Nous avons, nous autres ‘décodeuses’ et ‘décodeurs’, l’excellente idée de beaucoup nous intéresser au contexte de notre création, c’est-à-dire à la période précédant notre conception, et surtout aux neuf mois passés dans le ventre de notre mère puisque son vécu pendant cette période peut avoir une très grande influence sur notre avenir, notre personnalité et parfois même notre santé. De très nombreux cas le démontrent.
Question d’ovules
Cela dit, je crois qu’il faut aussi beaucoup s’intéresser au contexte de la création de notre mère, car on peut faire remonter une grosse part de notre origine à la période où notre mère était dans le ventre de notre grand-mère maternelle. Pourquoi cela ? Tout simplement parce que l’ovule qu’une femme consacre pour créer un enfant ne date pas de la veille, mais plutôt de l’avant-veille. Contrairement à l’homme qui fabrique quotidiennement des millions de gamètes de la puberté à l’andropause, une femme vient au monde déjà porteuse de l’intégralité de ses ovocytes (environ 300.000) qui donneront, à partir de la puberté, les quelques centaines d’ovules qu’elle libèrera l’un après l’autre à chaque cycle jusqu’à la ménopause. Ainsi par exemple, l’ovule que ma mère a consacré pour ma création en 1957 a lui-même été créé en 1927-1928, alors que ma mère était dans le ventre de ma grand-mère.
Mon propre cas
On a donc grand intérêt à se pencher sur la personnalité, et surtout le vécu de notre grand-mère maternelle au moment de la création de notre mère : cela peut nous valoir quelques belles prises de conscience. Ainsi pour ce qui me concerne, je comprends déjà beaucoup de choses sur ma structure psychique et sur mes conflits si je me penche sur le contexte de ma conception et de ma vie intra-utérine en 1957-1958 ; et j’en comprends d’autres si je me penche sur le contexte en 1927-1928.
En résumé : le contexte est une grande pauvreté, à la limite de la misère ; ma grand-mère Marie est à peine sortie de l’esclavage dans lequel l’industrie a maintenu ses ouvriers pendant bien longtemps (elle a été placée à l’usine à 14 ans) ; et mon grand-père Joseph est, quant à lui, à peine sorti des tranchées de la Première Guerre mondiale dans lesquelles il a passé plusieurs années (il en fera des cauchemars presque chaque nuit tout le reste de sa vie).
Quant à avoir la même réflexion pour la transmission par la voie paternelle, je pense que ce n’est pas tout à fait la même chose puisque le spermatozoïde fourni par le père est fabriqué durant les jours qui précèdent la création de l’enfant. Cela dit, il est évidemment fort utile de se pencher sur le contexte de la création de notre père puisque cela peut nous renseigner sur ce dont il peut avoir hérité ; et donc sur ce qu’il peut nous avoir transmis.
En résumé (et en espérant ne pas provoquer de scandale dans la famille), j’en arrive à me demander avec qui mon père m’a fait :avec sa femme ou avec sa belle-mère ?. Plus sérieusement : nous sommes aussi l’enfant de notre grand-mère maternelle, en plus d’être celui de notre mère. Cela dit, les neuf mois que nous passons en son sein et les années que nous passons dans ses bras ne manquent évidemment pas d’importance. À noter : ce peut expliquer le pourquoi de la fameuse “cascade transgénérationnelle” dont le postulat dit que « le grand-parent vit l’événement , le parent le “psychologise” et l’enfant le “biologise”.
Un cas clinique parmi d’autres
J’ai dernièrement rencontré Catherine, une femme de trente-cinq ans en grande souffrance car obsédée par ce qu’elle m’a d’abord décrit comme une angoisse de mort. Elle est mariée ; elle a deux jeunes enfants ; jusqu’à la naissance du premier, elle est en excellente santé psychique. Cette angoisse a commencé à ce moment-là et a augmenté avec la venue de son deuxième enfant.
Rapidement, je comprends que cette peur de la mort ne la concerne pas vraiment : elle est surtout centrée sur ses enfants. Elle a très peur qu’il leur arrive quelque chose et qu’ils meurent. Rien ne l’explique à l’analyse de son histoire ni de celle de ses parents. Par contre ,c’est parfaitement logique si l’on considère deux drames survenus à la fin des années quarante, juste avant la conception et durant la vie intra-utérine de la mère de Catherine.
D’abord, quelques mois avant la conception de l’enfant, cette grand-mère a perdu un petit garçon à cause d’une pneumonie ; de plus pendant qu’elle est enceinte, son père se suicide (donc l’arrière grand-père). De ce fait, pendant neuf mois, la mère de Catherine a nagé dans un liquide amniotique au goût très prononcé de maladie et de mort. Il suffit d’imaginer ce qu’a vécu la grand-mère au plus profond d’elle-même durant cette période pour envisager ce que l’embryon puis le fœtus ont pu capter et donc stocker au niveau cellulaire, y compris au niveau des ovocytes en train de se former.
Trente ans plus tard un de ces ovocytes devenu ovule est à l’origine de la conception de Catherine, le déclencheur de son angoisse étant, dans son cas, sa première maternité. Le fait d’être enceinte puis mère va réveiller ce double drame : sans en avoir conscience, elle craint qu’il se reproduise, comme un demi-siècle plus tôt. J’ai expliqué tout cela à Catherine et depuis, elle se sent beaucoup mieux, même si parfois elle fait de petites crises rapidement maîtrisées puisqu’elle en comprend le sens.
À noter : l’histoire de Catherine est typiquement une “allergie transgénérationnelle”, cause très fréquente d’angoisses inexplicables. Quant à son utilité bio-logique, elle est d’avertir la personne de l’imminence d’un danger, comme pour toutes les allergies.
J’ai connu vers 50 ans des angoisses de fillette en pleurs réclamant sa mère ; cela me tombait dessus dès que je me couchais le soir.
Par le hasard d’une rencontre d’un tout autre objet avec une psychologue, j’ai été libérée de cette obsession une fois que j’ai compris que je jouais le rôle de ma mère, devenue orpheline subitement. Je restais bloquée là où le drame s’était déroulé.