Âge étaient également infestés de vers, ce qui est paradoxal car ils bénéficiaient à l’époque d’installations sanitaires telles que latrines et lavabos. En comparant avec d’autres prélèvements effectués dans les cimetières, les chercheurs ont calculé que les religieux privilégiés étaient deux fois plus parasités que les gens du petit peuple, or les premiers jouissaient d’une espérance de vie nettement supérieure à celle des seconds ! Certes, les résidents du monastère mangeaient aussi plus sainement que la moyenne et se soignaient avec les plantes qu’ils cultivaient. C’est d’ailleurs en jardinant et en répandant leurs excréments comme engrais que les moines se seraient contaminés. Mais les scientifiques sont d’avis que leur parasitose chronique peut aussi avoir favorisé leur longévité.
La piste helminthique
Et si les vers intestinaux de la famille des helminthes épaulaient aussi les humains face à des fléaux viraux de type covid ? Cette hypothèse n’a pas fait couler d’encre dans les médias de masse mais elle a été soulevée dans les milieux scientifiques. C’est le regretté docteur en sciences Pierre Lutgen, fidèle informateur de Néosanté jusqu’à son décès en décembre 2021, qui me l’avait signalé. Au départ, les chercheurs se sont interrogés sur l’étonnante résistance des Africains face à la pandémie. En Afrique noire, le taux d’infections a été ridiculement bas et celui des formes graves a constamment flirté avec le plancher. Selon certaines estimations, le virus a été 20 fois moins létal sous les tropiques d’Afrique qu’en Occident et qu’à même latitude sur d’autres continents. Des tas d’hypothèses ont été avancées pour expliquer cette mystérieuse résistance africaine : la génétique, la démographie, la circulation endémique d’autres coronavirus ayant fait rempart au nouveau, ou encore l’usage très répandu de la chloroquine pour soigner la malaria et celle de l’ivermectine pour combattre l’onchocercose, aussi appelée la cécité des rivières. L’explication médicamenteuse est séduisante mais elle est insuffisante pour élucider le « miracle africain ». Par exemple, des pays comme le Tchad ou le Niger ont été épargnés par le covid sans avoir déployé de stratégie prophylactique contre les maladies parasitaires. À l’inverse, le Brésil s’est gavé d’ivermectine et d’hydroxychloroquine sans obtenir de résultats mirobolants. Selon la piste helminthique, c’est la présence de ces vers dans les intestins des Africains qui serait la clé de leur invulnérabilité. À un chapitre du compendium qu’il nous a légué, Pierre Lutgen écrit que ces parasites sont connus pour jouer un rôle protecteur dans les infections virales dont ils modèrent le processus d’inflammation pulmonaire. Selon une étude espagnole parue dans Plos en juillet 2020, les vers intestinaux amadouent l’immunité de leur hôte pour éviter d’être rejetés, ce qui favorise égoïstement leur survie, mais leur présence chronique a également un effet positif en protégeant à la fois l’hôte et le parasite contre les troubles inflammatoires sévères. Dans le journal Qeios, un autre auteur hispanique a établi un lien entre un nombre élevé d’éosinophiles dans le sang et la rareté des orages de cytokines, or l’éosinophilie résulte le plus souvent d’infections parasitaires. Bref, il y aurait méprise : ce n’est pas parce qu’elle se vermifuge que l’Afrique a échappé au covid, ce serait au contraire parce que les vers y grouillent que l’épidémie y est quasiment passée inaperçue.
La parasitose, une forme de symbiose
Si cette hypothèse est correcte, ça veut dire que les « traitements précoces » sont aussi une fausse et périlleuse solution. Probablement que la chloroquine et l’ivermectine atténuent les symptômes et peuvent sauver des vies en réduisant l’inflammation consécutive à l’infection. Mais en massacrant toute forme de vie parasitaire dans le microbiote, cet interventionnisme médical fait sans doute moins de bien que de mal puisque ces germes soutiennent le système immunitaire. L’excès d’hygiène tuant l’hygiène, la catastrophe écologique d’un vermifugeage massif des vaccinés pourrait à terme se doubler d’une débâcle sanitaire qui serait alors – ironie du sort – erronément attribuée à la vaccination. Ce que je propose, c’est de faire une pause et de réfléchir posément au sens de la parasitose. Il est un fait que certains parasites peuvent littéralement prendre le contrôle de leur hébergeur et le pousser à se sacrifier : c’est fréquent dans la nature. C’est notamment le cas de la douve du foie qui se sert d’une fourmi transformée en assaillante-suicide pour infecter les moutons. Chez l’Homme, les parasites peuvent aussi être mortels, engendrer de graves pathologies et influer sur les comportements. Par exemple, le parasite de la toxoplasmose pousse leurs porteurs asymptomatiques à être plus imprudents au volant, cela a été prouvé scientifiquement. Je ne dis pas qu’il faut prendre ces germes à la légère. Dans son enfance, une de mes filles a eu des oxyures et seul un traitement vermifugeant l’a libérée de ses pénibles démangeaisons anales. Mais ne perdons pas de vue que ces petites bêtes ont co-évolué pendant des millénaires avec les grands animaux (dont les humains) et que nous nuire jusqu’à nous faire mourir n’est pas dans leur intérêt biologique. Si elles vivent à nos dépens, la relation entre elles et nous n’en est pas moins basée sur l’échange et l’interdépendance. Comme le mentionne Bernard Tihon dans le tome II de son ouvrage Le Sens des Maux, le mot parasite signifie d’ailleurs étymologiquement un « commensal », soit celui qui « mange à la même table ». S’il est parfois profiteur, le convive n’est pas un agresseur. Et comme notre auteur le rapporte aussi, le Dr Gérard Athias décode la parasitose comme une forme de symbiose et de « commerce permanent » entre deux êtres vivants. Le parasite et le parasité ne se font pas la guerre, ils coopèrent et coexisteraient pacifiquement si un stress important (psycho-émotionnel, oxydatif, nutritionnel..) ne venait pas perturber leurs rapports commensaux. Je ne sais pas si ce petit plaidoyer aura une quelconque portée, mais je pense que le procès fait aux parasites devrait impérativement être ajourné jusqu’à plus amples connaissances. Si on continue à les traiter en parias et en ennemis, je crains un rude retour de manivelle.
Yves Rasir