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Yves Rasir

Il y a quelques jours, ses frère et sœurs m’ont annoncé la  triste nouvelle du décès accidentel de Pol Grégoire, victime d’un accident de moto dans le nord de l’Espagne, où il résidait depuis quelques années. Chef cuisinier autodidacte, cet artiste des fourneaux avait officié dans plusieurs restaurants à succès avant d’ouvrir le sien à Bruxelles, le TAN,  en association avec son ami Jo Vanderstichelen. Interpellé par l’appauvrissement de la qualité gustative et nutritive de l’alimentation moderne, Pol Grégoire avait en effet entamé une réflexion sur son métier et sur la façon de réconcilier gastronomie et santé. Après de multiples lectures et expériences culinaires, mon compatriote avait développé le concept d’Alimentation Vive, une façon de manger privilégiant des ingrédients d’origine biologique, et c’est pour ça que nos chemins se sont croisés. Je venais de créer le magazine BIOINFO, un mensuel distribué gratuitement dans les magasins bio, où je mettais précisément en valeur, dans une rubrique appelée  « Cuisine tonique », les recettes faisant la part belle aux aliments naturels et non dénaturés par la transformation et la cuisson. Très logiquement, Pol est devenu le titulaire attitré de cette rubrique et il l’est resté  pendant des lustres, même lorsque j’ai cédé BIOINFO pour entamer l’aventure NÉOSANTÉ. Nos relations étaient devenues distantes, on se revoyait peu, mais il m’avait encore appelé en 2020 ou 2021 pour m’exprimer tout son soutien dans la lutte anticovidiste. Si quelqu’un était bien informé que l’alimentation saine permet d’avoir une bonne immunité  et de résister aux infections sans vaccins ni médicaments, c’était bien lui !

Une cuisine qui aime la vie

L’Alimentation Vive, c’est une façon de se nourrir  respectueuse des besoins du corps et des aliments eux-mêmes, tout en régalant les papilles et en augmentant la vitalité. Le pari de Pol était de se faire plaisir tout en se faisant du bien, et tous ceux qui ont testé sa cuisine vous diront que ce double challenge était amplement réussi.  Inspirée par la classification du Dr Edmond Bordeaux Szekely, sa méthode repose sur la distinction entre 4 types d’aliments : Les aliments biogéniques (qui donnent la vie)  sont ceux qui regorgent de vie et qui la communiquent à ceux qui les mangent. Ils possèdent la capacité de régénérer et de revitaliser l’organisme humain. Dans cette catégorie se trouvent les graines germées, les jeunes pousses et certains super-aliments comme les algues, la spiruline, le pollen, la gelée royale ou le ginseng. Les aliments bioactifs (qui maintiennent la vie) sont ceux qui peuvent préserver et amplifier légèrement une énergie vitale déjà bien présente. Rentrent dans cette catégorie les fruits et légumes frais et biologiques, crus et non transformés, les huiles végétales de première pression à froid, le miel, les herbes aromatiques fraîches, les fromages au lait cru et les produits lacto-fermentés, les coquillages, les viandes de haute qualité et les poissons sauvages. Les aliments biostatiques (qui ralentissent la vie) ont perdu la plupart des enzymes et vitamines qui forgeaient leur vitalité. Ils diminuent la force vitale et favorisent le processus de vieillissement. Ce sont les aliments cuits à haute température ou crus mais conservés trop longtemps. Enfin, les aliments biocidiques (qui tuent la vie) sont ceux qui provoquent plus ou moins rapidement l’effondrement de l’énergie vitale. Ce sont les aliments  qui contiennent des additifs chimiques, qui ont été raffinés (pain blanc, sucre blanc, riz blanc, huiles raffinées…) ou traités industriellement, les fromages et les laitages pasteurisés, les viandes issues d’élevages industriels et transformées, les fritures et grillades,  etc…Formant ensemble la catégorie des aliments vivants, ce sont bien sûr  les aliments biogéniques et bioactifs qui trouvaient grâce aux  yeux de Pol Grégoire.  Les deux autres catégories étaient bannies. Ayant expérimenté avec satisfaction le régime paléolithique et le régime hypotoxique du Dr  Seignalet, le chef n’utilisait pas non plus  de produits laitiers et de céréales à gluten pour élaborer ses recettes.

Cuire, c’est nuire

Dans son approche, la question de la cuisson était capitale et fondamentale.  Savez-vous qu’en consommant des aliments cuits, vous suscitez déjà une réaction de votre système immunitaire ? Cette découverte méconnue a été faite par  le Dr Paul Kouchakoff dans les années 1930. Ce chercheur à l’Institut de chimie de Lausanne avait observé des différences au niveau de la composition du sang chez des animaux selon qu’ils étaient nourris avec des aliments crus ou cuits. Chez les seconds, il se produisait une augmentation anormale du nombre de globules blancs, réaction qui est appelée leucocytose et qui traduit une réponse inflammatoire de l’organisme. Contrairement à une légende qui circule sur internet, Kouchakoff n’a jamais reçu le prix Nobel de médecine pour ses travaux. Ils ont cependant été retrouvés et approuvés quelques décennies plus tard par des médecins-nutritionnistes renommés comme l’Américain Gabriel Cousens ou le Français Lylian Le Goff. Si bien qu’aujourd’hui, beaucoup d’experts en nutrition tiennent pour acquis que le corps humain réagit aux aliments cuits de manière défensive, comme face à une agression. La réaction inflammatoire apparaîtrait dès que les aliments ont été cuits à plus de 85 ° pendant une demi-heure. À cette température, une bonne partie des vitamines et des micro-nutriments est déjà détruite et au-delà de 110°, la cuisson fait apparaître de nombreuses molécules toxiques et cancérigènes.  C’est pourquoi Pol Grégoire recommandait des méthodes de cuisson peu agressives comme la vapeur douce, la cuisson à l’étouffée, la cuisson au four à basse température ou, mieux encore, la cuisson au déshydrateur, appareil qui permet de ne pas dépasser 42° et de préserver ainsi les enzymes alimentaires tout en ménageant le capital enzymatique digestif. Bien avant d’autres promoteurs de l’alimentation saine, Pol avait en effet saisi toute l’importance des enzymes, éléments protéiniques qu’il qualifiait de « clés de la vitalité » et dont il ne cessait de vanter le rôle biogénique. En toute cohérence, il louait les mérites du crudivorisme et préconisait d’arriver à une proportion de 80% d’aliments crus dans ses menus quotidiens.   

Son œuvre lui survivra

C’est la règle proportionnelle qu’il suivait dans l’élaboration de ses recettes, riches en crudités et conçues notamment avec des sauces 100% crues  à base d’huiles végétales extra vierges agrémentées de divers condiments et épices. Un régal pour le palais et une source de bienfaits inestimables qui ne vont pas s’éteindre avec son décès prématuré. Si vous passez par Bruxelles, vous pouvez d’abord faire escale au TAN, la maison de bouche qu’il avait co-créée et qui existe toujours. Cela fait longtemps que Pol Grégoire avait renoncé à la restauration pour se consacrer à l’enseignement à travers des cours, des stages et des ateliers.  Mais c’est l’un de ses élèves qui a pris sa place devant les fourneaux et qui est depuis peu propriétaire du resto. J’y dîne de temps en temps quand je suis dans la capitale et je peux vous dire que l’établissement n’a rien perdu de son excellence. Les plats à la carte ou les deux menus du jour – carné ou végé – sont toujours aussi délicieux et ils sont toujours accompagnés du célèbre pain essénien façon Grégoire, une véritable tuerie. Les vins naturels sont vachement bien choisis, les desserts sans farine ni lait sont savoureux et la note est tout aussi digeste ! Pour prolonger l’expérience, vous pouvez ensuite vous procurer les ouvrages  « Vitalité gourmande » (éditions Françoise Blouard)  « Les 5 piliers de l’Alimentation Vive » (éditions Soliflor) et « Croquez la vie, l’alimentation vive en 52 aliments » (éditions Soliflor),  soit les trois livres complémentaires et non-redondants co-écrits par le chef disparu. Je ne dis pas qu’ils sont tous encore disponibles partout mais on les trouve facilement en occasion sur le net. Enfin, si vous voulez approfondir l’art culinaire de Pol Grégoire, sachez qu’il était l’un des enseignants principaux de l’EAVD, (école d’alimentation vivante et durable). Celle-ci est à présent orpheline de son professeur belge mais il y a 30 autres pédagogues qui suivent le même esprit et qui ont souvent été formés par lui. Les formations sont dispensées en présentiel durant la belle saison et en ligne durant toute l’année. Bref, ce n’est pas parce que Pol est parti régaler le paradis que nous sommes obligés de faire sans lui. Grâce au restaurant Tan, aux bouquins et à l’école dont il était un pilier, l’Alimentation Vive va lui survivre et n’est pas près de mourir.

La preuve par les cheveux

Pour conclure ce court éloge funèbre assorti de conseils diététiques, laissez-moi vous raconter une étonnante anecdote. Un jour que nous revenions d’une émission radiophonique dont nous étions les invités, Pol Grégoire et moi continuions à bavarder des défauts de la cuisson et des avantages du crudivorisme. « Tu sais, me dit-il, il y a un moyen très simple de vérifier l’impact positif de l’alimentation crudivore. Quand je vois que j’attrape des cheveux blancs, je passe au 100% cru et il ne faut pas 15 jours pour qu’ils disparaissent ». C’était il y a 20 ans, Pol n’avait alors que 47 ans et n’était pas du tout grisonnant. Mais en regardant des photos de lui assez récentes, je constate qu’il avait conservé sa belle chevelure châtain clair de jeune homme. Je ne vois pas pourquoi il m’aurait raconté des salades et cette confidence m’avait convaincu  à l’époque que de bonnes habitudes alimentaires favorisent également  la santé capillaire. Depuis cette date, je me suis habitué aussi à augmenter la proportion de cru dans mon assiette quand je repère des tifs blanchis sur ma tête. Et je constate aussi que leur présence diminue rapidement, au point de devenir quasiment invisibles. Illusion d’optique ? Auto-persuasion ? Recoloration placebo ? Je pense personnellement que le phénomène est réel et que l’abandon de toute cuisson est tellement bon pour la santé que les cheveux manifestent leur regain de vitalité en reprenant des couleurs.  Puisque l’été est propice au crudivorisme, je vous propose de faire le test et de m’informer à la rentrée de vos  résultats pileux. Si ça se trouve, l’astuce fera tache d’huile et la triste disparition  de Pol Grégoire amorcera  peut-être la réjouissante obsolescence des teintures. Vive l’Alimentation Vive !

Yves Rasir

5 commentaires

  • Sergio Ordóñez dit :

    Bonjour Yves,
    J’aurais voulu tout d’abord te remercie pour l’article de Neo-santé qui fait un hommage à notre fierté national comme il l’était Pol Grégoire, aussi pour citer Tan dans ton article, c’est vraiment très généreux de ta part.
    Lire ce que tu a écris évidemment nous plonge à tous les les héritiers de l’alimentation vive dans une énorme tristesse, mais au même temps dans de souvenirs inoubliables et, on se dit qu’on a eu vraiment la chance de le rencontrer et recevoir ses enseignement passionnés personnellement, je te remercie pour ça aussi.
    À l’occasion n’hésitez pas à faire un tour au TAN tu seras toujours le bienvenu, TAN est aussi ta maison.
    Sergio Ordóñez nouveau propriétaire de La maison TAN.

  • Mostaert Louis dit :

    Le hasard m’a fait tomber sur un article du Soir Mag n°4789 du 3 avril 2024 qui présente le livre d’un journaliste du Figaro, Etienne Jacob, intitulé « La France des gourous – journal d’un infiltré ». Cet article évoque une partie du livre consacrée à Irène Grosjean, présentée comme papesse française du « manger cru » qui, ici je cite le Suaire : « explique que « manger cru » serait le remède à toutes les maladies. Une théorie basée sur « l’expérience », certainement pas sur des preuves scientifiques. Manger cuit empoisonnerait le corps… Un monde parallèle qui implique de vrais risques sanitaires. » Quel professionnalisme journalistique !

    • Alain Demoulin dit :

      Bon nombre d’êtres vivants de toute espèce mangent exclusivement cru. Jusqu’à preuve du contraire, ça ne met pas en danger leur existence.

  • Maflor dit :

    Un vif merci pour cet excellent exposé de la nourriture vivante.
    La pratique des graines germées n’est pas encore assez développée alors qu’elles sont si riches pour la santé.

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