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ULRIKE KÄMMERER Le régime cétogène est efficace contre le cancer

Par 6 septembre 2017mars 8th, 2023Pas de commentaires

Changer sa façon de manger ne permet pas seulement de prévenir le cancer, mais aide aussi à en guérir. Pionnière du régime cétogène, une alimentation riche en graisses et très pauvre en glucides, le Pr Ulrike Kämmerer (CHU de Wurtzbourg, en Allemagne) est à l’origine d’une des premières études cliniques sur cette alimentation chez les malades du cancer. Elle est co-auteur du livre « Le régime cétogène contre le cancer ».


Existe-t-il un régime qui combat directement le cancer quand il s’est déclaré ?

Pr Ulrike Kämmerer : Lorsqu’une personne est confrontée à un diagnostic de cancer, deux questions se posent très vite à elle : « Quels sont les recours thérapeutiques ? » et « Que puis-je faire moi-même pour guérir ? » Les patients demandent notamment s’il existe une alimentation ayant une action ciblée « contre » le cancer. Ou mieux encore, qui permette d’« affamer » le cancer. En l’état actuel des connaissances, la réponse à ces deux questions est très clairement « Non ». Aucun mode d’alimentation n’agit de façon « ciblée » – comme une chimiothérapie – et fiable « contre » les cellules cancéreuses. Et on ne peut affamer les tumeurs qu’en laboratoire – c’est impossible chez les patients.
Pourtant de nombreux patients en Allemagne suivent un régime dit « cétogène »
Pr Ulrike Kämmerer : Oui, car la bonne nouvelle, c’est que ce mode d’alimentation spécifique permet réellement d’aider les malades du cancer et d’accompagner leurs traitements médicaux. Malheureusement, cette alimentation est encore peu connue, voire franchement méconnue. L’alimentation cétogène peut soutenir le processus de récupération d’un organisme atteint par un cancer, souvent caractérisé par l’inflammation et une forte résistance à l’insuline. En apportant à l’organisme du patient beaucoup de matières grasses et peu de glucides, elle peut le fortifier sans pour autant « nourrir » le cancer. Le régime cétogène est un mode d’alimentation qui, depuis plus d’un siècle, a été fréquemment décrit dans la littérature scientifique en rapport avec des personnes atteintes de cancer. En outre, il est utilisé avec succès depuis presque un siècle dans le traitement de l’épilepsie. Pour les malades du cancer, un de ses grands avantages réside dans le fait qu’il permet d’éviter la perte de masse corporelle, et tout particulièrement la fonte musculaire.

En quoi consiste le régime cétogène ?

Le régime cétogène est un mode d’alimentation isocalorique très riche en matières grasses (env. 80 % des calories consommées chaque jour sont issus de lipides) et très pauvre en glucides (20 à 40 g par jour selon le seuil de tolérance de chacun), qui permet à l’organisme de modifier son métabolisme sans être pour autant affamé. Ce régime se caractérise par l’apparition de corps appelés « cétones » dans le sang et les urines. Le foie produit des cétones à partir des matières grasses à chaque fois que l’organisme a jeûné durant plus d’une journée, ou qu’il a absorbé une quantité suffisante de calories issues de matières grasses sans que celles-ci ne soient accompagnées de glucides. Parmi les cétones, on compte l’acide acétylacétique, l’acétone (que l’on élimine en expirant et qui produit une odeur « fruitée » lorsqu’une personne se trouve soudain en forte cétose), et l’acide bêta-hydroxybutyrique. Chimiquement parlant, ce dernier n’est pas une cétone, mais sur le plan physiologique, il est assimilé aux cétones car il apparait partout où il y a production d’acide acétylacétique.

Pourquoi le régime cétogène est-il utilisé dans l’épilepsie ?

Lorsqu’on ne fournit pas de sucre à l’organisme, ce sont les cétones qui fournissent au cerveau l’énergie dont il a besoin. Les cellules cérébrales sont très friandes de ces cétones grâce auxquelles elles sont particulièrement performantes – c’est peut-être pour cela que le régime cétogène est souvent très efficace chez les épileptiques, dont les crises diminuent ou disparaissent même tout à fait. Les muscles et les organes peuvent, eux, puiser leur énergie directement dans les acides gras provenant soit des réserves de graisse corporelle, soit d’aliments riches en graisses – beurre, fruits à coque, huiles et autres. Ils n’ont donc pas besoin des cétones. En théorie, une grande partie des cellules cérébrales pourraient elles aussi fonctionner en exploitant les acides gras. Cependant, à l’intérieur des cellules, les acides gras brûlent avec une efficacité relativement faible et de façon assez « sale » : ils ont besoin de beaucoup d’oxygène, produisent de grandes quantités de « radicaux libres » et d’espèces réactives liées à l’oxygène (ERO) nocifs pour les cellules, et leur production d’énergie est relativement lente. Ces trois facteurs les rendent inaptes à fournir suffisamment vite l’énergie dont notre cerveau, organe extrêmement actif et sensible, a besoin. C’est pourquoi les mitochondries des cellules nerveuses du cerveau ne sont pas conçues pour cette forme inefficace et nocive (en ce qui les concerne) de combustion des graisses, et les enzymes-clés nécessaires à la dégradation des acides gras (la bêta-oxydation) ne s’y trouvent qu’en très faibles quantités. En revanche, la combustion des cétones dans les mitochondries s’avère extrêmement efficace – plus encore que celle du glucose –, très rapide et très propre – car elle produit peu d’ERO. On peut comparer ce processus au fonctionnement d’un moteur de voiture. Les moteurs les plus simples fonctionnent parfaitement avec de l’essence ordinaire. Les voitures équipées d’un moteur puissant exigent, elles, du Super, et les voitures de Formule 1 fonctionnent même avec un carburant de qualité encore supérieure, un genre de « super Super » – elles avanceraient au ralenti si on les faisait rouler à l’essence ordinaire. En tant que « cellules de Formule 1 » de notre organisme, les cellules de notre cerveau ne peuvent pas fonctionner en brûlant des acides aminés (qui équivalent à l’essence ordinaire) : il leur faut au moins du Super (le glucose) ou, encore mieux, de l’essence pour Formule 1 (les cétones).

En quoi les personnes atteintes de cancer peuvent-elles bénéficier de ce régime ?
Les acides gras sont le fournisseur d’énergie idéal pour toutes les cellules de notre corps hormis celles du cerveau. Les malades du cancer ont besoin de quantités particulièrement importantes de matières grasses pour préserver leur masse musculaire et conserver suffisamment de force physique. En effet, le cancer modifie le métabolisme de telle façon que les muscles réagissent moins bien au signal de l’insuline. À l’instar des diabétiques, les malades du cancer deviennent ainsi insulinorésistants, ce qui a pour conséquence d’amoindrir de plus en plus la capacité de leurs muscles à exploiter le sucre comme source d’énergie. Lorsque leurs cellules manquent de sucre et ne disposent pas, en compensation, de suffisamment d’acides gras, les personnes s’affaiblissent et s’épuisent vite. Cette situation, les malades du cancer sont malheureusement nombreux à la connaitre. Contrairement au sucre, les acides gras peuvent pénétrer dans les cellules sans être dépendants de l’insuline. Et lorsque l’on met suffisamment de matières grasses à disposition d’un organisme, comme c’est le cas dans le cadre d’un régime pauvre en glucides et riche en matières grasses ou d’un régime cétogène, les muscles retrouvent de l’énergie – y compris en cas d’insulinorésistance avérée. Tous les sportifs d’endurance connaissent ce phénomène : c’est le mode « brûlage de graisses » qui permet de courir un marathon sans être obligé d’absorber en permanence des aliments très riches en sucre.

Qu’en est-il des cellules cancéreuses ?

Les recherches menées jusqu’à présent indiquent que la croissance des cellules cancéreuses nécessite de très grandes quantités de sucre. Ces cellules ne peuvent exploiter efficacement ni les matières grasses, ni les cétones : ces dernières bloquent leur croissance. Et lorsque, comme c’est souvent le cas pour les cellules cancéreuses, leurs mitochondries sont endommagées, elles ne peuvent pas non plus exploiter les cétones pour produire de l’énergie.
Le régime cétogène est-il bien toléré ?
Passer d’une alimentation classique à une alimentation cétogène riche en matières grasses c’est un bouleversement des habitudes. Mais tant les expériences menées sur des animaux que les données cliniques ont montré que bien que très strict, ce mode d’alimentation était bien toléré et s’avérait efficace. Il y a donc de bonnes raisons de le prendre sérieusement en considération en accompagnement des thérapies anti-cancer. Dans les cas où un régime 100 % cétogène n’est pas imaginable pour le patient (parce qu’il ne veut pas, par exemple, se priver d’un verre de bière occasionnel ou de fruits), il est recommandé d’avoir au moins recours, soit à un régime pauvre en glucides et riche en matières grasses de type Atkins, soit au régime IG : ils seront en tout cas plus bénéfiques pour le patient que l’alimentation dite « saine » prônée par les organismes officiels, qui limite la plupart des graisses.

Où en sont les études sur le régime cétogène ?

Des études sont actuellement en cours en Allemagne : l’étude KOLIBRI chez des femmes ayant eu un cancer du sein (référence de l’étude : NCT02092753) et une autre étude, ERGO 2, en cours à Francfort chez des patients atteints d’une tumeur cérébrale (référence de l’étude : NCT01754350). Mais il est urgent de mener des études cliniques sérieuses de plus grande ampleur, afin que ce mode d’alimentation puisse se faire admettre largement en cancérologie. Il y a donc de l’espoir.

Pour aller plus loin

« Le régime cétogène contre le cancer » par le Pr Ulrike Kämmerer, le Dr Christina Schlatterer et le Dr Gerd Knoll – Éditions Thierry Souccar

Interview reproduite avec l’aimable autorisation de LCHF Magazin für Gesundheit und ketogene Ernährung – N° 2/2014 – www.LCHF-Deutschland.de (© Tanja et Harry Bischof, Hoisdorf) et du site LaNutrition.fr pour la traduction.

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